CHA P IT R E T ROI S IÈME
IND U S T R IE CHINOI SE
i . l ’i n d u s t r i e c h in o i s e : SON CARACTÈRE ARTISTIQUE. Il I I . l ’a r t c h in o i s .
H I I I . INT ERVENT ION DE L ’EU RO PE . Il IV . PRINC IPAL E S INDUSTRIES CHINOISES.
Il V . LES OUVRIERS CHINOIS. Il V I. L’INDUSTRIE EUROPÉENNE EN CHINE.
L’INDUSTRIE manufacturière du Royaume
Central dépasse en antiquité, de bien des
l ’in d u s t r ie siècles, celle de l’Occident, et mêmequelques-
c h in o ise : unes des découvertes les plus importantes faites
so n en Europe à la fin du Moyen âge étaient déjà
c a r a c tè r e depuis longtemps connues des Chinois.
a r t is t iq u e Marco Polo et les premiers explorateurs
européens de l’Extrême Orient parlent avec
admiration des étoffes, des métaux ouvrés et des autres productions
de l’industrie des « Manzi » ; mais les premiers documents
dignes de foi relatifs aux manufactures de la Chine, ne
parvinrent en Europe qu’à la fin du xvne siècle, grâce à l’ambassade
de la Compagnie Orientale des Provinces-Unies. Les
missionnaires révélèrent plusieurs procédés de fabrication des
Chinois, e t , pendant le dernier siècle, Stanislas Julien et
d autres sinologues ont complété ce travail par la traduction
de nombreux ouvrages.
La patience au travail, l’intelligence prompte, la dextérité
manuelle de l’ouvrier chinois ne sont pas seulement des privilèges
de race, elles proviennent aussi de ce que la grande
industrie, avec la division du travail à l’extrême, ne s’est pas
encore emparée de la population manufacturière. Comme on le
voit trop en Europe, la spécialisation tue l’a rt : tel objet de
fabrique passe par vingt, cinquante, cent mains qui ne s’occupent
que d’un seul détail, et s’en occupent toujours; ces
ouvriers y deviennent donc extraordinairement habiles et
rapides; machines eux-mêmes avec la précision de la machine,
mais aussi bornés que la machine et devenus purement automatiques.
Tandis qu’en Chine chaque objet d’a rt est l’oeuvre d’un seul
artiste, qui le dessine, le moule et le peint; il en est de même
des meubles et des étoffes, tous produits du travail individuel.
Dans beaucoup de provinces, les paysans eux-mêmes sont aussi
des artisans : ce sont eux qui tissent, filent leur coton et fabriquent
leurs toiles. Ils excellent surtout dans la vannerie; le
tissu de leurs corbeilles est si serré, qu’elles servent au transport
de tous les liquides, comme les seaux de bois et les vases
en métal.
Sauf pour un petit nombre d’objets, les habitants du
Royaume Fleuri ne peuvent cependant plus se vanter de leur
supériorité sur les « barbares de l’Occident », et même ils
imitent ce qui leur vient d’Europe « avec un engouement souvent
naïf ». Les outils, les ornements, les montres et les pendules,
les mille choses de toilette et de ménage que fabriquent
des ouvriers de Canton et de Fatchan, afin de les expédier
dans tout l’Empire Central, ont été pour la plupart copiés sur
des échantillons importés d’Occident, et pour les grands travaux,
ce sont des instructeurs venus d’Europe ou du Nouveau
Monde, qui ont enseigné « aux enfants de Han » l’art de construire
et de diriger les locomobiles, les machines des filatures
et des bateaux à vapeur ; ce sont eux qui vont leur apprendre
comment on extrait économiquement, prudemment et vite la
houille et les minéraux, comment on fond et comment on tra vaille
les métaux, et comment on augmente la « création » de
tout ce que la chimie imagine de corps nouveaux et vraiment
révolutionnaires.
Quant aux anciennes industries des Chinois, il leur serait
difficile de les transformer, puisque leurs procédés sont d’une
simplicité et d’une précision parfaites. Il en est qui ne se sont
pas modifiés depuis quatre mille ans; ils pourront disparaître,
remplacés par d’autres, mais ils ne peuvent changer : S in t ut
sunt, a.ut non sint! Et, puisque le français est souvent aussi
bref que le latin : Qu’ils soient tels ou ne soient!
Parmi diverses industries qui ont disparu, sans doute parce
que les procédés n’étaient connus que d’un petit nombre d’a rtisans,
il en est que ni les Chinois ni les Européens n’ont pu
retrouver.