des touffes d’herbes; les eaux courantes ne manquent pas
non plus, et sur les bords de ces ruisseaux s’élèvent des peupliers
et des saules pleureurs. Deux siècles après Marco Polo,
le premier voyageur européen qui ait suivi la voie du désert
par le Lob nor et le Tchertchen, le missionnaire portugais
Benedict de Goës pénétra également dans le Kansou méridional
par la voie du Khotan, mais il ne dépassa pas Sou-
tcheou; il y mourut en 1607, et ses manuscrits ne purent même
pas être sauvés par son compagnon, l’Arménien Isaac, qui continua
la route jusqu’à Peking. Soutcheou est un grand marché
pour les populations mongoles des alentours. D’après le traité
signé entre la Russie et la Chine en 1881 Sining reste ouvert
aux marchandises russes comme entrepôt libre.
Les musulmans du Kansou mongol exploitent dans les
Nan chan des mines d’or qui sont, qui pourraient surtout être
très productives, et l’on y puise l’huile minérale à des sources
de pétrole.
La cité murée de Lantcheou fou, point de départ de la
route qui relie au Royaume Central ses possessions extérieures
de l’occident, a pu, grâce à sa forte enceinte, se maintenir
intacte et donner asile à d’innombrables fugitifs. Capitale officielle
du Kansou, quoique le vice-roi aille tous les six ans
résider pendant trois années dans la ville de Soutcheou, près
de la Porte du Jade, Lantcheou fou est située au point de convergence
de toutes les routes du Hoang ho supérieur, sur la
rive droite du fleuve, qui se recourbe en aval dans la direction
du nord pour décrire sa grande courbe autour de la péninsule
des Ordos.
A l 500 mètres d’altitude, sinon même à 1 708, d’après un
document russe, le « fléau des fils de Han » n’a devant Lantcheou
que 200 à 300 mètres de largeur, mais son courant est
extrêmement violent. Ce n ’est pas sans appréhension qu’on l’y
traverse sur un pont de bateaux retenu par deux chaînes de fer
et quatorze câbles de laine ou de fibres de palmier chamæ-
rops, ouvrage remuant ou vacillant qu’une compagnie anglaise
a vainement proposé de remplacer par un pont de pierre. La
plaine est large et fertile, mais au sud un long promontoire,
qui termine un chaînon du Maha chan, s’avance jusqu’aux
portes de la ville, portant sur ses croupes quelques tours carrées
: des fortifications régulières, construites à l’européenne,
défendent la cité. Au nord, de l’autre côté du fleuve, s’élèvent
des monts rocheux de 600 à 900 mètres de hauteur, s’appuyant
sur des contreforts arrondis, parsemés de temples et de kiosques
qui brillent au milieu de la verdure.
Lantcheou n’a point d’édifices remarquables ; ses quarante
mille maisons sont presque toutes des masures en bois ; mais
les rues, dallées en marbre ou en granit, sont très proprement
tenues : peu de cités chinoises ont un aspect plus agréable
que ce » fou », capitale de 500 000 habitants ou au delà,
qu’Obrutchef tient pour * beaucoup plus peuplée que Peking ».
Ce n’est pas dans Lantcheou même, dans la place murée qui
n’a guère d’espace entre son enceinte à tours et à créneaux,
mais dans de vastes excroissances de faubourgs que vit ce
demi-million d’hommes.
Quoique située à distance « énorme » du littoral et des
ports de commerce ouverts aux Européens, Lantcheou fou est
une des cités du Royaume Central où l’on a le plus essayé
d’imiter les industries de l’Europe, surtout les industries homicides
de la défense ou de l’attaque : son principal établissement
est une fonderie de canons; mais une autre usine moderne,
dirigée par des Européens, fabrique des draps pour l’armée
et d’autres étoffes grossières en laine de brebis et en poil
de chameau. Lantcheou fou a déjà des machines à vapeur
employant le charbon des mines avoisinantes, et tout autour
de la ville rayonnent de larges routes de construction moderne,
ombragées d’ormeaux et de saules. Ni sale, ni fétide, ainsi que
le sont tant de capitales chinoises, bien pourvue d’eau par
d’immenses roues hydrauliques puisant à même le Hoang ho,
Lantcheou est une des villes du « Milieu » les plus agréables
pour un Européen. On dit que les plantations de Lantcheou
fournissent le meilleur tabac de la Chine.
C’est à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Lantcheou
fou, dans une vallée latérale du Hoang ho, que s’élève
Salar ou Hotcheou, qui fut, on le sait, la principale forteresse
des insurgés dounganes pendant la dernière guerre. Les maho-
métans doivent probablement à cette ville le nom de Sah la',
sous lequel ils sont connus dans le pays : en réalité ce terme
de Salar ou de Salor n’est pas le nom de la ville : il désigne
avant tout une tribu musulmane d’origine tartare vivant dans
vingt-quatre villages par la rive droite du Hoang ho en amont
de Lantcheou.
La population diminue graduellement en aval de Lantcheou
fou, sur les deux bords du Fleuve Jaune qui, de cluse en cluse,
serpente dans la direction du nord. La ville commerçante de
Tchongwïe, bâtie sur la rive gauche du Hoang ho, à la base
orientale de l’Ala chañ, s’appuie sur la Grande Muraille, à
l’une des portes du désert et les dunes en assiègent les remparts.
Plus bas est le village de Kinkipao, qui fut l’une des