colons de celles qui ont peu ou pas souffert, et le Setchouen,
par exemple, qui est une sorte de province « clef de voûte $
repeuple de son mieux le midi très éprouvé, le Koeïtcheou!
le Kouangsi, le Yunnan.
En temps normal, étant données les conditions de la vie chinoise,
la population ne peut pas rester stationnaire. Les « fils
de Han ». race essentiellement pullulante, réparent très vite,
immédiatement, dirait-on, les pertes de la guerre, de la peste,
de la famine : dès qu’ils mangent à leur faim, dès l’épidémie
éteinte et la querelle apaisée.
D abord, en Chine, il est presque sans exemple qu’un citoyen
reste célibataire; les hommes se marient jeunes, toutes les
jeunes filles trouvent un époux et le nombre des enfants par
famille est plus élevé en moyenne que dans tous les pays de
l’Occident. * Il y a trois péchés contre la piété filiale, dit
Mengtze, et le plus grand des trois est de ne pas avoir de descendants.
»
Le célibat est même strictement défendu; les mandarins
peuvent intervenir pour marier de force les hommes ayant
atteint leur trentième année et les filles âgées de vingt ans :
aussi la période de doublement de la population serait-elle de
vingt années au plus, si la méchante fée ne levait parfois sa
baguette pour évoquer les fléaux de la nature et les méchancetés
de l’homme.
La paix est devenue générale dans le Che pa sen ou « les
dix-huit provinces » : nous voulons dire la paix intérieure seulement,
puisque ces dernières années ont vu la Chine se < colleter
» avec le Japon d’abord, puis avec l’Europe aidée des
Etats-Unis et de ce même Japon; mais ces conflits avec les
étrangers ne comptent vraiment pas pour la perte de biens
et de vies quand on les compare aux saignées, destructions,
flamboiements de la guerre civile, telle qu’on la pratique dans
le « Milieu ».
Cette paix a certainement ajouté les hommes par dizaines
de millions à la population déjà existante; mais ce ne sont
plus tout à fait les mêmes éléments qui composent maintenant
en tout lieu la nation chinoise.
Les migrations intérieures ont en certains endroits grandement
modifié l’ancien équilibre. Tandis que certaines
régions, notamment les provinces du bas Yangtze et du bas
Hoang ho, le Yunnan et le Kansou, avaient été partiellement
dépeuplées, d’autres provinces, telles que le Setchouen, le Fo’
kien, le Chansi, n’avaient cessé d’accroître le nombre de leurs
habitants, et ce sont ces contrées qui, dès la fin des guerres,
ont envoyé des colons pour cultiver les champs et rebâtir les
villages et les villes des territoires dévastés. Or les gens du
Setchouen et du Fo'kien sont précisément les plus industrieux
et les plus entreprenants des Chinois pour les travaux de
l’agriculture et de l’industrie, et ceux du Chansi ont des aptitudes
très marquées pour le commerce, le brocantage et le
colportage.
On peut dire que le sang du peuple chinois s’est renouvelé
par le déplacement des habitants de province à province. Les
moeurs changent aussi, car les émigrants échappent aux lois
que leur imposaient l’esprit de famille ou les liens de la corporation
du pays d’origine : ils entrent en de nouveaux groupes, et
ces groupes sont d’autant plus différents de leurs premières
associations qu’ils vivent eux, les « colons », en des pays plus
éloignés de leur lieu de naissance.
Ainsi, d’un côté, des provinces d’où l’on part en foule pour
aller coloniser les terres dépeuplées, et dans ces provinces, des
districts, des villages, des recoins, que l’émigration dépeuple
à mesure; et d’un autre côté, des provinces où l’on arrive par
bandes, incessamment, et dans ces provinces-là, des régions
où les arrivées sont plus fréquentes. Il en résulte que le croît
de la population n’est pas du tout uniforme en Chine : par la
loi des vases communicants, telle contrée se remplit, comme
telle autre reste à son niveau, tandis que dans une autre même
le niveau s’abaisse. ■
Il paraîtrait qu’au nord et au centre de la « Fleur du
Milieu » la progression est faible ou très faible, ou nulle, par
suite de l’énorme mortalité infantile. Les registres paroissiaux
de certains missionnaires, soigneusement tenus à jour, ne
témoignent pas d’une grande augmentation; puis, comme de
tout temps en Chine, il y a les épidémies, les famines, les
invasions de plaines immenses par le flot destructeur, ensa-
bleur des rivières; un fléau contraire, la sécheresse, ravage
souvent de larges contrées, et si la moisson promet d’être
belle, parfois les sauterelles moissonnent avant le temps.
Comme conclusion, 1’ » assiette » de la population est très
instable et si la Chine est un jardin, ses jardiniers ne sont pas
toujours heureux dans leur jardinage.
C’est d’une manière partiellement hypothétique et d’après
des recensements anciens, dont la valeur réelle n’est pas
encore établie, que l’on peut tenter de figurer la densité des
populations dans le Royaume du Milieu; mais on ne saurait
encore essayer de connaître la proportion relative des habitants
dans les campagnes et dans les villes. 11 est certain toutefois