sont identiques par la forme à ceux des livres sacrés des Hindous,
et tous sont pénétrés du même sentiment d’humanité et
de mansuétude universelle. D’ailleurs Lao-tze ne cite jamais
de personnages de l’histoire chinoise comme des modèles de
vertus ou comme des exemples à suivre : en contradiction
flagrante avec les leçons de Confucius, autre grand sage, l’ensemble
de ses doctrines ne tient au passé de son pays par aucun
lien traditionnel. La légende unanime, à une époque où l’on ne
peut guère encore parler d’histoire positive, fait voyager Lao-
tze dans les régions situées à l’occident de la Chine, et c’est des
montagnes du pays de Khotan que ses disciples le virent
emporté vers le ciel.
Une influence bien autrement large et bien autrement profonde
que celle du brahmanisme de l’Inde, ce fut celle du
bouddhisme, religion partie également de la terre du Gange.
La barrière que les montagnes, les plateaux et les populations
barbares élevaient entre la Chine et l’Hindoustan était si
difficile à franchir, que les communications de l’un à l’autre
pays se faisaient par un détour dans le bassin de l’Oxus. La religion
bouddhique ne se propagea pas par la voie directe, c’est
par les frontières de l’ouest, et non par celles du sud, qu’elle
pénétra dans l’Empire. Dans ses périodes de puissance et de
domination paisible, la Chine comprenait le bassin du Tarim
et commerçait librement avec le bassin de l’Oxus par les passages
des Pamir. Les négociants suivaient alors la fameuse
« route de la Soie » que connurent aussi des marchands grecs,
et c’est par cette voie, de même que par la route « du Jade »,
au sud des Pamir, ou d’autres chemins du plateau que s’introduisaient
quelques-unes des précieuses denrées de l’Asie
méridionale et que se transmettaient en même temps des
récits, des légendes de la merveilleuse contrée du Gange. C’est
aussi par là qu’entrèrent les pèlerins apportant les rites du
culte de Bouddha. Après trois siècles de propagande religieuse,
la nouvelle foi s’établit définitivement dans la patrie de Confucius
et reçut, en l’an 65 de l’ère vulgaire, l’approbation officielle
émanant de l’empereur, chef de la famille, père de la patrie,
gardien des traditions et des rites.
Le bouddhisme plut au peuple chinois par la pompe de
ses cérémonies, les riches ornements de ses temples, la poésie
de cette fleur symbolique du lotus s’épanouissant au milieu
des eaux; il plut aussi parce qu’il ouvrait au monde chinois
une perspective vers ces beaux pays du Midi que leur avaient
cachés jusqu’alors les crêtes des montagnes neigeuses et les
plateaux intermédiaires.
Mais, au fond, le culte de Bouddha ou le fo-kiao changea
peu de chose à la vie des Chinois. Si le cérémonial fut modifié,
le fond resta le même : quelles que soient les images sacrées,
la religion qui s’est maintenue dans la « Fleur du Milieu »,
c’est toujours celle des rites en l’honneur des ancêtres; c’est
aussi la conjuration des esprits malveillants, etpar-dessus tout
la rigoureuse observance des formules, traditionnelles de siècle
en siècle chez les i Enfants de Han », ainsi qu’on désigne souvent
le peuple innombrable des Chinois.
Du moins les relations qui s’étaient établies entre la Chine
et l’Hindoustan pendant la période de conversion au bouddhisme
ne furent-elles jamais complètement interrompues, et,
depuis cette époque, la Chine n’est plus tout à fait pour les
Européens en dehors des bornes du monde. Des communications
s’établirent par mer entre l’Inde et la Chine méridionale,
surtout par le golfe du Tonkin. Déjà, deux siècles avant l’ère
vulgaire, un empereur avait envoyé toute une flotte pour aller
dans les Iles du Sud, cueillir la « fleur de l’immortalité ». Plus
tard, d’autres navires, équipés pour de moindres conquêtes,
allèrent chercher à Ceylan des reliques, des livres sacrés, des
statues de Bouddha et en rapportèrent de riches étoffes, des
bijoux, des pierres précieuses, qu’ils payaient avec leurs soieries,
leurs porcelaines, leurs vases émaillés. Ce chemin était
également suivi par les ambassades, entre autres celle que les
annales chinoises disent être venue du Grand Thsin, c’est-à-
dire de Rome ; ambassade envoyée par l’empereur An-toun, deux
syllabes où transparaît Aurelius Antoninus, en l’an 166 de l’ère
dès chrétiens.
Au viie siècle, lorsque l’Empire Chinois, après une série de
désastres et de révolutions intestines, reprenait sa puissance,
sa force d’expansion et brillait de toute sa gloire, précisément
à l’époque où l’Europe, devenue barbare, était dans sa période
de plus grand abaissement, les voyages d’exploration devinrent
nombreux, et c’est à la Chine qu’appartint alors l’initiative
dont elle s’est singulièrement désaccoutumée dans la suite.
Le pèlerin Hiouen-thsang, dont l’itinéraire dans l’Asie centrale
n’a été égalé depuis que par celui de Marco Polo, était un
véritable explorateur, dans le sens moderne de ce mot, et ses
récits, incorporés dans les annales de la dynastie Thang, ont
pour la géographie de l’Asie centrale et de l’Inde au Moyen
âge une très grande valeur, d’ailleurs bien appréciée par les
savants européens. Ceux-ci, grâce aux documents chinois, ont
pu retrouver d’une manière à peu près certaine tout son itinéraire,
même dans ces ,« Montagnes des Glaces » où les voyageurs
sont exposés aux attaques des « dragons », animaux