seize de Tchemoulpo, port de cette Corée que le Japon a tant
à coeur.
L’Angleterre s’est établie en 1898 à Weïhaï weï, par un
bail de quatre-vingt dix-neuf ans obtenu de la Chine, suivant la
nouvelle formule de prise de possession inaugurée par l’Allemagne
en ce même Chantoung, à Kiaotcheou. Ce port n’est pas
excellent; on le qualifie même de médiocre; il n’a derrière lui
que la stérile montagne de la corne du Chantoung et jusqu’à
ce jour son trafic s’est borné à de modestes relations avec la
Corée, la belle péninsule, la « Sérénité du Matin », qui n’est
même pas à 300 kilomètres au levant de Weïhaï weï. Vu
l’absence d’arrière-pays, et la difficulté de communiquer avec
la Grande Plaine, les Anglais n’essaieront probablement pas
d’en faire un entrepôt de commerce; ils l’ont sans doute accaparé
pour créer un port de guerre, un arsenal, un concurrent
naval, militaire et politique de Port-Arthur.
D’ailleurs la nouvelle « colonie » allemande, Kiaotcheou, est
infiniment mieux située que Weïhaï weï pour concentrer les
relations du littoral avec l’intérieur du Chantoung et la vallée
du Fleuve Jaune.
Comparés à Port-Arthur, Weïhaï weï et Kiaotcheou sont
« en l’air », coupés l’un de l’Angleterre, l’autre de l’Allemagne,
par la mer immense, alors que Port-Arthur tient sans lacune,
par le continent, à la « Sainte-Russie », à une extrémité du
transsibérien.
On reconnaît à Weïhaï quelques avantages, mais bien
minimes au point de vue de ce qu’on nomme la grande guerre
et la haute politique. Il a dans sa banlieue une campagne peu
étendue, il est vrai, dix kilomètres seulement sur six, de la mer
au massif de Haïchan ingan sou, mais très féconde et fort
peuplée, où, dit Villetard de Laguérie, on pourra créer en quelques
années une t Conca d’Oro » comme celle de Palerme, une
« huerta » telle que celle de Valence ou de Murcie. Ceci est un
avantage permanent, mais sur quelques milliers d’hectares
seulement. L’avantage passager consiste en ce que Weïhaï
weï, bien que fortement démantibulé par les Japonais, pendant
la guerre d’abord, puis lors de leur départ, peut opposer
à une attaque les forts dont l’avait armé la prévoyance de
Li Hung tchang; et aussi en ce qu’il possède un arsenal capable
de petits radoubages et de légères réparations.
Tout ceci dit, il paraît bien que l’Angleterre, prise de court
par l’imprévu, la rapidité des événements, et méditant d’ailleurs
le i coup du Transvaal » a mal paré le « coup de Port-Arthur ».
Youngtching et Chitaou, ports les plus orientaux de la
presqu’île, « brocantent » avec la Corée; les carrières de pierre
de Chitaou ont fourni récemment des matériaux aux Russes
pour les travaux militaires de Port-Arthur dont il convient
naturellement de faire un « Gibraltar ».
Comparé au versant septentrional de la côte du Chantoung,
celui du sud, qui regarde vers la haute mer, est pauvre en
grandes cités et en rades fréquentées, à l’exception de
Kiaotcheou, qui reçoit déjà beaucoup de navires et qui prétend
ouvertement « aux plus hautes destinées ».
L’une des villes les plus populeuses de cette région,
Laïyang, * capable » peut-être de 50 000 âmes, frôle de son
enceinte murée une rivière qui va se déverser dans la baie de
Tingsi ; tout autour le pays est densément habité et produit
beaucoup de soie sauvage.
Tsimo, Tsime, Tsimi, cité d’à peine 20 000 âmes, est un
marché de denrées agricoles, d’où l’on expédie surtout des
porcs, des céréales, des fruits. A une cinquantaine de kilomètres
au sud s’élève une colline parsemée de temples et percée
dans tous les sens de galeries où l’on recueille des pierres précieuses
que les prêtres font vendre à leur profit pendant les
foires du pèlerinage. Tsimi, située sur un affluent de la baie
de Kiaotcheou, à 10 kilomètres à peine de cette petite mer intérieure;
Kaoumi, ville de 50 000 habitants, au moins, d’après
Hesse Wartegg, au voisinage du lac de Peïma hou ; et d’autres
villes et bourgades de plus ou moins d’importance, font maintenant
partie de la zone des intérêts allemands, en tant que
comprises dans le demi-cercle de 50 kilomètres de rayon, tracé
autour du point central de la baie de Kiaotcheou.
Dans la région du Chantoung méridional, dont les eaux
vont se perdre au sud au milieu des marais qui ont remplacé
l’ancienne branche méridionale du Hoang ho, la cité la plus
populeuse est celle de Yitcheou,où se trouve une communauté
considérable de mahométans. Les derniers renflements des
« Monts orientaux » qui viennent disparaître près de Yitcheou,
et dont l’un est une montagne sacrée, à peine moins vénerée
que le Taï chan, renferment des couches de charbon de terre
régulièrement exploitées. Ces mines de houille, et aussi les
mines de fer de la contrée amèneront avant longtemps la construction
d’une voie ferrée de Kiaotcheou à Yitcheou, ville qui
pour l’instant n’a rien de bien remarquable dans son enceinte
d’environ 5 500 mètres de tour.
Dans l’ouest de la province, près de la base des monts, dans
la région de la Terre Jaune, sur une rivière qui se dirige vers
le Canal Impérial, Yentcheou fou, ville de 60 000 habitants, dont