lement, à moins toutefois que des ruisseaux souterrains n’emportent
le trop-plein des eaux, car cette région est traversée
dans tous les sens de grottes et de galeries où disparaissent
les rivières.
Deux de ces lacs, celui de Tchingkiang et celui de Kiang-
tchouen, sont réunis par un canal artificiel de 1 700 mètres de
long, creusé à travers une colline de grès quartzeux. Les agriculteurs
conquièrent chaque année de nouveaux terrains sur
les lacs en ramenant les vases du fond, et tandis que les champs
de tabac et de pavot bordent les rives, les rectangles inégaux
des rizières s’avancent au loin dans les eaux, pareils à des îles
flottantes. Chacune des mers intérieures donne son nom à la
ville principale des campagnes riveraines. Des mines d’argent,
de cuivre et de fer, des usines métallurgiques, surtout les aciéries
de Laolu kouan, ont valu une certaine importance commerciale
à ce district. Au nord-est du Toung haï, la ville de
Ningtcheou est peuplée de potiers.
Les cités du versant méridional, qu’arrosent le fleuve
Rouge et ses affluents, sont aussi des entrepôts miniers.
Ce fleuve Rouge, que nous croyons appeler de son vrai
nom annamite en le traitant de Song Coï, Song Koï, tandis
qu il s appelle vraiment le Song Chao (même sens que les deux
mots français), ce Rouge (aux eaux rouges en effet), courant de
1200 kilomètres de longueur, commence à 20 kilomètres au
sud-est du bout méridional du lac de Tali, au pied d’un massif
de 2 600 mètres d’altitude, au nord-est de l’héroïque Menghoa
ou Mounghoua, située dans la région de ses sources. Aucune
des villes du Yunnan ne se défendit mieux, à la sagonte, à la
numance, à la saragosse, contre les Musulmans Panthé. Sa
population, renforcée par les fuyards de Tali, résista longtemps
avec la fureur du désespoir, puis, comprenant qu’une
plus longue résistance serait impossible, elle résolut de ne rien
laisser au vainqueur. Tous les objets précieux furent rassemblés
à la hâte dans un bloc de maisons auquel on mit le
feu; du poison fut distribué aux femmes, aux enfants, aux vieillards.
Quand les hommes valides furent restés seuls, ils mirent
le feu aux quatre coins de la ville et se précipitèrent sur les
assiégeants pour s’ouvrir un passage ; quelques-uns réussirent
à se frayer une issue, mais la plupart tombèrent sous le fer ou
dans les flammes.
Le fleuve Rouge coule vers le sud-est et prend déjà, par
endroits, des largeurs de 150 à 200 mètres quand il arrive à sa
première ville un peu notable, à Yuen kiang, où il passe sous
le nom chinois de Hoti kiang.
Yuen kiang est un grand marché agricole; elle est entourée
d’admirables cultures appartenant déjà à la flore tropicale, car
l’altitude de la plaine est seulement de 520 mètres, à l’est de
monts de 1 648, veinés d’argent et d’or; dans cette contrée, les
plantes du midi se mêlent à celles de la zone tempérée, et les
paysans alimentent les marchés de mangues, de goyaves, de
cédrats, d’oranges aussi bien que de pêches, de pommes, de
poires, de noix et de châtaignes. Au sud-ouest, surtout aux
alentours de Pou Or fou (Pou ehr, Pou 01), ville à 1755 mètres,
on recueille sur les pentes du Koang chan ou « mont Nu » une
espèce particulière de thé très appréciée dans le Yunnan et
dans toute la Chine, malgré son odeur de musc, mais beaucoup
trop chère pour trouver son chemin jusqu’à l’étranger.
On exploite aussi de riches salines dans les environs.
Au sud de Pou Or, la ville frontière de Sumao fut ouverte
au commerce international en 1897; la position de cette ville
sur les confins de la Chine avec le Tonkin, le Siam, la Bar-
manie faisait espérer un très grand mouvement commercial;
mais cet espoir ne s’est point encore réalisé, Sumao manquant
de chemins et les fièvres y arrêtant tout trafic pendant quatre
mois de l ’année. La ville n’a que 9 000 habitants, presque tous
d’origine chan ou lolo.
Pas très loin de la rive gauche du fleuve Rouge, près du
faîte avec le fleuve de Canton et déjà dans son bassin, Lingan
fou, place murée, s’entoure de verdure; de toutes parts des collines
de marbre la dominent, contrastant par leurs croupes
stériles avec les riantes campagnes de la vallée.
Le fleuve chinois-tonkinois descend rapidement sa pente;
aux approches du Tonkin, à Manhao ou Manghao ou Mangko,
il ne se trouve plus qu’à 150 mètres d’altitude, la sierra voisine,
au nord, sur la route de Moungtse, montant à 2 300. Les
gens du plateau yunnanais ne s’y fixent pas volontiers : ils y
dépérissent ou meurent; le climat, lourd et chaud, si diflé-
rent de leur climat sec et « roborant », les y accable tout
aussitôt;
A Manhao commence la navigation régulière, non sans
quelques difficultés lors des eaux basses, et à ce fait la ville
doit d’être l’entrepôt des thés, des cotons et des soies de tout
le sud de la province. Des négociants cantonais, prévoyant
l’importance que cette^région pourra prendre un jour dans le
commerce général, se sont établis à Manhao et en ont monopolisé
le trafic. A l’époque où l’expédition française de l’Indo-
Chine visita la contrée, un chef cantonais s’était même constitué
une sorte de principauté indépendante à Laokaï, sur la
frontière de la Chine et du Tonkin; la douane qu’il avait