C H A P I T R E CINQUIÈME
LA T E R R E JAUNE
I . LE HOANG TOU. It I I . SES ÉROSIONS GRANDIOSES, iii
n i . SA FÉCONDITÉ. Il IV . SES RICHESSES MIN IÈR E S .
A l’exception des pays de hautes montagnes
et des plaines alluviales, presque tout le
l e bassin du Hoang ho est recouvert de hoang tou,
h o ang c’est-à-dire de « terre jaune ».
to u Les provinces de Petchili, de Chaüsi, de
Kansou, une moitié du Chensi, la partie septentrionale
du Honan, de vastes étendues du Chaütoung sont
revêtues de ces dépôts, au-dessus desquels s’élèvent les sommets
des montagnes, comme des îles au milieu de la grande
mer.
Ces terrains occupent un espace supérieur à la France
entière.
Ils s’étendent par lambeaux jusqu’aux bords du Yangtze-
kiang, et du côté de l’ouest ils vont s’appuyer aux plateaux
tibétains. Dans ces contrées, tout est jaune, collines, routes
et champs, les maisons bâties en terre, les ruisseaux et les
torrents chargés d’alluvions ; la végétation même se déguise
sous un voile de poussière jaune, et le moindre vent soulève
des nuées de fine argile dans l’air, qui parfois en devient
presque irrespirable.
Ce sont ces étendues qui ont valu à l’empereur de Chine
son nom de Hoang ti, c’est-à-dire « Seigneur Jaune », synonyme
de « Maître de la Terre ». Les terrains jaunâtres du
Royaume du Milieu, patrie des populations agricoles chez
lesquelles s’est développée la civilisation chinoise, devaient
paraître à leurs premiers occupants comme le sol par excellence,
et leur couleur devint le symbole de la Terre dans son
entier.
D’après l’hypothèse de Richthofen, le hoang tou, désigné
par lui sous le nom allemand de loess, comme les formations
analogues des bords du Danube et du Rhin, ne serait autre
chose qu’un amas de poussière accumulé pendant des siècles
par les vents du nord : d’année en année, pendant le cours des
âges, les couches d’argile s’accroissaient, mais non assez rapidement
pour étouffer la végétation ou pour empêcher le développement
de la vie animale; les débris de plantes, les coquillages
terrestres, les restes d’animaux, s’agglutinaient avec la
nouvelle terre dans une masse compacte, tandis qu’à la surface
se reformait sans cesse le tapis végétal, arrosé dans tous les
sens par les canaux que creusent les agriculteurs chinois : ainsi
montait et s’épaississait incessamment le précieux humus né
de la coalescence des grains de poussière.
En tout cas, il est certain que le hoang tou n’est pas d’origine
glaciaire, puisque, au lieu d’être simplement entassé
comme les argiles morainiques, il est, du haut en bas, percé
de trous verticaux et diversement ramifiés : ce sont les espaces
laissés vides par les radicelles des plantes que la poussière a
graduellement recouvertes. Le hoang tou n’est pas déposé en
couches semblables aux alluvions qu’apportent les fleuves ou
les torrents; il ne contient pas non plus de fossiles marins
témoignant d’une immersion de .la contrée par 1 Océan. On
reconnaît en beaucoup d’endroits que les amas de « terre
jaune » ont été repris et remaniés par les eaux dans les bassins
fermés des lacs ; ils y forment des strates bien différentes des
couches primitives par leur aspect et leurs fossiles. ■■■_.>
La « terre jaune » n’est donc pas d’origine marine, ni
lacustre, ni glaciaire : ce qui augmente les probabilités de la
théorie de Richthofen.
Sur les plateaux entourés de rebords mon-
il tagneux qui ne permettent pas l’écoulement des
s e s eaux, la « terre jaune » s’étend en une couche
é ro s io n s uniforme et d’épaisseur inconnue, mais partout
gr andiose s où quelque brèche de l’enceinte a laissé s accomplir
le travail d’érosion, d’énormes ravins
souvent très creux, aux parois perpendiculaires, s ouvrent dans
la masse argileuse.