Aussi presque tous les villages du pays, ainsi que le
remarquait déjà l’un des voyageurs européens du siècle
dernier, Ellis, ont-ils des noms qui témoignent du déplacement
continuel des rivières dans la plaine.
Les malheureux paysans de cette région du Petchili expliquent
les inondations par le courroux d’un dragon noir et
vert qu’il faut apaiser par des offrandes, — ainsi sont-ils
fidèles à leur croyance au feng-choui, — tandis que des Européens
ont parlé d’un affaissement du sol ; mais cette hypothèse
ne repose sur aucune observation précise, et la plupart des
faits justifient plutôt la supposition contraire, celle d’un soulèvement
local, par lequel des savants chinois expliquent l’empiétement
si rapide des rivages sur les eaux du golfe de
Petchili.
Quoi qu’on puisse penser des oscillations du sol dans cette
région de la Chine septentrionale, les causes immédiates des
inondations si fréquentes du bas Petchili central sont de toute
évidence.
De même que dans la plupart des contrées de l’Europe
et du Nouveau Monde, les pentes des montagnes où les to rrents
prennent leur source ont été déboisées; les pluies, très
abondantes en été, n’étant plus retenues par les racines des
arbres, glissent rapidement sur le sol en entraînant la terre
végétale, et toutes les eaux torrentielles, mêlées à la vase, se
précipitent vers la dépression de Tientsin, d’où elles ne peuvent
s’échapper aussi vite qu’elles sont venues. Et par une
conséquence malheureuse, ce déboisement n’a pas manqué
d’accroître la violence des koua foung ou c tourbillons de poussière
», si redoutés des habitants de la plaine à cause du tort
qu ils font aux récoltes et des maladies qui les suivent trop
fréquemment.
Pour remédier à la détérioration générale du sol et du
climat, il serait nécessaire de reboiser les pentes et d’élever
des barrages aux portes des cluses, afin d’utiliser pour les
irrigations régulières les eaux qui ne servent maintenant qu’à
dévaster le sol; il serait également fort utile de déplacer le
confluent des diverses rivières qui s’unissent dans la même
cavité de cette plaine singulièrement basse où Tientsin, à
50 kilomètres du rivage de la mer, ne la domine que de
2 mètres, et Peking que de 37, à 130 kilomètres de distance en
droite ligne.
Les désastres causés par ces inondations ont contraint à
émigrer nombre d’habitants du bas Petchili, région d’où sont
partis, par centaines de milliers, les colons devenus les pionniers
de la Chine en Mongolie et en Mandchourie. C’est une
des raisons du dépeuplement de telles et telles villes de la province,
et Peking même en a souffert.
Comme on ne l’ignore pas, le nom de Peking,
généralement prononcé Peting ou encore Bet-
iv ring dans le dialecte mandarin, a le sens de
p e k in g 1 Résidence du nord », par opposition à la ville
de Yinhtien, Kiangning ou Nanking, qui est la
« Résidence du sud ». Peking fut ainsi désignée,
au commencement du xve siècle, par un empereur de la
dynastie des Ming. Mais ce nom, employé par tous les Européens,
n’est connu en Chine que des personnes instruites; le
peuple ne donne à la cité d’autre appellation que celle de
Kingtcheng ou de « Résidence »; le terme officiel, qui a le
même sens, est celui de Kingtou; sur les cartes chinoises, la
ville est désignée par le nom de Chountien.
D’ailleurs peu de cités ont plus fréquemment changé de
nom. Lorsqu’elle apparaît pour la première fois dans l’histoire,
en 1121 avant notre ère, elle s’appelait Ki; plus tard, elle devint
la capitale d’une principauté sous le nom de Yen, c’est-à-dire
» Hirondelle », et les lettrés aiment encore à la désigner par
ce terme gracieux.
Puis, sous la dynastie des Tang, qui correspond comme
époque à nos derniers Mérovingiens et premiers Carolingiens,
elle se nomma Yeou tcheou.
Prise et supprimée par les Leao, en 986, ils la reconstruisirent
et elle fut Yen king; en 1135, intronisation des Kin,
famille tartare, et Yenking devient Tchoungtou.
Sous les Yuen, à partir de 1271, elle prit le nom chinois
de Tatou « ou Grande capitale », en même temps que de Khan-
balik (Cambaluk) ou * Cité des khans », que lui donnèrent en
turc ses conquérants venus du nord, des Mongols, et que
Marco Polo redit à ses compatriotes.
Enfin l’an 1368 vit la défaite de ces intrus, la victoire des
Ming, famille chinoise, Khanbalik devint d’abord Peping fou,
et peu après Peking.
Ainsi la ville si souvent dévastée, dut changer maintes fois
d’emplacement, chaque fois à de toutes petites distances et
presque sur le même site : aussi voit-on dans les environs de
la capitale, notamment au nord, çà et là, des restes de tours,
de murailles. Le souvenir le plus ancien qu’y ait laissé l’antiquité
reculée, c’est une inscription en vers gravée sur des
blocs de granit devant le péristyle du temple de Confucius; elle
rappelle une grande partie de chasse à courre offerte par un