cette couleur, sont en effet considérés par maint Chinois
comme formant une secte de l’Islam : on leur donne aussi
les noms de Lehtze-kin ou « Coupeurs de veines », et de
Taoukid-ked ou « Extracteurs de nerfs », à cause de leur manière
d’égorger et de préparer les animaux qui doivent servir à leur
nourriture.
Réduits de nos jours à quelques centaines d’individus
seulement, vivant dans la capitale du Honan, à Kaïfoung (et
quelques-uns dans des ports ouverts au commerce des nations),
ils étaient jadis beaucoup plus nombreux, et plusieurs s’élevèrent
à des postes éminents.
Les colonies juives de Nanking, de Peking, de Ningpo, ont
cessé d’exister : les conversions au mahométisme et aux religions
nationales de la Chine ont réduit de siècle en siècle la
petite colonie sémitique. Ceux qui restent ne parlent que le
chinois, et leurs derniers rabbins, les Aronistes ou Aaonites,
ne lisent plus que difficilement l’hébreu, en le prononçant à la
chinoise : à tel degré que pour eux, le nom d’Israël est devenu
Ye se lo ni.
D’après le témoignage unanime des Juifs de Kaïfoung fou,
ils appartiennent à la tribu d’Aser et sont venus en Chine pendant
le règne de la dynastie de Han, c’est-à-dire dans la période
de quatre siècles et demi qui s’étend de 202 de l’ère ancienne
à 264 de l’ère vulgaire. Les missionnaires qui découvrirent la
colonie juive de la Chine en ont conclu qu’elle se composait de
fugitifs immigrés dans le pays après la destruction de Jérusalem
; les Israélites du c Milieu » donnent eux-mêmes à leur
patrie le nom de Tientcheou, qui est celui par lequel les Chinois
désignent Ceylan.
Ainsi donc la postérité d’Abraham se serait maintenue
pendant dix-huit cents années au milieu de ce monde chinois
si différent de son pays d’origine. Mais lorsque les Juifs européens
réussirent dernièrement à se mettre en relation avec ces
coreligionnaires, ceux-ci avaient presque entièrement perdu
leur cohésion de race : la synagogue était ruinée, aucun fidèle
ne savait plus lire le Pentateuque, et des récompenses étaient
offertes par la communauté et par le gouvernement à ceux qui
seraient parvenus à le déchiffrer. Invitation avait été faite à tous
les Juifs d’attendre, avant de changer définitivement de religion,
que l’impossibilité de lire les livres saints eût été bien
constatée ; mais ils considéraient déjà la Mecque et Médine
comme leurs villes saintes.
Les Mahométans, eux, n’ont pas la moindre
tendance à disparaître, et ils forment un élément
vi nombreux, important, remuant, très difficile à
l’islam vivre en ce sens qu’ils tiennent plus à leurs
doctrines qu’à leur Chine ; en somme, un Etat
dans l’État.
Skatchkov les évalue à vingt millions, nombre qui semble
beaucoup trop faible à d’autres historiens de la Chine; la plupart
optent pour trente millions. ; ■ ,
On prétend qu’ils ont la majorité dans la province du haut
Hoang ho, dans le Kansou, et qu’ils comptent pour un tiers
dans tels et tels districts des autres provinces septentrionales
de la Chine. ■ . .
Puis, si l’on veut bien se faire une idee complète de la
somme de leur puissance, non dans la < Fleur du Milieu » proprement
dite, mais dans l’ensemble de l’Empire chinois, il faut
ajouter aux Musulmans des « dix-huit provinces » les Doun-
ganes et autres Musulmans de la Dzoungarie, du pays de
Kouldja et du Turkestan Oriental. _
On embrasse d’habitude tous les Mahométans chinois sous
le nom de Hoï-hoï (Hoeï-Hoeï), qui s’appliquait autrefois aux
Ouïgour ; eux-mêmes prennent soin de s’appeler Kiao-mun ou
« Gens de religion », pour se distinguer des autres Chinois,
considérés par eux comme des impies. Quant à l’appellation de
Dounganes, de provenance mongole, on sait qu’elle s explique
d’ordinaire par le sens de « Traînards » ou « Déclassés »; elle
n’est employée d’ailleurs que pour les Musulmans du nord et du
nord-ouest de la Chine; et quant à celle de Panthé, mot d origine
barmane, de sens inconnu, elle s’applique uniquement
aux Islamites du Yunnan, qui sont fort nombreux et à peu près
sans communications avec leurs coreligionnaires du Nord et du
Centre. u urn..s
Il ne paraît pas que les Mahométans de Chine forment un
groupe ethnologique homogène. Descendants d’Ouïgour, de
Tangoutes et de Tartares, ils se mêlent dans l’ouest et dans le
nord à des prosélytes vraiment chinois, tandis que dans le
Yunnan les éléments turc et mongol manquent parmi les sectateurs
de l’Islam ou ne peuvent être représentés que par les
descendants des soldats qui accompagnaient Koublaï-khan dans
les razzias de conquête. _ .
Depuis le commencement de la dynastie mandchoue, les
Mahométans sont astreints comme les autres Chinois à porter
la queue, et au cours du xix» siècle le gouvernement a eu la
barbarie d’obliger les mères musulmanes à se conformer a la
mode chinoise en mutilant les pieds de leurs filles. Mais, malgr