et fournit une drogue qui, pour être moins appréciée que celle
de l’Inde, représente toutefois une part considérable de la production
agricole.
Une plante qui ne vaut guère mieux que le pavot, un
donneur de narcotique, un stupéfiant comme lui, en un mot un
autre poison, le tabac, est arrivé en Chine de la Mandchourie,
et en Mandchourie, de la Corée; la Corée le tenait du Japon, et
le Japon des Portugais ou des Hollandais. Son usage s’est fort
répandu depuis les 250 à 300 ans de son introduction.
Par contre, diminution de l’aire occupée par le cotonnier :
la région du Yangtze kiang, qui avait reçu le gossypium des
îles de la Sonde et du Turkestan, était devenue, pendant la
guerre d’Amérique, un des pays producteurs de la fibre précieuse,
et les campagnes du Tchekiang se couvraient de cotonniers,
au détriment des autres plantes, qui depuis ont reconquis
le terrain.
Parmi les soixante-dix cultures végétales qu’énumèrent les
explorateurs, celles du riz, des grains, du thé, de l’opium sont
prépondérantes. Celle du mûrier, père de la soie, ne l’est pas
moins; celles aussi de la canne à sucre, dé l’arbre à cire, de
l’arbre à suif, de l'arbre à vernis, celles du chanvre, de l’ortie
bcehmeria, et bien plus encore celle du bambou, ont une
importance économique de premier ordre. Les orangers, que
la Chine a donnés au reste du monde, sont, avec le pêcher et le
mûrier, les plus productifs des arbres fruitiers dans le midi du
royaume Central.
L’assolement des cultures est réglé de manière à subvenir
aux besoins de l’immense population, et ce n’est pas sans
danger que l’on tenterait de modifier cet aménagement du sol,
plus de vingt fois séculaire, sauf guérison de la plaie vive du
déboisement, cause de tant de sécheresses et d’inondations,
sauf aussi la mise en gazon de dizaines de millions d’hectares,
(jusqu’à cent millions et au-delà) pourraient être mis en herbages
: ces deux revivifications nécessaires du sol du Grand et
Pur Empire se sous-entendent toujours.
En dehors d’elles, comment toucher, sans causer de désastres,
à cet ensemble merveilleux dont toutes les parties s’accordent
si bien les unes avec les autres et qui s’entremêlent
harmonieusement, des plateaux avancés du Tibet aux rivages
de l’océan Pacifique? Comment transformer surtout ce vaste
système d’irrigation dont le réseau embrasse les montagnes,
les collines et la plaine, de manière à répandre l’eau fertilisante
à tous les niveaux sur les champs étagés? Système auquel
d’ailleurs la reforestation et le regazonnement également désirables
ajouteraient plus de puissance encore, plus d’ampleur
par plus d’abondance estivale, plus de régularité dans les torrents,
et finalement beaucoup plus d’eau dans un beaucoup
plus grand nombre de rigoles.
En dehors de ces deux modifications essentielles, le seul
changement considérable qui puisse se faire à l’avantage de
l’agriculture chinoise, est l’augmentation du territoire cultivable
: c’est ainsi que pendant le cours du dernier siècle, le travail
a gagné sur les pentes des monts et sur les terrains en
friche, grâce à l’introduction de la pomme de terre et du maïs.
De même, les paysans ont de tout temps empiété sur les marécages
et sur les lacs par la culture de la sagittaire et du nénuphar
ou lienhoa, dont les racines et les graines sont très
appréciées dans ¡’alimentation et dont on mêle les feuilles au
tabac à fumer pour en adoucir la force.
On sait combien l’agriculture est vénérée dans le peuple
des « Cent Familles ». Parmi les classes, celle de l’agriculteur
est censée tenir la première place, parce qu’elle donne du
pain à tous et que sans elle nul ne pourrait s’élever à la compréhension
de la morale et des rites. L’empereur lui-même est
considéré comme le premier cultivateur du Grand et Pur
Empire, et l’on sait que chaque année, vers la fin du mois de
mars, il est tenu de labourer solennellement trois sillons, vêtu
en paysan. Les princes du sang, les grands mandarins, les
vieillards convoqués à la cérémonie, puis de vrais laboureurs
continuent le travail, et le grain de la moisson impériale est
présenté l’année suivante au dieu du Ciel, comme l’offrande du
peuple entier.
Mais si l’empereur officie au nom de tous les cultivateurs
du royaume Central, il n’est pourtant que le propriétaire virtuel
de la terre : c’est bien le paysan lui seul qui possède le champ
cultivé et qui le transmet à ses héritiers, en vertu de son plein
droit.
Malgré la prétendue immobilité de la nation
m chinoise, qui certainement ne se renouvelle pas
t e n ü b e . aussi vjte en bien ou en mal que les peuples
d u occidentaux, il n’en est pas chez laquelle, au
so l cours d’une histoire d’ailleurs démesurément
longue, la tenure du sol ait plus fréquemment
changé et d’une manière plus radicale : l’agriculture a trop
d’importance dans le plus agricole des Empires pour que les