Porte Orientale est bien justifié, Toung kouan étant à l’extrême
levant de la province, à la frontière du Honan, vis-à-vis du
Chansi dont le fleuve sépare la ville. C’est la forteresse centrale
de tout le bassin du Hoang ho et le point stratégique de
la Chine intérieure le mieux défendu : des tours et des remparts
armés de canons en commandent les approches; une
garnison nombreuse y veille dans une enceinte d’environ 6 kilomètres
dont les Européens ne feraient qu’une bouchée.
Mais, c’est là le point principal, cette place de guerre est
surtout une place de commerce : à l’entrée du Chensi, à l’angle
de la vallée fluviale, et à l’endroit où le Hoang ho, cessant de
couler du nord au sud, reçoit en même temps trois rivières
abondantes, Toung kouan est le point de jonction naturel de
plusieurs routes maîtresses. Or, dans ce pays où la i terre
jaune » occupe une si grande étendue, c’est par les chemins
qu’a tracés le ravinement, et par eux seuls, que se font les
mouvements des hommes et des marchandises. Dans la paix
comme dans la guerre, c’est par des voies détournées que doit
se faire tout le mouvement du commerce et de la guerre : de
là l’importance exceptionnelle de Cette ville du Hoang ho.
Le Hoa chan, qui domine Toung kouan à l’ouest, est à
peine moins saint que le Taï chan du Chantoung et porte aussi
de nombreux monastères ; mais il est plus difficile à gravir. Au
sommet de la montagne c à dos d’éléphant » siège, entouré de
fées et d’esprits célestes, Peï ti, l’Empereur Blanc, le protecteur
des provinces occidentales.
Le Chensi septentrional, limitrophe du pays des Ordos, est
une des contrées les moins connues d e là Chine; à l’exception
des missionnaires, nul voyageur européen ne l’a visité ; on sait
néanmoins qu’il s’y trouve des villes commerçantes. Telle
est la ville de Toung tchoou, à la base septentrionale du saint
Hoa chan et à peu de distance en amont du Lo ho. C’est une
cité de commerce et d’industrie, de laquelle la place militaire
de Toung kouan, cependant beaucoup plus importante, n’est
qu’une dépendance administrative. Foutcheou est le principal
centre de la haute vallée du Lo ho; Yangan fou est située plus
au nord, dans une région riche en houille et en sources de
pétrole; Yulin fou, bâtie à l’une des portes de la Grande
Muraille, surveille au nord les steppes mongoles, en même
temps qu’elle avoisine le Chansi septentrional, plus facilement
accessible, et mieux connu que le Chensi du nord. Des Européens
l’ont parcouru en divers sens pour en étudier les ressources
et Ton s’y trouve déjà dans le cercle d’attraction du
port de Tientsin en même temps que de la métropole chinoise.
Chansi, cela veut dire : « les Monts Occideniii
taux », par opposition à Chantoung ou « les Monts
d a n s Orientaux ».
LE Cette province est frontière comme le Kansou
c h a n s i et le Chensi et borde ainsi qu’eux, au nord, le
plateau de la Mongolie. Par ailleurs elle confronte
: du levant, au Petchili et au Honan ; du sud, à ce même
Honan; du couchant, au Chensi.
On lui suppose 212 000 kilomètres carrés, soit presque exactement
les deux cinquièmes de la France, avec 11 200 000 habitants,
soit 54 seulement par kilomètre carré. Encore une
province insuffisamment peuplée, inférieure sous le rapport de
la densité de population à douze des dix-huit gouvernements
chinois.
Sans doute il y a lieu de considérer qu une partie de son
territoire se trouve au nord de la Grande Muraille, en Mongolie,
par conséquent sur un plan sec, stérile, où il y a dix personnes
à peine au kilomètre carré ; toutefois, ce sol marâtre distrait,
le Chansi n’entretient que 63 individus par 100 hectares, malgré
la préexcellence de sa » terre jaune », qui permet la culture
jusque dans le haut des montagnes, et en dépit de l’immensité
prodigieuse de ses ressources minérales : mais cela est une
promesse de l’avenir bien plus qu’une réalité du présent.
Une des raisons de ce peu de densité de la population,
c’est, mais à un bien moindre degré que dans le Chensi, la
révolte des Musulmans : elle a coûté beaucoup de vies, elle
a été accompagnée et suivie d’une émigration formidable.
Une seconde cause c’est la famine de 1878, l’une des plus
funestes qu’ait connues la Chine moderne, et qui sévit dans le
Chansi plus durement que dans les quatre autres provinces
atteintes, le Honan, le Chensi, le Petchili, le Chantoung. Faute
de chemins de fer, de routes pour recevoir d’ailleurs des grains
ou toute autre nourriture, d’innombrables paysans moururent
d’inanition, de fièvres, d’épidémie.
Une autre raison, moins passagère, c’est que les gens du
Chansi, qui ont le talent, la passion innée du commerce, sont
les « Auvergnats de la Chine » : ils ont de tout temps quitté
leur pays en grand nombre pour aller faire fortune au dehors :
pas une ville, pas un gros bourg de l’Empire où l’on “ ’en rencontre
quelques-uns en train de se tirer 1 gentiment » d aflaire.
Quoique très âpres au gain dans leurs voyages à l’étranger,
les gens du Chansi sont généralement polis, prévenants, hospitaliers,
tandis que ceux du Chensi se sont fait auprès des
voyageurs une réputation toute contraire.
Quoi qu’il en soit, si le Chansi ne « grouille » pas encore