non pas sur le Yangtze ou près du Yangtze, là où ce courant
1 un des plus puissants du monde, écarte ses rives comme un
estuaire, dont une rive est presque invisible à l’autre, ou
même, plus bas, comme une sorte de mer? En voici la raison
Durant les longues époques de paix la capitale fut en effet
beaucoup plus au sud-ouest ou au sud, à Singan, voisine du
fleuve Jaune, ou à Nanking, sur ce Yangtze, le courant central
du pays.
Mais, quand il fallut faire front aux étrangers, soit aux Mongols,
soit aux Mandchoux, barbares du nord-ouest ou du nord
c’est vers l’endroit directement menacé que devait se porter là
force de résistance représentée par le gouvernement, ses fonctionnaires
et ses armées. Or, c’est p ar le Petchili, par les campagnes
du fleuve Peï ho, que Mongols et Mandchoux descendaient
vers la Chine, et sur les bords de ce fleuve se livraient
lès batailles décisives. Victorieux, les envahisseurs restaient
volontiers dans cette région voisine de leur patrie, d’où il leur
était facile de recevoir des secours et où ils pouvaient se réfugier
en cas de désastre. Peking, dans le bassin inférieur dudit
fleuve, devint donc, depuis le milieu du xe siècle, et sauf de
courtes interruptions, la résidence des empereurs « fils du
Ciel », et le bastion septentrional de l’Empire.
D’ailleurs, il convient de le remarquer en sa faveur, cette
ville est située dans la même région naturelle que les cités du
sud. Dans la contrée des plaines, au sud-est des chaînes bor-
diêres qui limitent le plateau mongol, elle n’est séparée des
campagnes qu’arrose le fleuve Jaune par aucun seuil de montagnes
ou de collines ; du Petchili aux provinces de Honan, de
Kiangsou, de Nganhoeï, les changements du climat, des cultures,
de la population, se font par transitions tout à fait
insensibles, à travers le pays de la Terre Jaune, puis à travers
des campagnes à peine moins fertiles et encore plus profondément
arrosées.
A noter aussi que par le grouillement de sa population, le
Petchih est une terre éminemment chinoise : le recensement
officiel, qui précéda l’invasion des Taïping, le changement de
cours du Hoang ho et la grande famine, énumérait près de
trente-sept millions d’habitants dans la province, guère moins
que le nombre des habitants de la France en 1900. Cette énumération,
à quel point exacte, nous l’ignorons, date de 1842;
en la supposant vraie, les 300 000 kilomètres carrés de la province
entretenaient donc chacun 123 ou 124 personnes, contre
les 73 de la région française.
Popof admet 29 400 000 habitants en 1894, soit pas tout à
lait cent individus pour cent hectares, et la plus modeste de
1 144 H
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toutes les estimations se contente de 19 350 000 « Petchiliens »,
ou 64 seulement au kilomètre carré. C’est encore la population
d’un beau royaume, et plus que le nombre des Espagnols de
toutes les Espagnes d’Ibérie.
Ab uno cLisce omnes! Les estimes du nombre de résidents
vont donc ici presque du simple au double; or, le Petchili se
déroule autour de la capitale de l’Empire. Que croire alors des
recensements ou évaluations des provinces excentriques et
presque imparcourablespar les Européens?
Le Petchili confronte au golfe homonyme,
ii lequel s’ouvre sur la mer Jaune par le détroit de
r iv a g e s , Petchili, qui a 100 kilomètres de largeur, et
m o n t s , s’avance au loin vers le nord-est, entre des rives
f l e u v e s -.: mandchoues, sous le nom de golfe de Liaotoung.
d u p e t c h il i Le Port-Arthur des Russes commande à la fois,
au sud l’entrée du golfe de Petchili, à l’ouest
l’entrée du golfe de Liaotoung, à l’est l’immense baie de Corée :
on aurait pu choisir plus mal.
Du détroit du Petchili à l’embouchure du Peï ho, d’est en
ouest, il y a 300 kilomètres, et autant, de sud en nord, jusqu’au
fond du golfe de Liaotoung. Le pourtour, à grands traits, sans
les indentations secondaires, est de 1 200 kilomètres, côtes
élevées, pittoresques, au sud-est, le long de la province de
Chantoung, et sur presque tout le contour du Liaotoung, mais
essentiellement basses, plates, vaseuses sur le «; délinéament »
du Petchili.
A ce golfe accourent, dans le Chantoung, le terrible
Hoang ho, dans le Liaotoung (Mandchourie) le Liao ho, dans le
Tchili le Lan ho et le Peï ho : tous ces fleuves lui apportent tant
de boues que ses fonds sont tapissés de vase et que les profondeurs
de 200 mètres ou un peu plus y sont rares.
Baignée, donc, à l’orient, par les eaux de la mer, la province
du Tchili ne cesse de s’accroître aux dépens des eaux
marines. La côte qui se développe sur une longueur d’environ
500 kilomètres, de la bouche du fleuve mandchou, le Liao ho,
au fleuve de Peking, le Peï ho, suivait jadis une direction
parallèle à celle des saillies montagneuses de la contrée, mais
fes alluvions fluviales ont modifié ce tracé primitif. Ainsi le
Lan ho ou Laomou ho, qui reçoit tous les torrents venus du
sud-est de la Mongolie par Karakoten et Djehol, a formé en
pleine mer un vaste demi-cercle de terres nouvelles. A la vue
des plages qui terminent à l’ouest le golfe de Petchili, Ton
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