moitié ; l’atmosphère, chargée de vapeurs maritimes, peut être
portée par les vents jusque par delà le Koukou n o re t y laisser
un peu de son humidité.
D’ailleurs, les vents qui traversent les montagnes du Tibet
oriental, de l’estuaire du Brahmapoutra aux solitudes de la
Mongolie, ne rencontrent pas dans cette route d’obstacles semblables
à ceux que présente à l’ouest l’énorme plateau du Tibet
central, avec ses plaines uniformes de 4 500 et de 5 000 mètres
de hauteur et ses puissantes chaînes bordières de 7 000 mètres.
Les arêtes montagneuses de la province de Kham sont moins
élevées que celles de l’ouest; elles offrent aussi de nombreuses
brèches, et, dans une grande partie de leur parcours, elles
sont disposées parallèlement dans le sens du méridien, de
sorte que les vents du sud peuvent s’engouffrer dans les vallées
et remonter facilement jusqu’aux montagnes du Koukou
nor. Les moussons du sud-ouest, qui apportent dans le bassin
du Brahmapoutra une si prodigieuse quantité d’eau, sont loin
d’ètre desséchées quand elles franchissent la chaîne de Bayan
khara. Du mois d’avril à la fin de l’automne, c’est-à-dire pendant
une moitié de l’année, elles apportent des neiges et des
pluies : l’atmosphère ne redevient claire et sèche que pendant
l’hiver. Prjevalskiy a vu des neiges tomber journellement durant
tout le mois d’avril.
Il n’est donc pas étonnant que les nuages déversent encore
au delà du Nan chafi une certaine quantité d’eau sous forme
de neiges et de pluie et que de véritables rivières puissent
naître dans les montagnes et couler au loin dans la plaine;
toutefois aucune d ’elles ne peut aller rejoindre de fleuve s’écoulant
vers la mer : toutes vont se perdre en des lacs ou des marécages
salins au milieu des roseaux. L’Az Sind (Etzina, Edsinaij
reçoit les eaux des « Montagnes du Sud », puis, au nord de la
Grande Muraille, s’unit à une rivière qui l’égale presque, le
Tachapho ou Tolaï de Soutcheou, appelé le « Fleuve d’Or » par
d’anciens documents; au delà il s’appauvrit peu à peu, se
ramifie en des marécages riverains et finalement va se perdre,
sur les confins du désert, dans les lagunes de Sogok nor et de
Sobo nor.
Grâce à l’influence des moussons, qui fait naître ainsi des
eaux courantes entre les deux moitiés du Gobi, les Chinois ont
pu facilement maintenir leur ligne de communication avec
les dépendances extrêmes de leur Empire, du Nan chan aux
extrêmes ramifications méridionales des Monts Célestes, à tra vers
les terribles solitudes de la dépression centrale du Turkestan
et de la Mongolie.
La route naturelle, que suivirent toujours leurs caravanes
et leurs armées, est celle qui, après avoir quitté Lantcheou fou,
au grand coude occidental du Hoang ho, traverse les montagnes
derrière lesquelles se cache le bassin du Koukou nor,
puis descend dans la plaine septentrionale, franchit la Grande
Muraille au défilé de Kiayou et se dirige au nord-ouest vers
l’oasis de Hami. En cet endroit, la voie historique se bifurque
des deux côtés de l’arête orientale du Thian chan : tandis que
l’une des routes pénètre dans le bassin du Tarim, fleuve qui
n’atteint pas la mer, l’autre gagne la Dzoungarie pour redescendre
sur le versant occidental des sierras dans le monde
russe, qui est déjà l’Europe.
On comprend combien il importe à la Chine de posséder
cette région relativement fertile, conquise par elle il y a déjà
deux mille ans, qui coupe en deux la zone des déserts et que
parcourt la route transversale des bords du Hoang ho aux
Montagnes Célestes.
Dans le Kansou chinois il n’y a guère que des fils authentiques
du Grand et Pur Empire ; mais dans le Kansou mongol
la population est plus mélangée. Il y a là des Mongols, des
Tangoutes tibétains; mais aussi nombre de Chinois. Ceux-ci
sont un peu, beaucoup comme l’hydre de Lerne : la guerre des
Dounganes avait fait de leurs villes du Kansou du nord-ouest
d’informes amas de ruines, mais la * Chinoiserie » a repoussé
dru par constante immigration du pays d’en bas vers le pays
d’en haut.
La ville la plus élevée des bords du Hoang ho, Gomi, a été
visitée par Prjevalskiy, dans un de ses périlleux voyages; elle
se trouve à 2 400 mètres, à la limite extrême des cultures que
les laboureurs tangoutes réussissent à maintenir en dépit du
climat : au delà ne se voient plus que des forêts, où nichent
les faisans bleus.
Sining fou, située à l’est du Koukou nor, à 2250 mètres,
sur la rive gauche du Sining ho, qui rejoint le Fleuve Jaune
par le Tatoung, est la métropole du haut Kansou et la résidence
des autorités auxquelles est confiée l’administration
des Tangoutes et des Mongols du lac Bleu, de son vrai nom
mongol : Koukou nor; mais la population urbaine, estimée
à 60000 âmes, est presque entièrement chinoise. La situation
de Sining, à l’angle nord-oriental des plateaux tibétains, et
près de la voie historique de la Chine centrale au Turkestan
chinois et à la Dzoungarie, lui donne une importance de premier
ordre comme place stratégique et comme entrepôt ; mais