et qui, du moins en écriture cursive, se devine autant qu’il
se comprend.
De même encore, entre deux livres d’égale valeur sur le
même sujet, on voit des Allemands préférer l’anglais ou le
français au germanique, en tant que plus souples, moins enchevêtrés,
mieux éclairés.
C’est tout simplement la loi du moindre effort.
En dépit des difficultés de la langue, d’ailleurs bien moindres
dans le langage courant que dans le verbe littéraire ou
scientifique, le journalisme est né dernièrement en Chine.
Né, ce n’est pas le terme propre, puisque la Chine a depuis
plus de douze siècles une gazette officielle; le vrai mot, c’est
rénové, rajeuni, et l’on doit dire considérablement augmenté
dans ces dernières années.
La Gazette de Peking, le Kin pao, mot à mot : les Nouvelles
de la Capitale — à Peking l’on prononce Tsing pao — date
d’on ne sait quand, mais on sait par certaines mentions en de
vieux ouvrages, qu’elle existait déjà du temps de nos derniers
Mérovingiens.
Elle comporte vingt à vingt-quatre pages, chacune divisée
en sept colonnes verticales, et chaque colonne comprenant
quatorze caractères : d’où 98 caractères par page et 2 352 caractères
par numéro.
C’est un journal fort intéressant dans son genre. En qualité
d’officiel, il comprend naturellement les décrets impériaux,
les rapports des ministres, des vice-rois de provinces, ceux de
la préfecture de police. Dans ses colonnes, dont les caractères
se distribuent à la chinoise, c’est-à-dire de haut en bas, de
droite à gauche, tout ce qui a trait à l’empereur est sacré, nous
dit M. Imbault-Huard, et « une simple « coquille » pourrait
être payée par une ou plusieurs têtes ». Parmi ces décrets
impériaux il en est de bien curieux qui font de la lecture du
K in pao une sorte de cours sur les idées, moeurs, superstitions
des gens de la « Fleur du Milieu », sur leurs rites, leur réglementation
à outrance, — car, en ce pays, * on ne peut porter
telle ou telle botte, tel ou tel pantalon que si l’on y est autorisé,
suivant la classe de la société à laquelle on appartient.... Ainsi,
depuis un temps immémorial, c’est par décret qu’on doit, à
certaines dates, changer de chapeau, le chapeau de paille
conique, le chapeau d’été, puis le chapeau d’hiver : à cet effet,
deux fois par an,... le département des Cérémonies prie Sa
Majesté de vouloir bien penser à la question des chapeaux....
Alors l’empereur, sans se soucier de la température, sans considérer
si la saison est précoce ou tardive, fixe une date par un
décret spécial aussitôt promulgué par le télégraphe dans tout
l’Empire.... De même, un décret impérial enjoint à l’Observatoire
de Peking de choisir un jour propice pour commencer
les réparations aux mausolées impériaux. »
On trouve aussi dans cette plus que curieuse gazette les
» décrets de canonisation », c’est-à-dire l’érection d’un « miao »
ou temple à un grand homme du cru, grand mandarin, grand
lettré, riche bienfaisant ou bienfaiteur, élevé à la dignité de
génie tutélaire; les félicitations et titres honorifiques dont
l’empereur honore tel ou tel génie protecteur qui a détourné
une calamité; la dégradation de tel ou tel mandarin qui pourtant
garde sa place en attendant qu’il vienne peut-être à résipiscence;
les remontrances adressées à tel grand personnage,
voire aux princes de la famille impériale quand ils se sont mis
dans leur to rt; les rapports des censeurs qui parfois n ’épargnent
pas l’empereur lui-même.... « et d’aucuns ont payé de
leur vie, leur franchise, leur amour de la vertu » ; bref, le Kin
pao est une mine inépuisable, et à côté de puérilités extraordinaires,
on y rencontre des traits politiques et sociaux qui
fout le plus grand honneur à la Chine.
Étant purement officiel,.et alors le seul journal de l’Empire,
le K in pao ne suffisait pas, mais les Chinois le crurent suffisant,
ou firent semblant de le croire tel, jusqu’au jour où les
Européens, des Anglais, instituèrent en Chine la presse indépendante;
non pas dans la Chine absolument chinoise, mais
dans la concession britannique de Changhaï où, grâce au principe
de l’exterritorialité, Anglais et Chinois ont le droit de dire
ce qu’ils pensent, ce qu’ils savent.
C’est donc à Changhaï, il y a un peu plus de trente ans,
que parut le North China Daily News, feuille anglaise, qui ne
tarda pas à s’accompagner d’un supplément chinois; à ce
journal qüotidien s’en adjoignirent plusieurs autres, également
anglais, et c’est à eux que la langue « saxonne » doit surtout
sa présente royauté dans le » Milieu » ; jusqu’à ce jour il n’y
a pour la contre-balancer que l'Echo de la Chine à Changhaï,
un journal allemand à Kiaotcheou, et deux journaux japonais,
l’un à Changhaï, l’autre à Tientsin.
Deux ans après le premier numéro du North China Daily
News, le premier numéro du premier journal chinois non officiel,
le Chen pao (pour K in pao) ou Nouvelles de Changhaï, et
plusieurs autres naquirent et grandirent, en divers lieux, surtout
à Changhaï, mais aussi à Hongkong, à Tientsin, à Sou-
tcheou, à Canton, la plupart quotidiens, d’autres hebdoma