
 
		milliers de puits se dressent fièrement dans les airs des  chèvres  
 dont beaucoup  ont jusqu’à 45 mètres  de hauteur. 
 Cette  curieuse  région  nous  fut  d’abord  connue  par  les  
 récits des missionnaires; récemment des voyageurs  européens,  
 savants,  industriels  l’ont  visitée.  Elle  comprend  un  espace  
 d’environ  160  kilomètres  carrés  où  le  sol  est  criblé  de  trous  
 forés à des centaines de mètres de profondeur, dans des couches  
 de  grès,  d’argile,  et  tout  au  fond,  presque  toujours,  à  travers  
 un  banc de roche très dure  :  c’est vers 450-700 mètres que dort  
 généralement  l’eau  salée.  Le  creusement  des  puits  est  une  
 oeuvre  de  très  longue  haleine  :  à  60  centimètres  par  jour,  et  
 avec  fréquentes  ruptures  des  forets,  tel  puits peut  coûter dix,  
 douze,  quinze  ans  de  travail  avant  qu’on  arrive  à  la  nappe  
 salifère  :  parfois  on  ne  l’atteint  guère  qu’à  860  ou  même  à  
 1000 mètres  sous  terre. 
 C’est par de bien  simples procédés que les ouvriers  chinois  
 arrivent  à rivaliser  avec les ingénieurs occidentaux  :  une  barre  
 de  fer  se  terminant  en  pointe,  une  corde  de  bambou  pour  la  
 soulever,  un  déclic  pour  la  laisser  retomber  dans le trou,  un  
 léger  mouvement  de  torsion  imprimé  à  la  corde  quand  elle  
 remonte,  et  c’est  tout. Les trous,  d’une largeur  de 6  à  12  centimètres, 
   sont  garnis  de  bambous,  et  c’est  au  moyen d’autres  
 bambous percés d’une soupape, qu’on soulève l’eau  saline pour  
 la  rejeter dans les bassins  d’évaporation. 
 Quand  on  pousse le  forage au-dessous de la  couche  salée,  
 le  tube  s’emplit  non  d’eau  saline,  mais  de  pétrole.  Des  gaz  
 inflammables  s’en  échappent  avec  violenee  :  d’où  le  nom  de  
 »  puits  de  feu  »  donné  aux  trous  de  sonde.  Des  tubes  de  
 bambou  enduits  d’argile  sont  adaptés  à  l’issue  d’où  s’échappent  
 les gaz combustibles et se ramifient au-dessous des bassins  
 d’eau  saline,  où  on  allume le gaz pour hâter  la cristallisation.  
 En  1862,  lorsque  le  pays  était  parcouru  par  des  rebelles,  un  
 des  puits  prit  feu  et  flamba  longtemps,  illuminant  toute  la  
 contrée  comme  un  phare.  Le  plus  souvent,  c’est  par  750-  
 850 mètres  qu’on  arrive aux gaz inflammables. 
 Le gouvernement, qui a rangé sous ses lois, décrets et bons  
 vouloirs  l’exploitation  du  sel  de  Tsouliou  tcheng,  ignore  le  
 nombre  des  puits;  il  y  en  a  certainement  de  trois  à  quatre  
 mille,  dont  le  rendement annuel  est  diversement  estimé  entre  
 300000  et  600000  tonnes. 
 La  plupart  des  mines  appartiennent  à  de  riches  corporations, 
  mais la masse des habitants  est d’une extrême pauvreté ;  
 peu  de  villes  sont  d’aspect  plus  misérable, plus  navrant,  que  
 cette  grande  cité  dont  le  travail  enrichit  les  banquiers  de  
 Tchoung  tcheng. 
 Il  y  a  quelques  années,  des propriétaires de mines,  associés  
 à  une  compagnie  de  négociants  européens,  voulurent  
 introduire  des  pompes  anglaises  pour  faciliter  le  travail  et  
 diminuer  le  prix  de  la  main-d’oeuvre,  mais  une  grève  éclata  
 aussitôt  et les  innovateurs  furent chassés  du  pays. 
 La  population  de  ce  district,  dont  l’industrie  unique,  à  
 part  la  culture  du  sol,  est  l’exploitation  des  sources de sel  et  
 de pétrole,  s’élève à plusieurs  centaines de milliers d’individus  
 dont  le  travail  contribue  ainsi  notablement  au  budget  de  la  
 province;  car,  le gouvernement local prélève des droits « avantageux  
 »  sur cette denrée  indispensable.  Il y a  donc  aussi  une  
 «  gabelle  »  en Chine. 
 Tchoung  tcheng  ou  Tchoung king,  le  grand  
 marché du Setchouen oriental, occupe très pitto-  
 ui  resquement,  en  amphithéâtre,  le  raide  promontchoung  
 toire qui se hausse au confluentdu Yangtze kiang 
 tch eng   et d’un gros  affluent de gauche,  rivière navigable 
 qui  vient  du Kansou,  du  versant méridional des  
 Tsing ling.  Si fort  que  soit  ce  cours d’eau, nommé  le  Kialing,  
 on l’appelle  ici  le  Siao  ho ou  «  la  Petite Rivière  »,  par opposition  
 au Ta Kiang ou  » Grand Fleuve  ». 
 Tchoung  tcheng  se présente très  bien  sur  son  cap  d’entre  
 deux  rivières,  quand  on  la  contemple  d’environ  300  mètres  
 de  haut,  du  point  le plus  élevé  du  Laotehing,  colline  d’outre-  
 fleuve,  dont pagodes et  pagodons  font  l’assaut. Les voyageurs  
 de  la  Mission Lyonnaise  la  comparent à Lyon,  pour  ses  deux  
 rivières,  et plus  encore  pour son  climat très humide, prodigue  
 de brouillards, pour son ciel  « continuellement gris », pour son  
 séjour  désagréable  dont  l’été  verse  jusqu’au-delà  de  40°  une  
 chaleur insupportablement lourde. La différence entre les  deux  
 cités consiste  en  ce  que Vinter amnes de  Lyon est  une  plaine  
 alluviale,  et  que  celui  de  Tchoung  tcheng  est  une  colline  
 escarpée d’où  descendent des  escaliers  de  quatre  à cinq  cents  
 marches.  . 
 La  Mission  Lyonnaise  lui  donne  de 400000  à 450000 habitants, 
   toutes  annexes  et  faubourgs  compris.  Sans  doute  sa  
 surface  est  immense, mais les  espaces libres y  sont nombreux,  
 autour de la pagode de la Littérature  et de  beaucoup  d’autres,  
 ainsi  que  devant  et  derrière  les  yamen;  il y  a  même,  fait qui  
 n’est  pas  rare  en Chine,  des  champs  cultivés  dans  l’intérieur  
 de l’enceinte, qui  a 7 kilomètres de tour. 
 A  1 335  kilomètres  de Hankoou  en  remontant le Yangtze,