Le parc le plus vaste des environs de Peking
v est celui de Nanhaïtze ou des < Mers du Sud ». Il
l e s e n v ir o n s occupe au sud de la ville, dont il est séparé par
d e une plaine en partie marécageuse, un espace
p e k in g environ trois fois plus considérable que Peking,
de 190 à 200 kilomètres carrés : sa muraille extérieure,
qui se rattache à des remparts de construction moderne
défendant les approches de Peking, a 65 kilomètres de tour.
Des colonies militaires, des villages, des champs sont épars
dans les clairières de la forêt. Les Européens n’étaient pas autorisés
à y pénétrer, et ceux qui y étaient entrés l’avaient fait à la
faveur d’un déguisement. Parmi les troupeaux de cerfs qui
peuplent ce jardin, le naturaliste Armand David avait découvert
une espèce remarquable, d’origine inconnue, elaphurus davi-
dianus, mais les troupes cantonnées en 1894 dans le « Parc des
Mers du sud », lors de la guerre contre le Japon, ont détruit
ju sq u ’au dernier ces animaux rares, sans préjudice des autres
pillages et profanation des jardins et des allées : heureusement
qu’il y a quelques exemplaires encore de cette espèce dans le
parc d’un riche Anglais, en Angleterre. Dans les montagnes
voisines, on a aussi trouvé un singe très curieux, le macacus
teheliensis, l’animal de ce genre vivant sur le continent d’Asie
à la plus grande distance de l’équateur.
Le parc le plus célèbre de Peking n’est pas cette vaste
étendue du Nanhaï tze, c’est le Yuangming yuan, le t Jardin
Splendide », plus connu par les Européens sous le nom de
« parc du Palais d’Été », le Versailles chinois, qui a coûté,
dit-on, plus cher à la Chine que le château de Versailles à la
France.
On sait comment, malheur irréparable pour l’a rt chinois,
cette résidence fut pillée, en 1860, par les soldats européens
qui venaient de disperser l’armée chinoise devant Palikao.
Ceux qui pénétrèrent les premiers dans le Palais d’Été auraient
pu se croire dans un musée : les objets précieux par la matière
ou par le travail, en jade, en or, en argent, en laque, étaient
disposés sur des étagères comme dans les collections publiques
de l’Occident. Un grand nombre de ces curiosités, parmi lesquelles
maints chefs-d’oeuvre, furent brisées, distribuées au
hasard, irrévocablement perdues, tandis que maints objets de
choix servirent à constituer de nouveaux musées en Europe.
Quant aux lingots d’or et d’argent, ils furent répartis entre les
soldats proportionnellement au grade; mais il parait que le
principal trésor resta caché.
Depuis ces jours funestes les Chinois eux-mêmes ont contin
u é l’oeuvre criminelle de l’étranger, qui avait laissé debout
ou à peu près plusieurs des palais, des pavillons, et qui n’avait
pas trop endommagé les avenues, les jardins, les ponts de marbre,
les statues et les colonnes s’élevant à profusion dans ce
paradis des Mille et une Nuits. Le peuple, voire les gardiens du
parc, oublieux du devoir professionnel, y ont pris matière à
chauffage, à bâtisse, à brocantage, et de certaines ruines réparables
ont fait un néant définitif.
On procédait récemment à la reconstruction de plusieurs de
ces palais, notamment de celui de l’impératrice douairière, et
si l’on va jusqu’au bout, la Chine fera une seconde expérience
du prix des monuments somptueux.
Parmi les bâtiments échappés au désastre, de gracieux
pavillons de style italien élevés au milieu du siècle dernier par
des missionnaires catholiques se voient encore dans le parc
oriental. Les monuments les plus précieux de l’architecture
chinoise élevés par Kienloung dans le sous-parc de Wanchou
chan ou « mont des Dix mille âges », kiosques, pagodes à étages,
temples, ponts, arcs de triomphe, lions de marbre, sont aussi
parfaitement conservés, et les curieuses sculptures de marbre
blanc n’ont ■ cessé de briller à travers le sombre feuillage des
pins. Le chef-d’oeuvre de ce vaste musée d’architecture est un
temple de 8 mètres de hauteur, de 19 mètres de tour, complètement
en bronze.
Mais ce que la région du palais a de plus beau c’est la forêt
solitaire qui recouvre les pentes de Hiang chan, montagne de
300 mètres de hauteur, d’où l’on contemple à ses pieds le grand
lac des jardins, les temples, les pagodes revêtues de porcelaines
émaillées, les ponts qui se reflètent dans les eaux, et
là-bas, à l’horizon lointain, le grand carré des murailles de
Peking, à demi perdu dans la fumée, et souvent à demi caché
par la poussière.
A la base septentrionale du massif de collines auquel s’adossent
les palais d’été, jaillissent des eaux sulfureuses depuis
longtemps fréquentées par les Chinois, et maintenant utilisées
par les malades européens. Ce sont les eaux de Wentsouan,
sur le chemin de Peking à la montagne de Miaofeng, qui se
dresse, haute de 1 304 mètres, à une trentaine de kilomètres
au nord-ouest de la capitale; sur un de ses versants s’élève un
célèbre sanctuaire où se font porter en litière les riches pèlerins
qui ont peur de leur peine le long des sentiers ardus. Près
de sa cime, les moines montrent une paroi du haut de laquelle,
disent-ils, des jeunes gens se précipitent par amour filial,
espérant que leur mort assurera longue vie à leurs parents.