pays des Ordos. Quelques cimes ont mérité le nom de Sioué
chan ou « Monts Neigeux »; mais, dans l’ensemble, les montagnes
qui s’élèvent au nord de la plaine du Weï ho sont
d’une faible hauteur et dépassent seulement de quelques
centaines de mètres le niveau des basses vallées qui les entourent
: on pourrait presque les traiter de collines.
Vers le milieu d e là péninsule comprise entre le Weï ho et
les deux longs trajets en sens contraire du fleuve avec courbure
autour des Ordos, le pays montueux est brusquement limité
par le désert des susdits Ordos, où la mer qui recouvrait la
steppe des Mongols, le Gobi, a été remplacée par des sables,
par des mares salines. La Grande Muraille se développe ici sur
un demi-millier de kilomètres de longueur, en suivant la limite
naturelle entre les deux régions si dissemblables, ici la Chine
proprement dite, les torrents et rivières, les vallées verdoyantes,
en Kansou, surtout en ChanSi, et là la grande steppe
de la Mongolie, la platitude, les sablons, et quelques sources
et ruisseaux pour la soif des oasis.
Quel que soit le contraste naturel, 1’ « anti-
in nomie » profonde entre ces deux régions contiin
ch a n . gués, il est bien difficile, pour ne pas dire imposa
i t ch an . sible, de distraire de la » Fleur du Milieu », de la
p a t s Chine proprement dite, ce pays des Ordos
d e s ordos entouré par la demi-boucle immense d’un des
deux grands fleuves de l’Empire et de plus en
plus envahi par les c fils de Han » partout où se trouve quelque
lambeau de terre arrosable à ravir à la stérilité du désert.
Les arêtes de gneiss, çà et là revêtues de laves, qui limitent
au nord de Peking l’ancienne mer intérieure de l’Asie centrale,
le Han haï, devenu le plateau de Gobi, se continuent au sud-
ouest, sous divers noms chinois et mongols, et vont accompagner
le Hoang ho dans la partie la plus septentrionale de son
cours.
Cet ensemble de chaînons, désigné par l’appellation générale
d’In chan, se termine dans les déserts salins d’Ala chan,
au nord-ouest du grand coude du fleuve Jaune : les roches de
granit, de gneiss, de porphyre y élèvent leurs crêtes de 2 000 à
2 700 mètres, et sur plusieurs d’entre elles on constate l’existence
de surfaces polies et * moutonnées » qui témoigneraient
du passage d’anciens glaciers.
Les monts In chan se distinguent de la plupart de ceux de
la Mongolie par l’abondance de leurs eaux et la richesse de
leur végétation. C’est parce que la mer Jaune, qui pénètre au
loin dans les terres par le golfe de Petchili, envoie à l’In chan
une quantité suffisante de pluies pour lui donner une riche
parure d’herbes, d’arbrisseaux et de grands arbres. Les prairies,
d’un vert éclatant comme celles des Alpes, sont embellies
au printemps par la broderie multicolore des fleurs ; des noisetiers,
des églantiers, des pêchers sauvages, des épines-
vinettes, des groseilliers et d’autres arbrisseaux croissent dans
les terrains rocheux, tandis que, plus haut, là où il tombe plus
d’eau du ciel, la zone forestière comprend des arbres de plus
grande taille, le tremble, les bouleaux blanc et noir, l’érable,
l’ormeau, l’aune, le sorbier, le prunier sauvage.
Dans son ensemble la flore de l’In chan manifeste beaucoup
d’analogie avec celle de la Sibérie, dont elle est séparée par
l’ancienne méditerranée du Gobi; mais la sève des plantes n’y
est pas aussi riche et les forêts sont moins hautes et moins
touffues, principalement sur le versant méridional. D’ailleurs,
les Chinois ont, en certains endroits, complètement déboisé les
pentes : en de nombreuses vallées, on ne voit plus que des
troncs épars et desséchés ; pour gagner des terrains à la culture,
et aussi pour se chauffer au temps rigoureux, ils détruisent
le pays lui-même, l’une de ces régions insuffisamment
humides où la déforestation amène infailliblement la sécheresse
et l’entière stérilité.
L’antilope parcourt en grands troupeaux les pâturages de
l’In chan, principalement dans le voisinage des monastères
bouddhiques, car les lamas mongols, aussi bien que ceux du
Tibet, interdisent de verser le sang de ces animaux. Une espèce
de mouton argali se mêle aussi, dans les montagnes de l’In
chan, aux bandes des antilopes et parfois même aux troupeaux
de bêtes domestiques : il serait probablement facile de l’apprivoiser,
mais les Mongols ne voient encore en cet animal qu’un
gibier de chasse. Les panthères et les tigres, disent les naturels,
seraient aussi au nombre des bêtes sauvages qui vivent
dans certaines vallées du pays.
Toutefois cette région montagneuse, barrière entre la
Chine et la Mongolie, étant par excellence un pays de légendes
et de récits fantastiques, les voyageurs doivent, en cette contrée
plus que partout ailleurs, s’en tenir à leurs observations personnelles.
Sur l’une des montagnes, disent les Mongols, se
dresse un éléphant pétrifié ; un autre sommet est le trône de
Djenghiz khan, et de vastes grottes y renferment des amas
d’argent, que les génies permettent de voir par le guichet d’une
porte magique, mais dont un héros pourra seul faire la conquête.