maintenus après la défaite des révoltés et plus ou moins exercés
à l’européenne par des instructeurs européens, la plupart allemands.
On les a munis de fusils moins rudimentaires que les
fusils à mèche de la Bannière verte : ils ont le fusil à tir rapide
dernier modèle. De beaucoup le meilleur élément de l’armée
chinoise, justement en vertu de cette instruction comme de
ce t fourniment », on les met en première ligne pendant la
guerre; et durant la paix c’est à eux que se confient les gouverneurs
de provinces pour leur sécurité personnelle et l’exécution
de leurs ordres. Ils veillent aussi aux frontières de
l’Empire, Tonkin, Turkestan, Mandchourie.
A noter, enfin, quelques milliers de miliciens mongols et
3 000 hommes de milice tibétaine.
Pas d’État-major, pas de corps du Génie, pas d’intendance,
pas de service de Santé : ainsi se complète l’armée chinoise,
dont les futurs chefs étudient dans trois sortes de « Saint-Cyr »’
à Tientsin (150 élèves), à Ningpo, à Canton. L’examen d’entrée
ressemble à tous les autres examens de mandarinat : il est purement
littéraire et vide de sens réel; l’examen de sortie n’est
guère plus sérieux.
Six arsenaux fournissent l’équipement militaire : cinq en
Chine, à Changhaï, Nattking, Foutcheou, Tientsin, Whampoa
près de Canton ; un en Mandchourie, à Ghirin.
La marine chinoise, presque anéantie par les Japonais,
était relativement beaucoup moins inférieure que l’armée du
« Milieu ».
En 1880, elle comprenait déjà 40 vaisseaux à vapeur, jaugeant
ensemble près de 20 000 tonnes et portant 238 canons, avec un
équipage vraiment non dérisoire. La plupart des matelots, originaires
de deux provinces du sud, le Kouangtoung et le
Fokien, sont des marins habiles; en mainte circonstance, ils
ont prouvé qu’ils ne seraient point des ennemis méprisables en
cas de conflit avec les puissances européennes.
Pour emprunter les termes de Dujardin-Beaumetz, dans
son Commerce de la Chine avec l’étranger : « C’est une bien
belle flotte que la flotte marchande de la Chine (réserve naturelle
de sa flotte de guerre), et quel réservoir incomparable
d admirables marins n ’a-t-elle pas trouvé dans toute cette population
qui navigue dans les dentelures d’une côte, toute parsemée
de récifs et d’îlots, au milieu des brumes et des dangers
des typhons, et qui est d’une discipline, d’une patience, d’une
docilité et d’un courage à toute épreuve. Ce sont des vertus
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communes à bien des marins ; je doute qu’elles soient poussées
plus loin qu’en Chine. Ce grouillement humain qu’est la Chine
a débordé sur la mer, et c’est une vision de l’avenir de demain,
que de traverser, sur un steamer, toute la flottille des pêcheurs
et des caboteurs qui, par milliers, peinent sur ces mers terribles.
J ’aurai toute ma vie dans la tête le mugissement de notre
sirène par le brouillard, auquel répondaient tant de crécelles,
de tamtams, de grêles cris de matelots, que nous devions
stopper des heures entières, au milieu de cette plainte humaine
demandant grâce au géant européen qui les eût broyés. Et au
large, bien loin avant d’arriver à la côte, ces jonques abordant
un navire en pleine marche, de tous côtés. Ces hommes jaunes
lançant leurs crampons et se hissant à bord, comme des pirates
à l’abordage, cherchant du travail ou des colis à transborder,
s’ils tombent à la mer, c’est la mort, nul ne les sauvera : le
démon de la mer a voulu sa proie, qu’il la garde! Si on la
repêchait, le mauvais sort remonterait avec elle et chercherait
une autre victime ! Ces jonques, avec leurs voiles immenses de
bambou, leur avant relevé portant des yeux énormes comme
des monstres marins, leur château d’arrière aux grandes fenêtres
toutes peinturlurées de vives couleurs, leurs flancs arrondis et
massifs, on les retrouve partout, par tous les temps, ballottées
par toutes les mers ; elles portent de gros canons de fonte, pour
se défendre contre les pirates, disent-elles; au besoin elles
deviendraient pirates, disent les esprits grincheux qui vous
montrent, sur le pont même du navire, les fusils chargés, les
instructions en cas d’attaque des pirates et les grilles de fer
qui vous séparent des passagers chinois. »
La flotte de guerre chinoise puisera donc, quand elle le
voudra, dans la réserve d’une héroïque nation de matelots.
Mais l’équipage n’est pas tout : il y a le commandement;
et c’est l’infériorité d’icelui qui, dès avant la guerre sino-japo-
naise, faisait douter les bons juges de l’efficacité de tout cet
appareil déjà puissant.
Rien de plus délicat au monde que la tactique navale, et,
pour tenir une flotte de guerre en haleine, rien d’aussi compliqué,
d’aussi difficile que le maniement des appareils mécaniques,
électriques, nautiques, balistiques sans lesquels on
coule à fond de soi-même, si l’ennemi ne se charge pas de la
besogne. Ce n’est qu’avec des calculs stricts, d’infinies précautions,
une surveillance de tous les instants, qu’on arrive à surprendre
ou à n’être pas surpris, à vaincre ou à diminuer la
défaite, et à ne pas périr corps et biens.
La science seule, dans le sens européen, et encore en ce