népotisme : elle le réduit peut-être, mais elle n ’empêche pas
l’arbitraire et le péculat.
En août 1898, quinze décrets de l’empereur modifièrent
d une manière absolue le régime de l’enseignement et celui
des examens; mais ces décrets n’ont point été appliqués, peut-
être parce qu’ils n’avaient pas été approuvés par l’impératrice
et la camarilla. D’ailleurs, il y a décrets et décrets, ceux qui
doivent être obéis et ceux que l’on promulgue pour faire
patienter le peuple ou pour tromper l’étranger.
Tous les employés civils et militaires, désignés souvent
sous le nom collectif de pé kouan ou des « cent fonctions »,
portent le nom générique de kouang fou, traduit dans les
langues européennes par l’appellation de mandarin, qu’employèrent
d abord les Portugais en prononçant à leur manière
le nom hindou des indigènes de Goa, leur colonie de la presqu’île
du Gange.
La hiérarchie des fonctionnaires se divise en neuf ordres,
distingués les uns des autres par la couleur et la matière du
globule, de la grosseur d’un oeuf de pigeon, qui se visse sur
le chapeau officiel, en paille, en soie ou en feutre, conique ou
à bords relevés ; ils se différencient également par la broderie
de leur pectoral, « pièce cousue sur le devant de la
robe ».
Le mandarin de neuvième classe se reconnaît au globule
d’argent du chapeau, au geai à longue queue brodé sur le pectoral
.C
elui de huitième classe visse à son chapeau le globule en
or travaillé et porte à la poitrine une caille brodée.
Celui de septième classe se manifeste par le globule d’or
simple, par le canard mandarin du pectoral.
Celui de la sixième classe arbore la pierre blanche de jade
au couvre-chef, l’oiseau aigrette au pectoral.
Celui de la cinquième classe un globule de cristal, un pectoral
à faisan argenté.
Celui de la quatrième classe se distingue par le globule
bleu opaque turquoise du chapeau, par l’oie sauvage de la broderie
.A
celui de troisième classe, le globule bleu transparent
saphir et le paon du « devant de gilet ».
Pour celui de seconde classe les marques de son rang
sont le globule de corail rouge et le faisan doré du pectoral.
Celui de la première classe triomphe des huit autres par
la pierre précieuse rouge adaptée à la coiffure et la grue de
Mandchourie au devant de la poitrine.
Un autre signe de distinction moins visible c’est la boucle
de la ceinture, qui est de nature différente suivant les neuf
rangs de la hiérarchie.
En récompense de leurs « bons et loyaux services » les mandarins
reçoivent des * décorations analogues à ce que les philosophes,
les dédaigneux, probablement les sages, qualifient
chez nous de 1 ferblanterie ».
Mais en Chine, les signes ne sont pas en métal, en soie, en
étoffe. C’est le monde animal qui les fournit, et ils ne se fixent
pas à la poitrine, mais au chapeau, comme le saint et sacré
globule lui-même : le koaling, qui flotte aux vents, c’est la
plume de paon à un, deux ou trois yeux; et pour le mandarin
militaire, c’est la queue de renard.
Les titres chinois dont on décore les mandarins et auxquels
on a trouvé des noms honorifiques correspondants dans
nos langues européennes, ne peuvent être transmis à leurs
enfants. Devenus nobles, les mandarins n’anoblissent que leurs
ascendants, afin que ce soit toujours en qualité d’inférieurs
qu’ils rendent les honneurs funéraires à leurs parents. Il est
même interdit au mandarin civil d’emmener son père avec lui
dans nos gouvernements, car s’il était d’un avis contraire au
sien, il se trouverait entre deux devoirs également impérieux,
l’obéissance à l’Empereur et la piété filiale. Les fils des fonctionnaires
rentrent dans le commun du peuple : pour monter
dans la hiérarchie gouvernementale, ils doivent, eux aussi,
passer par la série si longue et si fastidieuse des examens.
Les titres héréditaires n’appartiennent qu’aux descendants
de Confucius et des Empereurs, mais ceux-ci ne peuvent non
plus prétendre aux fonctions publiques s’ils n’ont subi leurs
examens réguliers. Les seuls privilèges des parents de l’empereur
consistent à toucher une modique pension, à porter une
ceinture rouge ou jaune, à décorer leur bonnet d’une plume
de paon et à se donner le luxe de huit ou douze porteurs de
palanquins; mais ils ne comptent point dans l’Etat, et des
mandarins spéciaux sont chargés de les tenir rigoureusement
en sujétion, de les fouetter même, s’ils ne se conduisent pas
conformément aux règles tracées. N’ayant qu’une dignité
d’emprunt, ils n’ont aucun droit au respect des citoyens : ils
sont bientôt perdus dans les énormes remous de la démocratie
égalitaire aux 400 millions d’hommes.
Les familles qui se rapprochent le plus de l’aristocratie
et que Ton peut considérer comme constituant une véritable