aussi sources salées, marais salants, marbres précieux. Donc
grandes facilités pour les travaux de l’industrie, à côté des
vastes champs de blé, des rizières, des jardins plantureux, des
vergers, le tout sous un climat « congénial », qu’on dit plus
doux que celui du Chansi, moins humide que celui de la
majeure partie du Kansou.
Le principal ennemi de cet heureux pays c’est parfois le
manque de pluie : telle année de sécheresse y pèse lourdement
sur le paysan, mais aussi l’on admet qu’une saison favorable,
humide au degré qu’il faut, compense trois saisons
mauvaises. Les sauterelles y broutent de temps en temps les
récoltes.
Si le nombre des habitants de la province est relativement
très faible, il n’en était pas ainsi avant la néfaste insurrection
des Dounganes ; la » révolte musulmane » y a fauché les habitants
par millions à partir du milieu du xix» siècle, principalement
dans le pays parcouru par le Weï ho : là, en trop d’endroits,
il ne resta pierre sur pierre, et personne de vivant.
Nulle part, ni en Kansou, ni en Chansi les massacreurs ne
furent plus actifs : de 15 millions en 1852 la population descendit
à la moitié, ou moins encore.
Le Chensi est au centre de l’histoire chinoise; la vallée du
Weï avec sa ville métropolitaine de Singan resta longtemps
le centre de cristallisation de ce qui devint avec le temps le
« Noble Milieu ».
Singan fou, chef-lieu du Chensi, fut jadis capitale du
Royaume Central, à l’époque des Tcheou, des Tsin, des Han (de
1230 avant l’ère vulgaire, à 220 après), sous le nom de Siking
ou » Résidence occidentale »; puis sous les Soui et les T’ang,
soit de 580 à 907, la cour s’établit, non pas précisément à Singan,
mais à Tchang ngan, ville qui n’en est guère éloignée.
Et dans la débâcle de 1900, cette antique métropole a reçu
l’empereur, sa cour, ses eunuques et ce qui lui restait d'armée
après la prise de Peking par les » diables d’Occident » : toute
la haute » officialité » s’est réfugiée, comme au vrai centre de
la Chine, dans cette ville qui a gardé jusqu’à ce jour, durant
tant de siècles, son nom de Changan ou * Paix continue ».
Bien qu’enfoncée en des monts dont il semble au premier
abord qu’il est bien difficile de se dégager, et ne voyant pas
couler de grand fleuve, car le lieu le plus rapproché du Hoang
ho n ’est pas à moins de 120 kilomètres à l’est-nord-est, et
même n’ayant pas de rivière où refleter les maisons de ses quais,
Singan est fort heureusement située, sur une des grandes voies
commerciales de la Chine. Sans rien dire de sa proximité de la
vallée du Hoang ho moyen, elle communique aisément avec le
Yangtze kiang par un col des Tsing ling, passage ouvert à
1249 mètres d’altitude seulement : de ce pas on descend vers
un affluent de gauche du Han, et les eaux navigables de ce Hafi
mènent les bateaux à Hankoou. De même, et facilement encore,
bien que le col des monts Loupin chafi s’y échancre à 2694 mètres,
elle est en relations, vers les sources d’affluents gauches
du Weï, avec Lantcheou, le val supérieur du Hoang ho et les
sentiers du plateau de Turkestan et de Mongolie. D’où il suit
que Singan se trouve sur une des voies magistrales du monde,
sur la route de l’Europe au plus beau de la Chine, de Londres,
Paris, Berlin, Moscou à Haflkoou, trajet qu’une voie ferrée ne
tardera pas à suivre.
D’après la plupart des voyageurs elle a certainement plus
d’habitants que Peking et n’est dépassée que par Canton;
d’après d’autres elle en a moins : les estimations se balancent
entre 400000 personnes, dont sept dixièmes chinois au type
légèrement tibétain, deux dixièmes musulmans, un dixième
tartare, et un million d’hommes, dont 50 000 professeraient
l’Islam et se coiffent du turban lorsqu’ils entrent dans les
mosquées.
Singan, à 930 kilomètres à vol d’oiseau sud-ouest dePeking,
à 1 225 par une des deux grandes routes, à 1 300 par l’autre,
a son site à 10 kilomètres de la rive droite du Weï ho, plus ou
moins doublé à quelque distance en aval par le King ho ; au sud,
et tout près, monte la chaîne des Tsing ling. On connaît encore
êi « imprécisément » la Chine qu’on fait varier son altitude
entre 307 et 518 mètres.
« C’est le type le plus complet de la ville chinoise. » Sa
forte enceinte crénelée forme un carré parfait, orienté suivant
les points cardinaux, et le milieu de chaque côté, long de plus
de 11 kilomètres, est percé d’une porte monumentale surmontée
de pavillons étagés. Elle sépare Singan de faubourgs dont
on a fini par entourer l’ensemble d’une muraille d’argile.
Depuis des milliers d’années, pas moins, Singan est une
cité commerçante de premier ordre, grâce à sa position centrale
èt à la fertilité de sa « terre jaune ». Elle trafique surtout
des peaux, fourrures, laines, opium, musc, plantes médicinales
des plateaux du Tibet et du Turkestan, du sucre du Setchouen,
de la soie du Setchouen et du Tchekiang, du thé du Houpé et
du Hounan : ses magasins sont remplis de marchandises précieuses.
Mais aucun édifice curieux des anciens temps ne s est
conservé ; on ne montre plus dans le quartier « mandchou » que
l’emplacement d’un palais des T’ang. Toutefois Singan possède
toujours un musée archéologique d’une grande richesse, le