après lui, purent en suivre le cours et le conquérir à la science
et au commerce.
C’est à partir de ces premières explorations que les Indo-
Chinois français commencèrent leur propagande très délibérée
très active, pour la mainmise sur toute l’Indo-Chine encore
vacante et le passage des provinces méridionales de la Chine
dans la zone d’influence française. Nous appelons < Indo-Chinois
» les coloniaux qui veulent engager la France à fond en
Extrême Orient, à l’inverse des « Africains » qui professent que
l’avenir politique de la France n ’est pas à Saigon ou à Hanoï,
ni même à Paris, mais à Alger.
Dès que la révolte des Mahométans eut été domptée (au
prix de quels fleuves de sang!), les routes qui relient le Yunnan
au reste de la Chine se rouvrirent au trafic. Les agriculteurs
dispersés revinrent dans leurs villages et les colons du
Setchouen, du Koeïtcheou, du Kouangsi commencèrent à remplir
les vides faits par les massacres; les maisons et les
temples se reconstruisirent.
Mais, suivant le témoignage de Monnier, la restauration
du pays ne va et n’ira longtemps encore que lentement, parce
que la « paysannerie » ne se recrute pas assez parmi les émigrants.
« Le Chinois, nous dit-il, hésite à s’établir sur les
domaines abandonnées : la crainte de voir reparaître quelque
jour les anciens propriétaires ou leurs descendants empoisonnerait
sa vie ; il s’imaginerait posséder seulement à titre précaire.
Ce sentiment, très répandu dans tout l’Empire, n ’a certes
pas peu contribué à enrayer le mouvement réparateur : ce sera
pendant des siècles peut-être (?), l’obstacle le plus sérieux au
repeuplement de la grande province du Sud-Ouest. »
Le Yunnan est donc redevenu part intégrante de l’Empire,
mais il n’en reste pas moins, par la difficulté des chemins, la
raideur des pentes et des contre-pentes, la longue durée des
voyages, un pays extérieur où il est certes plus facile de
pénétrer en partant d’Hanoï qu’en remontant le Yangtze kiang
au delà de sa portée navigable.
Cette Chine extérieure, puisqu’on peut l’appeler ainsi, ne
tient un rang distingué parmi les dix-huit provinces que par
son étendue, la richesse de son sous-sol, ses grandes perspectives
d’avenir.
Comme dimensions, le Yunnan est de belle taille. On ne
peut donner son étendue précise, par la raison que la frontière
politique n’est pas encore tracée tout à fait rigoureusement, à
1 ouest du côté du Tibet, au sud-ouest vers la Barmanie — elle
Test à peu près du côté de l’Indo-Chine française — et parce
que de nombreuses peuplades indépendantes en occupent les
confins.
On admet 380 000 kilomètres carrés ou les 72 centièmes de
la France, et là-dessus on suppose 12 millions de personnes,
toutes nations et peuplades non chinoises comprises : d’où une
population de 31 individus au kilomètre carré. La Mission
Lyonnaise ne croit qu’à 8 millions au plus, Popof à un peu plus
de 6 millions : soit dans le premier cas 21 Yunnanais par
100 hectares, et dans le second 16 seulement.
De tout ceci résulte que le Yunnan est comme étendue la
seconde des dix-huit provinces, après le Setchouen; comme
nombre d’habitants, la douzième s’il a 12 millions d’âmes, la
seizième s’il n’en a que 8, la dix-septième, avant le Kouangsi,
s’il n’en a que 6 ; et comme densité spécifique de la population,
la seizième.
Il paraît certain que la province montera de quelques
degrés dans la hiérarchie. Si son territoire perd beaucoup
d’espace utile dans la très haute montagne et dans les précipices
très creux, si des régions y sont de nature dure et mauvaise,
d’essentielle infertilité, si le climat y est froid, même
très froid et désagréable (mais sain, à cause de l’altitude du
sol), le Yunnan recèle tant de richesses minérales, tant de
houille, d’anthracite, d’or, d’argent, de cuivre, de plomb, de
mercure, d’étain, de fer (et à l’infini), qu’il a devant lui, dans
un avenir prochain peut-être, toutes les promesses d’une grande
industrie.
Dans son ensemble on peut regarder le Yunnan comme un
plan incliné dans le sens du nord-ouest au sud-est. Sur les
frontières du Tibet et du Setchouen occidental, des monts
inexplorés s’élèvent jusque dans la zone des neiges persistantes.
Dans la partie centrale, le Yunnan est un plateau de 2 000 mètres
d’altitude moyenne, dominé par des arêtes de grès rouge d’une
hauteur uniforme, monts de 3 000 à 4 000 mètres d’altitude,
frangés de cols de 2 600 à 3 000, voire un peu plus : donc des
altitudes alpestres.
De grands lacs sont épars dans les cavités de ce plateau,
découpé sur le pourtour par des rivières qui se sont creusé de
profonds défilés dans les roches superficielles de peu de résistance.
Au sud, le sol, érodé par les eaux, offre sur les bords du
fleuve Rouge et dans le bassin de l’Irraouaddi de larges plaines,
élevées seulement de 150 à 200 mètres au-dessus de la mer; au
sud-est se déroule un plateau déchiqueté dont le géologue
Loczy nous dit que c’est un Karst pur et simple, comme en