transactions n’y augmentent pas, et le nombre des émigrants
qui en partent, des dizaines de milliers par an, presque tous
pour Singapour, est en voie de diminution. Elle exporte principalement
du sucre, des arachides, les produits de son industrie
en bois et en laque, les éventails; elle importe surtout
du riz, de l’opium, des cotons et cotonnades, des lainages, du
pétrole, des tourteaux de haricots, achetés en Mandchourie et
servant à la fumure des champs de cannes à sucre qui recouvrent
tout le delta du Han, de Swateou à la capitale du district,
Tchaotcheou iou. Cette ville du Royaume Central produit aussi
le meilleur camphre.
A 115 kilomètres vers le nord-ouest de Swateou (comptés
à vol d’oiseau), Kiyingtcheou, sur la rivière des Prunes, est la
métropole des Hakka.
L’anglaise Hongkong, Macao la lusitanienne,
gardent les abords des embouchures du Si kiang,
u le fleuve qui mène à la grande ville de la Chine
c a n to n méridionale, en même temps qu’à une des
notables cités du monde, à Canton. Celle-ci n’est
pourtant que depuis une époque récente la capitale
du « Vaste Orient » comme du « Vaste Occident » : les
deux Kouang n’ont en effet qu’un seul et même gouverneur,
qui résidait auparavant à Chuhing.
Les annales chinoises parlent de Canton depuis vingt-trois
siècles. A cette époque, elle portait le nom de Nanwou tcheng
ou « Cité guerrière du sud », et certes elle mérita cette appellation
par ses révoltes fréquentes.
En l’an 250 de l’ère vulgaire, elle réussit à chasser les Chinois
du nord et resta complètement indépendante pendant une
cinquantaine d’années. Au commencement du x’ siècle, elle
devint la capitale d’un État distinct ne se rattachant à l’Empire
que par le payement d’un tribut annuel; mais soixante ans
après elle fut reconquise par le fondateur de la dynastie des
Soung.
En 1648, elle s’insurgea contre les Mandchoux, au nom
de la dynastie des Ming, et résista au delà d’une année : plus
de 700 000 Cantonais périrent pendant le siège, prétendent
les chroniqueurs, et la cité, livrée au pillage, fut changée en
un amas de ruines.
Canton ou Kouangtcheou, c’est-à-dire la » Grand’Ville »,
Chentcheng dans le patois local, est une des cités les plus
chinoises du Royaume Central, quoiqu’elle se trouve sur les
confins méridionaux, regardant, pour ainsi dire, vers les îles
malaises et les péninsules indiennes. Comparée aux autres
grandes cités de l’Empire, elle leur est également supérieure
par l’originalité de l’aspect et la fidélité au type caractéristique
d’une capitale chinoise. Elle n’a pas, comme Peking, ces
larges rues poussiéreuses, ces maisons en forme de tente
qui rappellent le voisinage des steppes mongoles; elle ne
s’impose point à la vue, comme Changhaï ou Hankoou, par
ces nouveaux quartiers où tout est européen, maisons, jetées,
bateaux et gens ; elle n’a pas dû se renouveler comme Hang-
tcheou fou et tant d’autres cités de la Chine renversées par les
rebelles « aux longs cheveux ». Elle se montre encore telle
qu’elle était, il y a plus de cinq cents ans, lorsque les Européens
la virent pour la première fois.
Elle a ceci de fort intéressant qu’elle a grandi de ses
propres forces, en vertu de causes naturelles, sans être une
capitale d’Empire, une résidence de souverain, sans la vie factice
que produit l’appel des fonctionnaires, des courtisans, des
employés et sinécuristes, des domestiques et des fournisseurs.
Ainsi se distingue-t-elle des autres métropoles, telles La Haye,
Bruxelles, Madrid, Saint-Pétersbourg.
Vers l’embouchure du Si kiang il ne pouvait pas ne pas
naître une grande cité, parce que là se trouve un des points
vitaux de la planète. La profonde indentation du littoral, la
richesse des alluvions fluviatiles, la jonction des routes naturelles,
profitant de la convergence des vallées, la multitude
des chemins d’eau qui découpent en archipel de plaines la
région du delta, la richesse des produits appartenant aux deux
zones qui s’entremêlent dans la région, tous ces avantages
devaient attirer une population pressée.
Canton doit surtout sa grandeur à la route du sud au centre
de la Chine, qui remonte le Pekiang, c’est-à-dire le « Fleuve
du Nord », sillonné de jonques et de bateaux, puis, quittant le
versant du Si kiang, change d’horizon au fameux col dit Meïling,
ou « passe des Pruniers » route qu’on peut comparer en
importance à celle du centre au nord de l’Empire, de Hankoou
à Singan par la vallée du Han kiang.
Canton est évidemment un site élu, sur le chemin de
l’Inde et de l’Insulinde.
Cette ville, «unique au monde », se révèle d’abord à l’étranger
par son quartier flottant, où sont ancrés des bateaux de toute
espèce, disposés en îlots comme les maisons de la terre ferme
et séparés par des rues d’eau, que sillonnent incessamment