A la même distance à l’ouest-nord-ouest, Kouantchien
surveille l’entrée de la montagne, là où le Min, pénétrant dans
le bassin où il s’amortissait jadis en lac, se divise en une
dizaine de canaux pour l’irrigation de la plaine de Tchingtou.
On y admire un pont suspendu de 480 mètres de long porté
par des câbles en fibres de bambou.
Tout à fait dans le haut du bassin du Min, non loin de la
frontière du Kansou, Soungp’anting se blottit dans une étroite
vallée, entre des monts de peu d’inclinaison que gravissent des
champs de blé; mais les vergers manquent, la ville ayant son
site à 2 986 mètres : ce qui ne l’empêche pas d’être un marché
fort animé, en même temps qu’un lieu de repos pour les nombreux
pèlerins qui, de la Mongolie orientale et de la Chine, S’en
vont dévotieusement à Lassa, la ville sainte du bouddhisme.
Au nord, à quelques lieues de distance, on admire dans les
monts Soueï chan les charmantes vasques et les cascades du
Lac doré.
Au nord-est de la capitale, une route mène à la haute
vallée du Han kiang, dans le Chensiy en traversant successivement
plusieurs rangées de collines et de montagnes.
Cette route, que les annales disent avoir été tracée il ÿ
a vingt-trois siècles, pour unir les deux royaumes de Tsin et
de Chou, c’est-à-dire la Chine du nord et lé Setchouen, qui
n’étaient pas encore groupés en un .même Empire, est connue
sous le nom de (Kinniu tao) ou * route du Boeufd’Or ». D’après
la légende, c’est pour aller chercher sur la montagne des boeufs
prodiges dont la nourriture se changeait en or, que le roi de
Chou, sur les conseils de l’autre souverain, fit ouvrir cette
route, qui devait avoir pour conséquence la perte de son
royaume. Le chemin de Tchingtou fou au bassin du fleuve
Jaune ne fut complété que six siècles plus tard, par une route
de Hantchoung fou à Singan, qu’ouvrit à travers le Tsing ling
un empereur du Setchouen, du nom de Liupi, dont la légende
a fait une sorte d’Hercule chinois.
La région chinoise du haut fleuve Bleu ne peut se comparer
pour l’importance des villes avec le bassin plantureux du Min
kiang; toutefois il existe en ce sud-ouest du Setchouen, à
1 360 mètres d’altitude, à l’occident de monts de 4000 mètres,
près d’un lac de 13 kilomètres sur 4, une cité considérable
visitée après Marco Polo, par Baker, Hosie, Bonvalot, Madrolle :
c’est Ning yuen, chef-lieu de la belle vallée de Kientchang,
dont la rivière, coulant au sud, va s’unir au Yaloung à une
faible distance du confluent de ce fleuve avec le Kiucha kiang.
D’après Richthofen, Ningyuen serait le Caindu du voyageur
vénitien. Les Chinois parlent de cette ville et des campagnes
qui l’entourent comme d’un paradis : le contraste merveilleux
de cette riche plaine avec les âpres montagnes qui l’environnent
est un de ceux que l’on n’oublie jamais. Le tremblement
de terre de 1850 mit à maie mort plus de quinze mille de ses
habitants.
A quelques lieues en amont de l’embouchure du Min,
Pingchan est la ville riveraine du grand fleuve Yangtze, où
s’arrêtent, venant d’aval, les jonques de navigation : le Bleu
est impraticable en amont, immense, orageux torrent plutôt
que rivière '. la cascade de Man-i-ssé interrompt le cours du
fleuve par un brusque dénivellement de 3 mètres. Là est la
limite absolue de l’utilisation du Yangtze comme voie fluviale,
à 2860 kilomètres de son embouchure.
Au confluent du Yangtze e td u Min, Sutcheou, Souetcheou,
Siutcheou, ou encore Suifou, passait pour avoir, d’après les
missionnaires, quelque 300 000 habitants : moins dans son
enceinte de 4 kilomètres que dans ses faubourgs. Mais on ne
lui en accorde plus que 50 000 à 60 000 : ce n’est pas elle qui
centralise, comme on croyait, les échanges entre le Setchouen
et le Yunnan; c’est bien plutôt Tchoungtcheng. Aussi n’y a-t-il
à Souetcheou, dit Marcel Monnier, i qu’une animation très
relative, et rien de l’impétueuse poussée dés foules, des corps-
à-corps d’une multitude affairée ». En revanche, ses boutiques
sont emplies d’objets rares; les sculpteurs, les graveurs de
pierres fines sont nombreux parmi ses artisans, et l’on y tresse
des nattes très flexibles d’une grande solidité. Les gisements
riverains de houille, en amont et en aval, sont ceux qui fournissent
le meilleur combustible de tout le bassin du Yangtze
kiang. Sur les bords du fleuve on n’utilise le charbon japonais
que jusqu’au port d’Itchang. En amont de cette ville, chaque
vallée profondément entaillée dans le plateau latéral a ses
mines de charbon.
Plus bas, Loutcheou, située également sur la rive gauche
du fleuve, au confluent d’une rivière, le Fousoung, exporte
d’autres produits minéraux, les sels qui proviennent des sources
fameuses de TsoUliou tcheng (Tselieou tsing ou « Puits de
l’Eau Coulante »), à une centaine de kilomètres dans la direction
du nord-ouest.
De loin, la » ville du Sel » s’annonce par de hauts échafaudages
au bord de la rivière, sur les pentes, même au sommet
des collines. C’est l’aspect qu’offrent en Europe les cheminées
des cités manufacturières; ou bien, suivant la comparaison d’un
des membres de la Mission Lyonnaise, P. Duclos, on dirait
d’un port encombré de mâts de vaisseaux, car au-dessus des