Dabsoun nor est un immense réservoir de sel gemme mélangé
d’efflorescences nitreuses, et tout entouré de monticules qui
ressemblent à des boursouflures du terrain ; en beaucoup d’endroits
le sol est trompeur, et ceux qui s’aventurent sur les
croûtes salines risquent de s’enlizer dans les vases cachées,
comme dans tel chott, telle sebkha des Sahariens.
De même que dans les déserts de la Kachgarie, les voyageurs
disent entendre des voix au milieu de ces effrayantes
solitudes; ce sont les cris des Chinois qu’y fit égorger Djen-
ghiz khan dans une bataille et qui implorent ou maudissent
les passants. Parfois le vent, dit une autre légende, enlève le
sable qui recouvre des vases d’argent; mais les voyageurs se
gardent bien d’y toucher, de peur que ce sacrilège ne leur
coûte la vie. D’après d’autres ré c its ,|||l|e a r l’imagination des
« bollandistes » du désert des Ordos n’est jamais lasse, — ces
dunes seraient le reste d’un rempart de sable que Djenghiz
khan, auquel la « science » populaire attribue tout dans le
pays, éleva pour détourner le cours du Fleuve Jaune.
Enfin, c’est dans ce même territoire des Ordos que serait
mort le conquérant; ses restes sont enfermés, dit-on, en deux
cercueils, l’un d’argent, l’autre de bois, placés sous une tente
de soie jaune, et les membres de sa famille sont ensevelis à
10 kilomètres autour de lui, comme pour lui rendre hommage
à distance respectueuse : tous les ans on offre encore huit
moutons et un cheval pour apaiser les mânes du « Souverain
Suprême ».
Au delà du Fleuve Jaune, les sables des Ordos se prolongent
à l’ouest par une région déserte encore plus désolée, plus
dépourvue de végétation. Ce golfe méridional de la « Mer desséchée
» est une des parties du Gobi les plus redoutées des
voyageurs, à cause du manque d’eau et de pâturages et des
tourbillons de sable qu’y soulèvent les tempêtes. De l’espèce
de détroit qui s’ouvre entre les promontoires méridionaux de
l’In Chan et l’extrémité septentrionale de l’Ala chan, ce désert
de Trans-Ordos s’étend sans interruption jusqu’à la rivière
d As-zind et aux steppes du Kansou mongol. Sur cet espace de
plus de 500 kilomètres de largeur, ne se voient que des sables,
des étendues de graviers dans le voisinage des montagnes, et
des argiles salines où croissent les broussailles cassantes du
saksaoul, comme dans le Turkestan russe, et les tiges épineuses
du soulkhir (agriophyllum gobicum) portant de petites graines
dont les Mongols font une sorte de farine ; la plupart de ces
plantes s’élèvent sur des buttes provenant de ce que le vent a
balayé le sable autour des racines et les a fait, pour ainsi dire,
surgir du sol. _
La cavité la plus profonde de tout le désert de Trans-
Ordos, à 940 mètres d’altitude, est occupée par le lac salé de
Diarataï-dabasou, qu’entourent de toutes parts, jusqu’à plus de
50 kilomètres de distance, des couches salines ayant d’un à
deux mètres d’épaisseur. La dalle cristalline est en certains
endroits d’une telle pureté qu’elle ressemble à une nappe d’eau :
des cygnes s’y trompent parfois et s’abattent en bandes sur
cette eau imaginaire, d’où ils s’envolent aussitôt en poussant
des cris de colère.
Ainsi le pays des Ordos, où le Hoang ho se
iv promène en demi-cercle pendant 200 kilomètres,
l a est séparé de la Chine essentielle par la Grande
g rande Muraille.
m u r a il le Ce mur extraordinaire eut pour fonction de
•séparer les Chinois des Mongols et des Mand-
choux, car il se prolonge du côté de l’Orient jusqu’au golfe de
Liaotoung, c’est-à dire jusqu’à l’extrémité septentrionale de la
mer Jaune. , ...
Le Wen li tchang tehing ou « le Grand mur de Dix mille
li », — car tel est le nom que lui donnent ordinairement les
Chinois, — n’a pas cet énorme développement de 5 000 kilomètres,
qui aurait égalé la huitième partie de la circonférence
terrestre ; mais sa longueur totale est de plus de 3 300 kilomètres
en comptant toutes les sinuosités du rempart et les murs
doubles et triples construits en différents endroits, considérés
comme les plus vulnérables, notamment au nord des provinces
de Petchili et de Chansi.
En donnant à la muraille une hauteur moyenne de 8 mètres
seulement, sur une largeur de 6 mètres, on voit que ce prodigieux
travail représente un massif de maçonnerie d environ
160 millions de mètres cubes : on comprend donc que la Grande
Muraille soit toujours citée, à côté du Grand Canal, comme une
des oeuvres les plus extraordinaires créées par le travail de
l’homme.
Oubliant que les nations, même les plus entichées de leur
« civilisation », n’ont pas encore cessé de construire des forteresses
et des murs de défense, des écrivains ont comparé
cette . merveille du monde » aux pyramides d Egypte, pour
n’y voir qu’une construction fastueuse et sans utilité pratique.