A 65 kilomètres environ ouest-sud-ouest d ’Hongkong, de
l’autre côté de l’estuaire dans lequel se déverse la rivière des
Perles, Macao n’est pas officiellement séparée de la Chine. Le
gouvernement de Peking n’a jamais reconnu la domination
absolue du Portugal sur cette presqu’île, et, comme suzerain,
il reçoit un impôt fixé par l’empereur Kanghi à 500 taels, soit
environ 1900 francs, par l’entremise d’un mandarin résident,
qui représente la puissance suzeraine.
Toutefois l’ancienneté de la possession, qui date de 1557,
et les mesures énergiques prises par le gouverneur Amaral
en 1849, ont fait de Macao une terre vraiment portugaise. La
partie de la ville qu’occupent les Européens a tout à fait l’aspect
d ’une cité de l’Estramadure lusitanienne avec ses grandes
maisons régulières, peintes en rouge ou en jaune, ornées de
lourdes balustrades, et ses vastes couvents tranformés en
casernes.
Cette Chine portugaise, moins portugaise que chinoise,
n’enlève au « Milieu » qu’une douzaine de kilomètres carrés,
presqu’îles et îles, dont 210 hectares pour la ville. 80 000 hommes
environ y vivent : on compte parmi eux 500 soldats de garnison,
3 900 Portugais et métis, dont 3 100 nés à Macao même
et 615 en Portugal; 161 € blancs étrangers » et au-delà de
75 000 Chinois.
Il s’ensuit que le quartier principal est celui des Chinois :
là se presse la foule, là se fait tout le travail de la colonie.
Même le quartier portugais, Praya Grande, est partiellement
envahi par les enfants de Han : il leur est défendu d’y construire
des maisons, mais ils achètent celles des anciens
maîtres lusitaniens, et remplacent l’image de la madone par
l’autel des ancêtres.
Macao est admirablement bien située pour le commerce,
au bout de sa péninsule granitique de 4 400 mètres de long, sur
1 680 d’extrême largeur, qui se rattache à la terre ferme par un
cordon de sable, la * Tige de Nénuphar », jadis coupée de fortifications.
Au nord, sur le territoire chinois, on distingue les
murailles de la ville de Tsing chan ou du « Mont Vert », à
laquelle les Portugais ont donné le nom de Casabranca ou
« la Maison Blanche ».
Malheureusement la rade n’est pas bonne, divers vents
y font rage, les typhons n’y sont pas inconnus, qui viennent
presque tous de la mer des Philippines, donc du sud-est, et se
font surtout craindre en août, septembre et octobre. A mesure
qu’on approche de la Cidade do Santo Nome de Dios les p ro fondeurs
diminuent ; quant au port, à l’ouest de :1a presqu’île,
il est bien « intérieur », bien abrité, très sûr, mais pas très
creux, d’accès malaisé, et ses conditions vont en empirant tous
les jours.
Pendant près de trois siècles, Macao eut le monopole du
commerce de l’Europe avec l’Empire chinois, mais l’ouverture
d’autres ports aux échanges internationaux priva la ville portugaise
de ses avantages, et les marchands, n’ayant plus à
s’occuper de l’expédition des denrées, se mirent à faire le trafic
de chair humaine. Les barracôes de Macao devinrent les entrepôts
des coulis capturés ou achetés dans les îles et sur le littoral,
puis expédiés sous le nom d’engagés volontaires au
Pérou, dans les Antilles, au Mexique et ailleurs. Les réclamations
du gouvernement de Peking mirent un terme, en 1873,
à cette hideuse traite, et désormais les engagements des émigrants
présentent quelques garanties de sincérité; en outre,
la plupart des contrats se signent maintenant à Hoang pou,
sur une terre chinoise.
Ce transport d’émigrants et de réimmigrants a maintenu
quelque peu de l’ancienne activité du port de Macao : il lui vaut
un service régulier avec le Mexique. La décadence amenée par
l’envasement du port et nombre d’autres causes n’en est pas
moins patente. Le commerce est presque entièrement passé des
Portugais aux Chinois; il s’occupe surtout du riz, du thé, de
l’opium, des cotonnades, de l’exportation du poisson salé; la
pêche emploie à Macao, 8 700 pêcheurs, montant 930 bateaux. La
valeur des exportations fut de près de 125 millions en 1888 (?),
de 33 558 794 patacas en 1894, soit d’un peu plus de 119 millions,
en fixant la pataca à 640 reis, suivant le décret du 19 août 1893.
De ces 119 millions, il y en avait environ 54 pour l’exportation
(Vasconcellos). Presque tout ce trafic se fait par les jonques des
Chinois et fort peu de navires européens se présentent dans
le port.
Macao est fameuse dans l’histoire littéraire ; Camôes banni
y séjourna de 1556 à 1561, et l’on dit qu’il y termina son poème
des Lusiades. Le propriétaire d’un jardin, » nommé le Parc de
la Tourterelle blanche », montre un rocher fendu, formant une
sorte de grotte que la traditions consacrée comme le lieu dans
lequel se retirait le poète : ce serait là le « refuge conforme
à ses soucis » où Camôes, se cachant « dans les entrailles du
rocher, à la fois vivant et mort, enseveli et vivant », pouvait
» gémir sans mesure et sans contrainte ». Dans le cimetière de
la ville est la tombe de Morrison, l’un des savants qui ont le
plus fait pour l’étude de la langue et de la géographie du Grand
et Pur Empire.