de suivre l’exemple de leurs vertus. Il faut que je sois loin de
leur ressembler, puisque sous mon règne on voit tant de criminels.
» — € Je suis le seul coupable, disait le roi Tchingthang
en parlant des calamités de l’Empire; je dois être le seul
immolé. » La responsabilité croît avec le pouvoir : aussi Mentze
va-t-il jusqu’à permettre le régicide quand le souverain « fait
un vol à la justice ».¡j*i- « Il n ’y a point de différence, dit-il,
entre le meurtre d’un homme par l’épée ou par une administration
injuste. »
Malheureusement, ainsi qu’en tout pays du monde, il y a
la théorie et la pratique, et aussi le paraître et l’être. Si bien
intentionné que puisse être le « Fils du Ciel », ses parents, sa
cour, ses favoris, ses eunuques, ses vice-rois, ses neuf classes
de mandarins, pourrissent ses idées, ses sentiments; la direction
partie d’en haut devient souvent en bas la direction contraire,
et souvent l’impulsion s’arrête au milieu du chemin.
Étant si grand, si haut, si divin, l’Empereur a droit à une
foule de noms et de surnoms augustes.
Son titre le plus souvent employé, c’est Houangti ou
« l’Auguste Souverain », et, disent les commentateurs, « celui qui
est en possession d’une vertu complète et capable d’agir d ’après
les principes divins » ; ils disent aussi que ce nom de Houangti
répond à l’idée même de Ciel. Écoutons-les expliquer leur dire :
i Le Ciel ne parle pas, cependant les quatre saisons se suivent
régulièrement et tout naît et croît. Ainsi descendirent Fouhi,-
Chinnoung, Houangti ; ils n’ouvrirent pas la bouche et le peuple
se soumit; leur vertu était insondable, infinie comme le Ciel
auguste, et alors on les nomma les Augustes, Houangti « (Wells
Williams).
L’empereur a encore d’autres noms : Houangchang ou i le
Haut et Auguste » ; Tienhouang ou « le Céleste Auguste » ; Chin-
houang ou « le Sage Auguste », ou encore « l’Infini en savoir
complet, en vertu »; Tienti ou « le Souverain Céleste »;
Chingti ou » le Souverain Sacré » ; Tientze ou i le Fils du Ciel »
(car son père est le Ciel, sa mère est la Terre) ; Chingtientze
ou « le Sage fils du Ciel ». On s’adresse à lui en l’appelant Ouan
Souiye ou » Seigneur des dix mille années » ou bien Piha ou
« Sous le tabouret », ellipse plus qu’elliptique, signifiant à peu
près dans la bouche des courtisans : « à peine si nous sommes
dignes de nous approcher de vos augustes pieds ! » Lui-mème,
il se désigne par le mot Tchin, c’est-à-dire * moi »; ou par
celui de Kouajin, « l’Homme seul »; ou de Kouakioun, * le
Prince solitaire »; et pour finir, avec Wells Williams, l’énu-
mération de tant de titres ridicules : il est le frère du Soleil et
de la Lune, le petit-fils des Étoiles, le Roi des rois. Son palais
est la Salle d’audience, le Palais d’or, la Neuvième entrée,
l’Avenue, la Salle de vermillon, la Salle rose, le Pavillon
défendu, le Palais interdit, le Palais incarnat, les Escaliers
d’or, les Escaliers de perle, l’Avenue des joyaux, la Porte du
Midi, les Escaliers célestes, la Cour céleste, le Grand intérieur,
le Pavillon d’érable, etc., etc. Son trône est le Trône du
Dragon, l’Objet divin, etc. Le voir, c’est contempler la face du
Dragon, et sur ses robes le Dragon à cinq griffes est le blason
impérial, interdit aux robes du profane vulgaire, voire des
plus glorieux mandarins.
A côté de l’Empereur et participant presque
autant que lui aux honneurs divins, il y a l’Im-
n pératrice, Houangheou, dite aussi Kouomou, « la
la Mère de l’État ». Puis en dessous, très vénérés
cour aussi, le Taïtze ou « héritier présomptif », les
Houangtze ou « princes du sang » et les Houang-
tou, » princesses du sang », « dans les huit familles où la
noblesse est héréditaire », les seules de tout l’Empire.
Le gouvernement étant modelé sur la famille, la mère du
souverain, de même que l’Impératrice régnante, a droit aux
plus grands honneurs de la part de tous les dignitaires. Ainsi
que l’Empereur consacre chaque année suivant les rites le sol
labourable en traçant trois sillons, de même l’Impératrice
régnante préside aux cérémonies relatives à la culture du
mûrier et à l’élève des vers à soie ; comme son époux, elle a les
sceaux d’or et la pierre de jade, insignes du pouvoir suprême;
le fong, dans lequel les Européens ont vu l’analogue du phénix,
est l’animal fabuleux que la poésie lui a consacré. Le souverain
lui-même doit témoigner de la déférence à l’Impératrice,
et lui rendre une visite officielle tous les cinq jours, en
fléchissant le genou devant elle. Conformément à une <t loi
salique » non promulguée, mais admise par tous, l’impératrice
n ’a aucun droit au pouvoir, mais on sait que l’influence occulte
l’emporte souvent sur les droits le mieux établis.
Les sept autres femmes légitimes doivent parfaite obéissance
à l’Impératrice, ainsi que les habitantes du harem, limitées
à 130 par le livre des cérémonies, mais en réalité leur
nombre est maintenant facultatif.
Ces odalisques, pour emprunter un terme, non de l’Extrême
Orient, mais de l’Orient méditerranéen, se recrutent surtout
parmi les filles des officiers de la race militaire et conquérante