semblance que c’est du nord-ouest que lui vint la lumière, à
travers le désert du Gobi, * qui, à ce moment-là, peut-être,
n’était pas un désert ».
Il est très probable en effet que cette vaste région de la
€ terre jaune », située principalement au nord du Hoang ho,
exerça une influence capitale dans l’histoire de la civilisation
des peuples de la Chine. Nulle part dans le monde il n ’existe
en un seul tenant une aussi grande étendue de terres d’une
culture facile : sur un espace égalant en superficie une fois
et demie la France, le sol est partout léger, friable, propre à
la culture des plantes nourricières; seulement les sommets
de quelques montagnes apparaissent au-dessus de cette terre
jaune, que la charrue pourrait transformer entièrement en
un champ de céréales tel qu’il n’y en aurait pas de pareil au
monde.
Ainsi des millions, et encore des millions de paysans ont
trouvé facilement leur subsistance dans cette ample contrée,
où de plus ils avaient l’avantage d’être protégés contre les
nomades des alentours par les ravins et les défilés d’érosion,
qui font de la contrée un labyrinthe inaccessible aux étrangers.
Cette région de la terre jaune, Hoang tou en chinois, était donc
des plus favorablement situées pour une société se développant
normalement en paix.
A mesure que se desséchaient les lacs de l’Asie centrale
et que le désert empiétait sur les cultures, les populations,
refoulées des pays de l’ouest, où elles s’étaient trouvées en
rapports continus avec des Chaldéens, des Hindous, des Persans,
descendaient vers le Hoang tou, portant avec elles leurs
connaissances et leurs industries. Chaque vallée fluviale devenait
un chemin pour la civilisation du peuple d’agriculteurs ; de
proche en proche, la culture, le langage, les moeurs, les arts se
propagèrent du nord au sud dans toute la contrée qui est
devenue la terre chinoise.
Si, parmi les points cardinaux, les Chinois donnent la
prééminence au sud, si leurs chars d’honneur sont tournés
vers le midi et s’ils cherchent leur méridien magnétique en
regardant vers le pôle austral de leurs boussoles, la raison en
est peut-être à ce que le mouvement de migration et la marche
de la civilisation chinoise se sont faits principalement dans ce
sens. C’est ainsi qu’aux États-Unis les progrès incessants de
la colonisation à l’occident des Alleghanies avaient donné à
l’horizon du couchant une sorte de supériorité mystique : i C’est
à l’ouest que nous guide l’étoile de l’Empire ! » répétèrent longtemps
les Américains du Nord.
La science vient de le démontrer, sans con-
m testation possible : non seulement la civilisation
p r o v e n a n c e chinoise n’a pas fourni le germe de la civilisation
o c c i d e n t a l e occidentale; mais tout au contraire c’est l’Occi-
d e l a dent, en ce cas spécial, l’Occident de l’Asie, notre
c i v i l i s a t i o n i Asie Mineure », qui donna le levain de fermen-
c h i n o i s e : tation à la communauté du Hoang ho destinée à
l e s devenir le Grand et Pur Empire.
c e n t f a m i l l e s Le nom de Bak Sing, que les Chinois a ttribuent
aux fondateurs de leur Royaume Fleuri, se
traduit unanimement chez eux par « les Cent Familles », mais
il signifie tout aussi bien « les Familles des Bak »•
Et ici nous touchons au vif des origines de la civilisation
chinoise, dont Terrien de la Couperie a définitivement démontré
la provenance occidentale dans des ouvrages d’une science
sûre, d’une pénétration merveilleuse — oeuvres d’ailleurs de
forme incohérente, de style diffus et confus.
Les chroniques de la Chine, dans leur partie semi-histo-
rique, semi-mythique, ne remontent guère au delà de quarante
siècles, à l’époque de l’empereur Yu, auquel on attribua naturellement,
comme à un Hercule, toutes les actions héroïques,
tous les faits mémorables, et toutes les inventions, comme
à un Dieu ou demi-Dieu. Ce dut être à peu près à cette épo-
que-là que les émigrants occidentaux, porteurs de l’avenir,
firent leur entrée dans le Royaume Fleuri par les frontières du
nord-ouest. Ils y trouvèrent probablement des villes, des
tribus, des nations, des richesses, tout comme J e s Romains
en Gaule.
Donc, Bak Sing, les Cent Familles ou les Familles des Bak,
les Chinois appellent ainsi les fondateurs de leur histoire, de
leur société. « Cent Familles » peut-être, parce que les nouveaux
venus se groupèrent en communes analogues aux Hundveds
des Anglo-Saxons.
Mais, d’après Terrien de la Couperie, le nom des Bak est
vraiment un nom propre. Il représente un peuple des Bak, qui
vivait autrefois en Ghaldée, sur le bas du fleuve de 1 Euphrate,
et qui, dans ses diverses stations sur la route de 1 Orient,
aurait laissé son ethnique à un grand nombre de villes et de
lieux. Tels Bag-dad, Bag-istoun ou Bisoutoun, le lieu de la
fameuse inscription trilingue de Darius, fils d Histaspas, Bak-
tyari, Bac-tros, Bac-triane. Les Bak seraient le même peuple
que les Sag-gigya ou les « Hommes à tete noire » dont parlent
aussi les annales chaldéennes, et dont le nom se retrouve en
Chine dans celui de Limin, « race à cheveux noirs » que les
Chinois s’appliquent volontiers.