Quoique dans le voisinage immédiat de constructions
européennes, elle a gardé toute son originalité, mais aussi
toute sa malpropreté chinoise; c’est une agglomération de
maisonnettes en bambou qui ressemblent à des cages; une
pagode fameuse domine toute cette fourmilière humaine. Des
chantiers de construction, des bassins de carénage, de vastes
entrepôts font de Hoang pou une des escales les mieux aménagées
pour les navires européens. De distance en distance on
remarque sur le rivage des tours anciennes, bâties on ne sait
à quelle époque, contre des ennemis dont le nom est tombé
dans l’oubli.
En remontant l’une des branches, l’un des canaux du delta
du fleuve, on arrive, à quelque distance au-dessus du confluent
du Pekiang, à la ville de Chuhing ou Chaohing (Tchaoking,
Chaoking). Elle occupe la rive gauche du Si kiang, en amont
de la dernière cluse que traverse le fleuve. Elle fut longtemps
la résidence du gouverneur des deux provinces de Kouangsi
et de Kouangtoung; mais l’administration dut se déplacer
pour surveiller du plus près possible les étrangers qui visitent
Canton.
Chuhing, à laquelle on octroie 200 000 habitants, était
jadis la cité la plus propre, la plus élégante du midi de la
Chine; mais, ravagée par les Taïping, elle ne saurait plus se
comparer à la puissante ville assise au bord de la rivière des
Perles. Toutefois elle fait encore un grand commerce, en thé,
en porcelaines, en dalles de marbre, taillées dans les montagnes
voisines ; des grottes, que l’on a transformées en temples,
s’ouvrent dans les collines qui dominent la cité. La population
se presse sur les deux rives ; les villages se succèdent de part
et d’autre en une ville continue, partout où la vallée s’ouvre
assez largement pour laisser construire des maisons. Le mouvement
du commerce et la foule des habitants se concentrent
surtout vers le confluent du Si kiang et du Pekiang, qui est en
même temps la tête du delta : là se trouvent les villes de San-
choui, de Saïnan, et, pour ainsi dire, dans la banlieue de
Canton, à 15 kilomètres au sud-ouest de cette capitale, Fatchan
(Fo’chan ou Fou chan).
D’après la nomenclature chinoise, Fatchan ne serait qu’un
simple bourg ou village, parce qu’il n’est pas ceint de murailles ;
il n’a d’autres fortifications que deux centaines de tours élevées
de distance en distance pour servir de refuge aux habitants
pendant les guerres et les révolutions. Ce village, de
20 kilomètres de longueur, est classé parmi les « Quatre Marchés
> de l’Empire du Milieu ; il forme l’agglomération la plus
populeuse du delta qui rejoint le bras de San choui ou des
« Trois Eaux » à la rivière des Perles, et on lui reconnaît bénévolement
500 000 âmes(?). Il paraîtrait que la coulée navigable
de Fatchan n’a plus autant d’eau qu’autrefois : de là peut-être
la décadence du village, que Bouvet et d’autres missionnaires
disent avoir eu son million d’habitants au xvne siècle. Mais si
cette ville a cessé d’être la rivale de Canton, du moins peut-
elle en être considérée comme une sorte d’annexe pour les
manufactures de soie, de quincaillerie, de nattes, de papier,
de voiles, d’objets de toute espèce.
A l’est de Canton, Chihloung ou Châkloung, à la tête du
delta que forme le fleuve Oriental, est aussi une dépendance
commerciale de Canton : c’est là que s’entreposent les sucres
et les autres denrées de Test destinées à la capitale. Il y a
100000 habitants, dit-on, dans cette cité qui sera sous peu desservie
par le chemin de fer de Peking à Canton.
Au nord de la * grand’ville » le Pekiang arrose également
une contrée fort populeuse, et plusieurs des villes riveraines,
telles que Nanhioung, au pied du Meï ling, et Chaotcheou,
sont des ports très fréquentés par les jonques. Le tributaire
que reçoit le fleuve du Nord à Chaotcheou vient du Tche
ling, passage d’altitude relativement peu considérable, sur le
chemin de Canton à Siangt’an. Les montagnes que parcourt
le haut Pe kiang sont très riches en gisements de charbon. Un
des coteaux qui dominent le fleuve à son entrée dans la plaine
est percé de vastes cavernes, dont on a fait un temple de
Bouddha.
A l’ouest et au sud-ouest du delta du Si kiang, le littoral,
très frangé de baies, anses et calanques, avec îles grandes ou
petites au devant, ne dresse aucune puissante cité maritime ;
nulle non plus n’anime les vallées des fleuves côtiers, courts et
menus ; et pas une de quelque importance dans la presqu’île
de Leitcheou, qui s’avance de 120 kilomètres dans l’océan des
Indes, entre la mer de Chine au levant, le golfe du Tonkin
au couchant, à la rencontre de Haïnan, dont la sépare une onde
étroite, mais profonde.
Dans ce golfe du Tonkin, Pakhoï ou Peïhaï, c’est-à-dire la
« mer Blanche », est un port ouvert au trafic international, à
l’ouest de l’enracinement de la péninsule de Leïtcheou, sur
l’estuaire du Lientcheou : 12 000, 20 000, 25000 habitants, on
n’est pas d’accord sur sa population. En 1820 ce n’était encore
qu’un hameau de pêcheurs et pirates, pirates plus que
pêcheurs; vint la guerre des Taïping durant laquelle Pakhoï,