Elle s’élève à une quarantaine de kilomètres du golfe de
Petchili, dans un pays accidenté de quilles volcaniques de 100
à 200 mètres de haut. Aussi le mur de sa double ville, haut de
16 mètres, large de 4 au sommet, est-il fait de blocs de basalte
et de dolérite, matériaux dont sont également bâtis les villages
de la contrée. Ces deux villes, l’administrative et la marchande,
sont séparées par le Païlang ho, c’est-à-dire, à la française, par
le c fleuve du Loup Blanc t.
Weï hien ou Weï tout court en lui enlevant la particule
qui désigne son rang administratif, Weï est l’entrepôt général
des soies, des tabacs, des charbons, des fers, des salpêtres de
la contrée, et c’est de là qu’on expédie toutes ces denrées et
ces marchandises vers le mauvais port de Kiaying ou vers
d’autres havres du littoral, et surtout vers celui de Tchefou,
lequel était jusqu’aux événements réeents, qui sans doute modifieront
tout, le seul port du Chantoung ouvert au commerce
européen.
Depuis longtemps on a fait le tracé d’un chemin de fer qui
mettrait Weï hien en communication avec la mer, mais le gouvernement
chinois n’a pas manqué d’opposer sa force habituelle
d’inertie à ce projet des Européens; il a ainsi gagné ou
perdu (selon qu’on l’envisage) quelques pauvres petites années.
Aujourd’hui qu’on lui fait la loi sans le moindre ménagement,
Weï va devenir bientôt l’une des grandes gares de l’une des
lignes du réseau allemand du Chantoung, celle de Kiaotcheou
à Khaïfong par Weï, Tsingtcheou, Tsinan, Taïgan, Yentcheou,
Tsining, Tcheoutsoun.
En attendant cette nouvelle destinée, c’est déjà le centre
d’un réseau de routes plus ou moins carrossables qui la relient
aux ports de la côte méridionale, au grand marché de Tcheoutsoun,
à la riche Pingtou, entourée de ses mines d’or, et aux
cités riveraines du golfe de Petchili, telles que Lateheou,
fameuse par ses carrières de stéatite, où Ton a taillé un dédale
de galeries. Enfin, autre avantage, à 20 kilomètres au sud, les
Chinois exploitent le bassin houiller de Lioukou.
Il n’y a pas 50 kilomètres, de l’est-est-nord à l’ouest-ouest-
sud, entre Weï et l’ancienne capitale du Chantoung, Tsingtcheou
fou, ville à laquelle on suppose 70 000 résidents, en une
enceinte de 15 kilomètres, où Ton peut croire que grouillèrent
jadis des centaines de milliers de Chinois, quand Tsingtcheou
était le lieu le plus important, le plus célèbre de tout le Chantoung.
Elle est bâtie au versant septentrional des monts du Chafi-
toung, au pied d’un haut chaînon calcaire, près des sources
d’un tributaire gauche du Mi ho, lequel finit dans le golfe de
Petchili.
Si déchue qu’elle soit de son ancienne splendeur, à côté
de la ville tartare presque abandonnée, qui rappelle les premiers
temps de la conquête mandchoue, il lui reste une grande
importance présente, avec perspective d’un avenir industriel,
parce que le pays, très densément peuplé, peut-être autant que
n’importe quel autre en Chine, produit la soie sauvage en
extrême abondance; et cela depuis plus de quatre mille ans,
époque où les barbares Laï payaient aux empereurs d’alors un
tribut annuel de cocons.
Tsingtcheou renfermerait une douzaine de milliers de
Musulmans; c’est un des chefs-lieux de l’Islamisme dans la
Chine orientale, et l’étude de la langue arabe n’y est pas encore
délaissée.
Il n’y reste rien du palais de marbre des empereurs de la
famille des Ming, qui a précédé sur le trône de Chine la
dynastie actuelle des Mandchoux; rien, ou çà et là quelques
pierres, quelques sculptures, des inscriptions, dispersées dans
les champs cultivés qui remplissent en majeure partie l’intérieur
de l’enceinte. A une lieue environ au nord, on admire le Tching-
loungtse, beau temple bouddhiste avec un cloître où il y a
bien 800 moines. Dans la ville tartare, enclose d’une haute
muraille, vivent environ 3 000 descendants des anciens conquérants
de la Chine. Mais la grande curiosité de la contrée, à
deux ou trois lieues de distance vers le couchant, ce sont les
* pyramides chinoises », tombeaux d’anciens rois ou chefs de
la Chersonèse du Chantoung ; non pas des pyramides d’Égypte
en magnifiques pierres « libyennes », mais des pyramides en
terre, généralement fort bien conservées, assises sur des terrasses
de 200 à 400 pas de tour, de 20 à 30 mètres de hauteur.
Des pierres couvertes d’inscriptions sont malheureusement,
pour la plupart, effritées, rongées par le temps, et illisibles les
noms, les faits qu’elles prétendaient immortaliser. Ces pyramides
remontent aux âges les plus divers, de la haute antiquité
jusqu’au xvue siècle.
A moins de 70 kilomètres en ligne droite à l’ouest sud-
ouest de Tsingtcheou, Pochan jouit d’un grand renom industriel.
Cette ville de 35 000 habitants ressemble à une cité de
fabriques européenne par son animation, les bruits du travail,
l’aspect sombre, noir, la fumée des usines. Sise en pleine montagne,
sur le haut d’un tributaire du golfe de Petchili, elle
exploite une excellente houille dans des collines percées de
galeries en tous sens; elle tire des grès de son voisinage la