et destinée à le devenir bien davantage quand les chemins de
fer pénétreront dans l’intérieur, la faible largeur du versant
sud-oriental n’a pas permis aux eaux qui en découlent de s’unir
en un seul bassin fluvial ; les rivières qui, de cluse en cluse,
finissent par atteindre la mer, appartiennent à plusieurs systèmes
hydrographiques indépendants, dont quelques-uns sont
séparés des autres par des seuils élevés, qui font les communications
très difficiles.
Ainsi le Tchekiang méridional est naturellement divisé en
deux districts, ceux qu’arrosent les rivières de Taitcheou et de
Wentcheou; de même dans le Fo'kien, le pays est partagé en
régions distinctes correspondant aux bassins du Min et des
rivières qui se déversent dans les estuaires tels que celui
d’Amoï.
Deux seulement de ces fleuves ont quelque ampleur, le
Wentcheou et surtout le Min, dit aussi la rivière de Foutcheou,
qui n’a pas moins de 500 à 600 kilomètres et dont le bassin
très ramifié comprend les deux tiers du Fo'kien, sinon près des
trois quarts, soit sept à huit millions d’hectares. Il passe devant
vingt-sept villes murées. Le Lung, qui se déverse dans le
golfe d’Amoï, est le troisième cours d’eau de la province de
Fo'kien par ordre d’importance.
Les arêtes des monts ou des collines qui s’élèvent dans la
contrée étant orientées parallèlement à la côte et à l’axe du
Nan chan, les affluents des rivières maîtresses parcourent
les vallées intermédiaires dans la même direction, du sud-ouest
au nord-est ou du nord-est au sud-ouest : de sorte que là aussi
les chemins naturels ne longent pas la côte montueuse et dentelée,
mais utilisent les sillons des hautes vallées entre les rangées
parallèles des montagnes, et c’est par la mer ou par le
haut pays que les habitants du Fo'kien sont entrés en relations
mutuelles.
Mais, quoique les diverses régions naturelles soient séparées
les unes des autres par des terres élevées non soumises à
la culture, et que tout le pays soit resté en dehors des grands
chemins commerciaux, il n’en est pas moins devenu l’un des
plus populeux et des plus riches de la Chine, grâce à la fertilité
de ses vallées et à l’excellence de son climat. D’ailleurs, il a
dû à sa position même d’être relativement épargné par les
guerres.
Depuis des milliers d’années, l’agriculture, l’industrie s’y
développent sans interruption, et le commerce encore plus : ce
qui est aussi le cas de la province de Canton (Kouangtoung),
limitrophe du Fo'kien au sud-ouest.
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LE
FO'KIEN :
ORIGINALITÉ
DE
SON PEUPLE
Le Fo'kien continue vers le sud-sud-ouest
la côte rugueuse, déchirée, du Tchekiang méridional.
N’étaient le Tchekiang et le Kiangsou, son
continuateur au nord, le Fo'kien serait la moindre
des dix-huit provinces.
Ses 120 000 kilomètres carrés ne répondent
qu’au trente-troisième de l’Empire. Mais comme
nombre d’habitants il dépasse le vingtième du Milieu, si celui-ci
atteint bien 400 millions d’hommes, et le Fo'kien 20 500 000,
comme on le suppose : ce qui lui donnerait 170 personnes au
kilomètre carré.
Avant 1895 et le fâcheux traité de Simonoseki, la province
avait près de quatre millions d’hectares de plus, mais alors
elle a perdu les 38 242 kilomètres carrés de Formose, l’île montagneuse,
si digne de son nom portugais de « Belle », que les
Japonais ont ajoutée à leur magnifique archipel, mais tellement
loin de lui qu’il se passera sans doute un long temps
avant qu’elle devienne complètement japonaise.
Poiir l’instant, à plus de 1 000 kilomètres de la grande île
japonaise la plus rapprochée, et à 150 seulement des rives du
Fo'kien, elle est chinoise, mais avec de nombreuses tribus indigènes
et des métis des autochtones et des colons chinois :
ceux-ci venus surtout du Fo'kien et parlant un dialecte qui
est à peu près celui d’Amoï. Sur ces quatre millions d’hectares,
ou peu s’en faut, vivent près de trois millions d’hommes qui
seront peut-être une Chine t irredenta » pour les Chinois de
l’avenir.
Les Pescadores ont suivi le sort de Formose : de chinoises,
le même traité de Simonoseki les a faites japonaises.
Ces îles composent un tout petit archipel sortant des flots
à 55 kilomètres à l’occident de Formose, à 175 ou 180 kilomètres
vers le sud-est d’Amoï, exactement sous le tropique du Cancer.
On en compte vingt et une de quelque grandeur (d’ailleurs
aucune de bien étendue)) plus la foule des îlots et des traînées
d’écueils. Et c’est tout, si vingt mille hommes®?- dix mille seulement
d’après certains — demeurent sur ces roches basaltiques
dont aucune n’atteint 100 mètres d’altitude. Ils y cultivent
un sol exposé à des vents furieux, et surtout ils pèchent : d’où
le nom de Pescadores, tout au long, Ilhas dos Pescadores,
« îles des Pêcheurs », donné jadis par les navigateurs portugais.
Le nom chinois est Panghou, Penghou, Ponghou.
Les Pescadores, qui ne sont rien par elles-mêmes, ont une
très grande valeur stratégique. L’amiral Courbet s’en était