étaient presque tous des jeunes gens ou des hommes dans la
force de l’âge; mais ce sont là des faits exceptionnels dans
l’histoire del’émigration européenne. La proportion des femmes
blanches qui se rendent dans les colonies, soit isolément, soit
avec le groupe familial, est presque toujours considérable, et
dans l’espace d’une ou deux générations l’équilibre se rétablit
entre les sexes.
Quoique on remarque un certain accroissement des émigrantes,
on peut dire qu’il n’en est pas de même pour l’émi-
gration chinoise. Les hommes seuls s’expatrient, et jusqu’à
maintenant on n’a vu de femmes chinoises dans le Nouveau
Monde et en Australie que celles dont les entrepreneurs d’émigration
ont payé le déplacement et l’entretien : aucune d’elles
n’a fait volontairement ce voyage au delà des mers. La proportion
des femmes n’a quelque importance dans l'émigration
annuelle que pour les « Établissements des Détroits », voisins
de l’Empire du « Milieu » et devenus en réalité des terres
chinoises, puisque déjà les Chinois, plus actifs et plus industrieux,
y atteignent déjà ou même en certains lieux y dépassent
le nombre des Malais.
De ce départ de tant de jeunes gens, de si peu de filles, il
résulte un fait douloureux, calamité des provinces littorales du
Midi, surtout du Fo’kien, le principal foyer de l’émigration
chinoise. Les pratiques de l’infanticide y sont devenues fréquentes
— de l’infanticide des filles, s’entend.
Nombre de parents ne voient d’avenir pour leurs filles que
dans le mariage — et il n’y en a vraiment pas d autre en
Chine — ils préfèrent donc les tuer que de les exposer à ne pas
trouver d’époux. La femme chinoise, n’étant ni libre, ni propriétaire,
ne peut sortir de la maison familiale que par la volonté
du père ou du mari, et dans l’intérieur même de l’Empire il est
rare qu’on l’autorise à voyager. A l’exception des mandarins
déplacés pour les services administratifs, les Chinois emmènent
rarement leur famille ; presque tous les marchands parcourent
la contrée sans se faire accompagner de leurs femmes, et se
donnent des familles d’occasion dans les provinces éloignées
où ils font des séjours périodiques ou prolongés. Il est même
interdit de par la loi de faire sortir une femme des limites
administratives du pays. L’épouse suivant presque toujours la
destinée du chef de famille, le gouvernement a voulu de tout
temps empêcher les Chinoises de se marier avec des étrangers
et de contribuer ainsi à perpétuer dans le sein même de la
Chine des peuplades allophones.
Mais le gouvernement chinois n’a pas appliqué seulement
cette loi au territoire pour lequel elle était faite, il l’a
étendue aux pays non chinois, et la coutume s’est établie de
retenir les femmes au pays natal : voilà pourquoi si peu de
Chinoises quittent la Chine.
Théoriquement, les Chinois ne pouvaient pas quitter non
plus leur pays; l’émigration a été longtemps formellement
interdite : tout contact « impur » des sujets avec les barbares
Fig. 25. — É m ig r a t io n d e s C h in o i s .
B ’a p rc s L Uocte d e lu . .¿V ~ 'Ê d iü vn .
Nombre démigrants :
Moins de 5000. de to ooo à. 2 5 ooo. 50 0 0 0 . de loooooà 50 0 0 0 0 . 1 0 0 00 00 .
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0 1 5000 10000 15000 Kil,
d ’outre-mer était défendu comme fatal aux « cinq vertus » et à
la piété filiale : les émigrants devaient s’échapper à l’insu ou
malgré l’opposition des autorités locales.
Par malheur pour ce décret de prohibition, les départs
devinrent très nombreux, surtout parmi les Hakka du Fo’
kien et du Kouangtoung : en moyenne 100 000, 120 000, 12S 000
(avec contre-émigration de-50 000 à 80 000 ou 90 000) ; et l’exportation
violente des coulis enlevés des campagnes du littoral
priva le gouvernement d’un si grand nombre de sujets et contribuables
qu’il fallait aviser sans retard. Le haut mandarinat
a donc tâché de régler le mouvement d’émigration d’accord
avec les puissances étrangères.