tout belle et gaie quand elle reflétait le soleil. Au temps de sa
« jeunesse » 140 lampes l’éclairaient, la plupart suspendues au
dehors, et l’écrivain chinois disait d’elle : < Quand ces lampes
sont allumées, elles éclairent les 33 cieux; elles découvrent le
bien et le mal parmi les humains, et elles détournent à jamais
les misères de l’homme ». Que des Chinois aient jeté par terre
un pareil édifice rien que pour ne pas contrarier une idée saugrenue,
c’est assez pour nous faire comprendre pourquoi la
Chine manque totalement de beaux ou vieux édifices dignes
d éternels hommages, comme un Parthénon, un Colysée, une
grande cathédrale romane ou gothique. — Telle était cette
tour, plus célèbre en Europe que tout le reste des choses chinoises
quand nous en étions encore dans l’ère des « Chinois
de paravent. »
Le gouvernement chinois a construit l’un de ses arsenaux
militaires tout près de la ville, divisée comme toute autre capitale
de province en cité chinoise et en cité tartare, et l’industrie
privée y a fondé des établissements divers, tels que
fabriques d’encre, de papier, de fleurs artificielles, de soie, de
crêpe et de ces étoffes de coton, qui, sous le nom de i nankins »,
ont servi jadis de modèles aux tisseurs d’Europe. Les plus
beaux satins chinois proviennent aussi de cette ville, qui a
repris son rang de métropole du beau langage des belles-
lettres ; jusqu’à 12 000 jeunes gens viennent y subir les examens
annuels. De grandes bibliothèques se sont reconstituées
à Nanking, et des imprimeries nouvelles s’y sont ouvertes
avec un matériel chinois et européen. Parmi les immigrants
de la cité restaurée, les mahométans :Sont nombreux : on les
évalue à une cinquantaine de mille.
De même que la t Résidence du Nord », la « Résidence du
Sud » a dans ses environs immédiats, à quelques kilomètres
vers l’est, un enclos funéraire impérial, mais un seul « podestat »
y dort du dernier somme, le second empereur de la dynastie
des Ming, m ort à la fin du xiv° siècle. Il repose, au bout d’une
longue avenue, « sur la plate-forme d’un énorme cube en
maçonnerie de 20 mètres de haut sur 100 mètres de côté »;
tout autour, dans le parc consacré aux mânes du tout-puissant
défunt , se dispersent les ruines des temples et des palais détruits
par les rebelles ; et tout au long de l’avenue veillent des effigies
colossales d’hommes et de bêtes : hommes officiels comme
princes et mandarins, hommes de guerre « tels que cavaliers la
lancé au poing » ; animaux réels « comme chameaux ou éléphants
armés en guerre » ou fantastiques tels que « dragons
rampants ou dressés » ; de distance en distance, de grandes
tables de pierre, vastes dolmens chinois, s’appuient sur des
piliers dé roches. En pleine nature, ainsi que les autres «: Saint-
Denis » de la Chine,; cette avenue, ces vieux arbres, ces ; gigantesques
serviteurs muets veillant aux deux bords de l’avenue
sur la tranquillité de l’Ombre impériale, cette nécropole d’un
seul donne au visiteur une impression de ¡ grandeur mélancolique.
Dans la campagne environnante s’élèvent quelques buttes
de volcans.
L’activité commerciale du Kiangsou s’est concentrée principalement
dans la ville de Tehingkiang, située à Test de Nanking,
également sur la rive droite du Yangtze kiang, mais en
face de L’entrée méridionale de la rivière des « Transports »;
en outre, des canaux naturels et artificiels la font communiquer
avec Changhaï; Tehingkiang se trouve donc à la croisée
de voies commerciales d’extrême importance. Aussi s’est-elle
relevée des deux désastres qui l’ont frappée pendant ce siècle.
En 1842, l’armée anglaise y remporta la victoire qui lui permit
de dicter à la Chine le traité de Nanking, mais elle ne trouva
que des morts dans Tehingkiang; les défenseurs mandehoux
avaient égorgé les femmes et les enfants et s’étaient tués à leur
tour pour ne pas subir la domination détestée des « Rarbares
aux cheveux roux ». En 1833, elle fut prise par les Taïping, et,
quatre ans après, la population fut massacrée par les Impérialistes
: c’était mourir deux fois. Comme à Nanking, il ne resta
que des murs, et çà et là quelquès malheureux gîtant dans les
décombres.
Remontée à 130 000, 150 000, 175 000 habitants — on n ’ose
guère affirmer aucun de ces nombres, — Tehingkiang est un
des ports du fleuve ouverts au commerce des étrangers. On
supposait que le trafic s’y développerait très vite, mais on
n’avait pas réfléchi qu’elle est maritimement trop près de
Changhaï, fluvialement trop près de Hankoou, pour accaparer
les trànsactions de cette région de la Chine. Puis l’extrême
délabrement du Canal Impérial lui a nui ; d’autant que le
« tribut du riz », c’est-à-dire le transport des riz du sud dans les
provinces du nord, a 1 pris de plus en plus la route de mer, bien
plus rapide, bien moins coûteuse: que la voie de navigation
intérieure. Cependant le commerce extérieur de Tehingkiang
s’est élevé en 1898 à 90 millions de francs, et le mouvement du
port vraiment prodigieux, à 5 794 000 tonnes, dont 8 250 000 tonnes
pour les vapeurs et 3 544 008: tonnes pour les jonques; les
étrangers étaient en 1900 au nombre d’une trentaine à Tching-
kiang; en face de la ville, au milieu du fleuve, se montre l’île
charmante dite Tsias-chan ou « montagne d’Argent », parsemée
de pagodes bouddhistes.