daires, dont un est illustré; une demi-douzaine paraissent tous
les jours, sans souci de la censure impériale, car ils ont pour
propriétaire apparent, pour prête-nom, pour homme de paille,
un Européen quelconque, prêt à user et à abuser de son droit
d’exterritorialité ; les chrétiens catholiques ont à leur disposition
le Youen lou, feuille publiée deux fois la semaine à
Changhaï par les Jésuites.
Ces journaux chinois sont très bon marché : le plus
répandu de tous, en même temps que le plus influent, le Chen
pao, tire à 12 000 seulement, mais ses numéros sont lus au
loin par beaucoup plus de Chinois qu’on ne croirait ; le Bou-
nouanyat pao ou le Héraut à circulation universelle, publié à
Hongkong, a aussi beaucoup de lecteurs ; les journaux de Canton
paraissent à 2 000 ou 2 500. Un exemplaire de chaque feuille
doit être envoyé directement à l’empereur, et un autre au
conseil des censeurs, avec indication spéciale des articles qui
paraissent importants.
Avant la guerre sino-japonaise il ne paraissait à Changhaï
que quatre journaux chinois : il y en a vingt aujourd’hui, les
revues comprises.
Dans l’intéressante monographie qu’il a consacrée au journalisme
chinois, M. Imbault-Huard conclut comme suit, à
propos de la diffusion des journaux chinois en Chine et de leur
influence profonde sur le développement de la langue aux quarante
ou cinquante mille caractères.
« Dans les grandes villes, le journal est déjà devenu un élément
indispensable de la vie du mandarin, du commerçant, du
boutiquier, du barbier. Il suffit de parcourir, le matin, les rues
d’une ville chinoise pour s’en convaincre : on y voit des boutiquiers,
debout sur le seuil de leur porte ou accoudés à leur
comptoir, leurs larges lunettes de cristal posées sur leur nez
aplati; lire la feuille qui vient de paraître, la commenter chacun
à sa façon, ou y chercher des renseignements sur le cours des
monnaies, le prix des denrées, les heures de départ des navires.
Le journal est devenu leur ami et souvent leur oracle. Au point
de vue de l’évolution d elà langue, le journal a une importance
remarquable : pour rendre des idées nouvelles, pour exprimer
les noms d’inventions récentes, les rédacteurs ont dû forcément
créer des mots qui manquaient jusqu’alors au vocabulaire
chinois. Au lieu de forger une périphrase longue et peu compréhensible,
seul moyen auquel on peut avoir recours pour
rendre un mot étranger, ils ont souvent préféré transcrire phonétiquement
ce dernier, l’habiller à la chinoise et introduire
ainsi dans la langue des mots non-chinois chinoisés. Je citerai
quelques exemples : au cours du conflit franco-chinois, on a vu
apparaître, entre autres, les mots ou-li-ma-toung, transcription
phonétique de ultimatum, et sseu-ta-tou-ho, transcription phonétique
de statu quo; quand l’invention du téléphone a été
annoncée par les journaux, on a imaginé le mot to-li-foung.
Ces mots sont écrits avec des caractères chinois qui ont d’ordinaire
une signification précise, mais qui dans ces transcriptions
ne jouent qu’un rôle purement phonétique. II y a des
siècles, au surplus, que ce procédé a été employé par les Chinois
: la langue renferme ainsi un grand nombre de mots sanscrits,
tibétains, turcs, persans, espagnols, etc., qui ont été
chinoisés. Tous ces mots ont acquis droit de cité dans le vocabulaire
chinois. »
La propagande de ces journaux impossibles
y à supprimer à cause de la qualité d’étrangers de
l 'in f lu e n c e leurs prétendus propriétaires; la critique, bien
d e s que modérée, des textes des anciens auteurs
l e t t r é s pieusement transmis de générations en générad
im inu e : tions ; une sorte de fermentation sournoise dans
« m e n s ,, les esprits; le mens agitai molem, en un mot la
a g it a t nécessité a forcé, bien malgré lui, le gouvernemolem
» ment chinois à faire quelques concessions.
Dès 1868, il établit un bureau de traductions
dans l’arsenal de Kiangnan, pour publier les principaux
ouvrages étrangers relatifs aux sciences, et rien qu’en douze
ans il en est sorti 372 volumes dont il s’est vendu près de
85 000 exemplaires; sans doute qu’en 1900, volumes traduits et
acheteurs se nombrent par des chiffres plus imposants.
Sous le nom de Toung kouen kouan, ou * Collège des
Sciences étrangères », il a fondé à Peking une école administrative
où l’on enseigne l’anglais, le français, le russe, l’allemand,
et où les cours de physique, de chimie, de médecine, de physiologie,
d’astronomie, ainsi que les conférences de législation
comparée, sont confiés à des professeurs étrangers, assistés de
répétiteurs indigènes; la plupart des cours se font en anglais,
mais des exercices continuels entretiennent jusqu’à la fin des
études la pratique des autres langues. L’administration de
l’Empire se recrute en partie dans cette école, que plus de cent
élèves fréquentaient dès 1876.
Il a créé une école militaire à Tientsin, une. école navale
à Tientsin également, fondé des cours d’a rt militaire et d’art
civil, des sortes d’écoles polytechniques près des arsenaux de