révolutions n ’aient pas porté spécialement sur la forme de
possession des champs.
Dans les premiers temps historiques, il y a 42 siècles, plus
ou moins, la terre était propriété commune, ainsi qu’il en fut
partout à l’origine.
En Chine, tous les documents anciens nous montrent les
« Hommes jaunes », autrement dit les • habitants des Terres
jaunes », se répandant en toute liberté sur l’immense étendue
de sol fertile qui se déroulait devant eux. Femmes, enfants,
vieillards, impotents exclus, tout mâle en état de défendre la
communauté, entre vingt et soixante ans d’âge, avait, de ce
fait même, un droit » imprescriptible » à sa part de sol
arable.
Seulement, la nature même du terrain, coupé de ravins
dans tous les sens et disposé en labyrinthe, avec culs-de-sac
à un bout, forçait les cultivateurs à se diviser en groupes, et
peut-être d’une centaine de familles en moyenne : c’est l’une
des explications que nous donnent les étymologistes du nom
de « Cent Familles », attribué aux fondateurs de l’agriculture
et de la civilisation chinoise.
Dans ce premier « conglomérat » de paysans chinois des Cent
Familles, il y eut donc, à l’Occident, une tendance à la division
du sol en propriétés collectives, familiales et communales.
Au contraire, plus à l’est, dans la plaine du Hoang ho, sans
cesse menacée par les crues fluviales, suspendues au-dessus
des campagnes basses, la propriété commune, nationale, se
maintint longtemps entre les riverains obligés de lutter ensemble,
comme autrefois, par exemple, les Flamands, pour
reconquérir ou défendre les terres inondées au long des fleuves
bataves : la solidarité absolue devant le danger donnait à tous
la communauté absolue de la culture et des produits.
Mais la puissance impériale grandissait; de plus en plus
le Fils du Ciel planait au-dessus des têtes du « pauvre peuple » ;
et autour de lui croissaient en importance conseillers, courtisans,
généraux, caste privilégiée en dehors de la vraie nation,
privilégiée et parasite, puisqu’elle prélevait une part indue
sur les richesses créées par le travail de tous.
Vint fatalement le temps où l’Empereur et la « grandesse »
eurent la condescendance de se tailler des domaines privés
dans le domaine national. Le régime des apanages se heurta
au régime de la propriété communale ou collective, et il finit
p a r le briser.
3 Cette lutte fut une des époques les plus douloureuses de
la Chine. La féodalité triomphante finit par constituer la propriété
privée, dans toute la rigueur d’un droit aussi féroce que
le droit romain, avec le ju s utendi a tque abutendi, quatenus
rerum ratio patitur.
Dès le xne siècle de l’ère ancienne, la terre se divisait en
apanages et en fiefs, comme devait se partager plus tard le sol
de l’Europe occidentale. Chaque homme valide, quoique dépendant
d’un feudataire quelconque, gardait son droit à la mise
en culture d’une partie du fief, et même certaines fractions du
domaine, bois, pâturages ou terrains vagues, restaient indivises
pour chaque groupe de huit familles : à part quoi le gros de
la nation ne se composait que d’un troupeau d’esclaves, serfs
de la glèbe.
Toutefois, le peuple des bêcheurs acharnés ne se reconnaissait
pas vaincu, et partout, il revendiquait la possession du sol;
çà et là en état de révolte, et non sans quelque succès : si bien
que, aux lieux mêmes où la loi les déclarait inaptes à posséder
la terre, ils n’en formaient pas moins, dans la réalité des choses,
un petit univers, un cosmos, un m ir (c’est-à-dire un monde),
ainsi qu’en Russie.
Malgré la tyrannie en haut, le servage en bas, en dépit de
la grande propriété, des apanages consacrés par la loi, et bien
qu’en droit « il n’y eût plus assez de terre libre pour qu’on y
pût piquer une aiguille », la propriété commune se maintint de
fait, et jusqu’à un certain point législativement, par fréquente
intervention des empereurs.
Ceux-ci firent comme les rois en France : ils s’appuyèrent
sur le peuple contre les grands ou menus féodaux; ils s’ingénièrent
à rogner les fiefs, à repasser le sol aux paysans.
Durant les temps où coexistèrent l’empereur, la féodalité,
le peuple, la cote mal taillée régissait de fait la tenure du sol :
la terre était censée n’appartenir qu’au « prince », de même
qu’en Russie, jusqu’à ces dernières années, le seigneur et
boyard laissait vivre à côté de lui le « mir », la commune
« slave ».
La commune chinoise était organisée à peu près comme
l’est de nos jours le mir de la Grande Russie. En partageant le
sol, on tenait compte de la position et de la qualité des champs :
celui qui recevait le meilleur lot, le mieux exposé ou le plus
rapproché des villes, devait se contenter d’une moindre surface.
Le marchand et l’industriel recevaient aussi une part,
mais de dimensions relativement faibles, afin qu’il leur fût
possible de revenir au travail des champs en cas d’insuccès
dans leur profession. D’ailleurs personne n’avait le droit de
vendre, de louer ou d’hypothéquer son lot : tel est le système
auquel on donna le nom de « communal ». Quelques restes de
cette tenure du sol se retrouvent encore, non seulement en