Setchouen chinois, prolongé jusqu’à la mer, aux deux rives du
grand fleuve, par des provinces où grouille la multitude des
« fils de Han ».
A l’orient de cette frontière du Min, les aborigènes ont
complètement disparu du pays des Quatre Fleuves, c’est-à-dire
du Setchouen, qui leur appartenait en entier il y a vingt-deux
siècles, époque où se présentèrent les premiers immigrants
chinois. Mais de fréquents massacres les décimèrent à plusieurs
reprises : ainsi du temps de Koublaï khan la plupart des colons
furent exterminés. A l’époque de la conquête mandchoue, le
pays se dépeupla de nouveau, mais de nombreux et puissants
courants d’immigration affluèrent de diverses provinces, surtout
du Chensi, au nord, et du Houpé, à l’est.
La population des Quatre Fleuves est donc fort mélangée
d’origine, mais de ce mélange est résultée une population
ayant des caractères spéciaux. Les gens du Setchouen sont
peut-être les plus gracieux, les plus bienveillants de tous les
Chinois, et les plus raffinés de manières, en même temps que
les plus francs et ceux qui ont le plus de bon sens. Très laborieux,
ils n’ont cependant aucun goût pour le commerce; dans
leur pays, les négociants viennent du Chensi ou du Kiangsi, et
les banquiers, les prêteurs sur gage, les usuriers, sont des
gens du Chansi.
Les habitants du Setchouen fournissent aussi moins de
lettrés et de chefs militaires que ceux des autres provinces :
leur intelligence pratique les détourne de ces fastidieuses études
officielles, où si peu de science vraie se mêle à tant de formules
dénuées de sens.
C’est à travers des masses profondes de
Chinois i chinoisants » qu’on va des Lolo du
iv Setchouen et du Yunnan aux Miaotze du Koeï-
m i a o t z e tcheou et du Kouangsi.
Les Miaotze : ce nom signifierait, d’après
Morrison et Lockhart, les « Hommes qui ont
germé du sol »; d’après une autre traduction, ce seraient
plutôt les « Fils des champs incultes ».
Plus brièvement ils se nomment les Miao. Tze veut dire
fils, descendance, mais en mauvaise part : aussi le nom de
Mantze est-il une injure, tandis que le terme de Kia ou famille
est parfaitement honorable. « Un aborigène ressentira vivement
l’appellation de Miaotze, avec sa terminaison tze que les Chinois
ajoutent si volontiers en parlant d’autres races que la
leur; mais il ne se fâchera pas si vous l’interpellez comme
Miao kia ou « membre de la famille de Miao ».
Ils habitaient autrefois les régions de la grande plaine,
notamment aux bords des lacs Toungting et Poyang, au voisinage
du fleuve Bleu.
Graduellement refoulés ensuite dans la Montagne du sud
par les colons chinois, ces Nan man ou « Barbares du Sud »,
ainsi qu’on les nommait jadis, étaient encore assez nombreux,
il y a tantôt deux cents ans, dans une bonne partie de la Chine
centrale et méridionale, en Houpé, en Hounan, en Setchouen,
en Koeïtcheou, en Kouangsi, en Kouangtoung. Ici détruits, là
refoulés, ailleurs assimilés, ils ne se trouvent plus ayant encore
quelque consistance que dans les massifs du Nan ling et dans
les vallées environnantes, principalement dans le Koeïtcheou,
mais aussi, et beaucoup plus disséminés, dans le Yunnan
oriental, le Hounan occidental, le Kouangtoung du nord-est, le
Kouangsi (et, en Indo-Chine, dans le Tonkin septentrional,
sous le nom de Man).
« Disloqués » de la sorte, coupés en mille morceaux par les
plaines et vallées qui séparent leurs divers monts, ils se sont
donc divisés en une foule de tribus dont les différences se sont
accrues de siècles en siècles; il est bien difficile aujourd’hui de
se reconnaître dans ce fouillis et de ne pas se tromper sur leurs
parentés ou non-parentés.
Le Ghouking de Confucius divise les « Hommes qui ont
germé du sol » en trois peuples principaux : Miao blancs, Miao
bleus, Miao rouges. Ces qualificatifs, et nombre d’autres, se
retrouvent encore parmi les Miao du Koeïtcheou, mais ces
épithètes ne s’appliquent probablement pas aux tribus dont
parlait Confucius; elles sont motivées simplement par des dif-,
férences dans la couleur générale du costume.
D’après le docteur Deblenne, de la Mission Lyonnaise,
« une partie des Miao semble se rapprocher du type aryen dégénéré
». Comme traits généraux, avec nombreuses exceptions,
s’entend : un teint plus foncé que celui des Chinois, mais
beaucoup d’entre eux sont plutôt d’un blanc mat; une chevelure
assez épaisse, aux cheveux longs, gros et rudes ; yeux peu
bridés, peu obliques, sous un front bombé; nez droit, non
écrasé à la racine, avec narines assez larges non aplaties;
lèvres ni épaisses, ni relevées, bouche grande, dents blanches,
bien plantées, avec canines en saillie; menton arrondi, qui
proémine un peu ; muscles bien développés, mollets saillants,
os solides. Encore une fois, ce n’est là qu’une généralité, et il
y a beaucoup de types divers chez les Miao, comme sans doute
il y a eu beaucoup de fusions.