et qui sont sinon des frères, au moins des cousins « charnels »
des;« Enfants de Han » en même temps qu’ils en sont intellectuellement
les fils.
A voir ce peuple de petits hommes glabres tailler de
pareilles croupières à l’ennemi, suivant les meilleures méthodes
européennes, on a cru assister à la naissance d’une nouvelle
doctrine de Monroe : « L’Asie aux Asiatiques », et vraiment les
Japonais, dans l’ivresse de la victoire, ont entonné un poean où
des menaces contre l’Europe se mêlaient au chant de triomphe;
ils se sont promis de régénérer la Chine, de la discipliner, de
l’encadrer, de la ranger, front contre front, devant l’Occident
pour toutes luttes d’influence, de commerce, d’industrie, de
civilisation, et même au besoin, pour toutes batailles de terre
et de mer.
En prévision de cette grande alliance « extrême-orientale »
de 450 millions d’hommes, on s’est demandé avec crainte ce
que feront ces foules quand des conquérants les auront disciplinées
et s’en serviront contre le monde européen. Ne
recommenceront-elles pas sous une autre forme les invasions
mongoles quand, munies des mêmes armes que les nations
européennes, et plus unies, elles obéiront à la main de fer d’un
autre Djenghiz-khan?
C’est trop d’effroi, semble-t-il. Une nouvelle invasion des
« Barbares » n’aurait pas raison de l’Occident, si formidablement
armé, quand même nos instructeurs et nos ingénieurs
disciplineraient tout l’Orient de la Chine et des grands plateaux.
L’avance prise par le monde blanc est telle que le monde jaune
doit se résigner pour un très long temps à l’infériorité guerrière.
Il est plus que probable que la Russie seule, avec sa formidable
expansion et ses millions de « baïonnettes », est de
force à contenir la Chine, voire à la soumettre, autant qu’on
peut conquérir trois cent cinquante à quatre cent millions
d’hommes ayant mêmes idées, mêmes lois, même grammaire,
même orientation d’esprit, même histoire depuis quatre ou
cinq dizaines de siècles.
D’autres, plus craintifs encore, et logiques dans leur
crainte, demandent que pour éviter la défaite dans la « lutte
pour l’existence » les Européens désertent dès maintenant le
champ de bataille et que les puissances occidentales s’entendent
au plus tô t pour revenir sur l’oeuvre accomplie, qu’elles
referment les ports ouverts et tâchent de repousser les Chinois
dans leur ancien isolement et leur sereine ignorance du reste
des nations.
D’autres s’applaudissent que l’opium endorme la nation
chinoise et l’empêche de connaître sa force. « N’était l’opium,
dit Vasilyev, la Chine envahirait tôt ou tard le monde entier,
elle étoufferait l’Europe et l’Amérique dans ses embrassements.
» Mais l’opium n’assoupit que la moindre partie des
« Enfants de Han » ; de même la tabagie ne narcotise et n’épuise
qu’une minorité d’Européens.
Il est trop tard maintenant pour essayer de séparer de
nouveau l’Orient et l’Occident. A l’exception du Tibet, de la
Corée et de quelques régions écartées des montagnes, l’Asie
orientale fait désormais partie du monde ouvert. Quels seront
pour l’humanité tout entière les résultats de cette annexion
d’un demi-milliard d’hommes au mouvement général de l’histoire?
I I
Il n ’est pas de question plus grave : on ne saurait donc
accorder trop d’importance à l’étude de l’Orient asiatique et
de ces peuples « jaunes », si utiles et même indispensables à
la civilisation future.