nous ont transmis les missionnaires jésuites, et qui est encore
fort usité en Europe, se trouverait parfaitement justifié en
théorie, l’azur étant la couleur du ciel.
Mais, quoiqu’un des caractères communément employés
pour désigner le Yang soit celui qui se rapporte au principe
mâle, on se sert aussi d’autres signes, dont chacun fait varier
le sens de ce nom.
Peut-être bien devrait-il se traduire par t Fils de 1 Océan » ;
peut-être rappelle-t-il les débordements du fleuve ; peut-être
est-il un terme purement géographique, le nom de l’ancienne
province de Yang, qui répond plus ou moins aux trois provinces
présentes de Kiangsou, de Tchekiang, de Nganhoeï,
situées sur le cours inférieur du fleuve et le long du littoral de
la mer au nord et au sud de son embouchure? Pour Schott et
pour Richthofen, par exemple, le Yangtze est le « fils de la province
de Yang ». Bien des interprétations sont possibles avec
une langue aussi pauvre et aussi concise que la langue chinoise,
avec une écriture idéographique prêtant considérablement
à la « discussion des textes ».
Dans l’usage courant, le Yangtze est purement et simplement
le Ta kiang ou le « Grand Fleuve » : nom mérité, qu’on
pourrait porter sans injustice au superlatif, car le fleuve de
la Chine centrale est certainement à l’un des premiers rangs
parmi les puissants courants de la terre.
Sans doute, en Asie même, il est notablement inférieur,
sinon comme longueur développée, tout au moins comme
étendue de bassin, à trois fleuves sibériens, l’Ob, 1 Yemseï et la
Lena. , I
Autant qu’on peut hasarder des nombres qui ne sont
qu’approximatifs et resteront tels jusqu’à connaissance par-
faite de contrées encore connues imparfaitement, le Yangtze
draine 1775 000 kilomètres carrés, tandis que la Lena en égoutte
2320000, l’Yeniseï 2510000, l’Ob, 2 915 000. L’aire du fleuve
Bleu ne serait donc qu’un peu plus des trois quarts de celle
de la Lena, les sept dixièmes de celle de l’Yeniseï, les trois
cinquièmes de celle de l’Objet son bassin égale plus de trois
fois l’étendue de la France, la conque de la Lena quadruple et
au-delà notre pays, celle de l’Yeniseï le quintuple presque,
celle de l’Ob fait plus que le quintupler.
Mais, sous un climat bien plus humide en moyenne que
celui de la froidement sèche S i b é r i e , le Yangtze roule beaucoup
plus d’eau que ces trois énormes courants.
D’après des mesures précises qu’on doit à Blakiston,
Guppy, le fleuve Bleu, tel qu’il coule à Hankoou, c’est-à-dire
quand il lui manque encore le tribut de nombreux affluents,
notamment de celui qui lui amène les eaux du Kiangsi, le
fleuve Bleu débite 3 995 mètres cubes par seconde à l’époque
de ses eaux les plus basses, en plein hiver, en janvier, et
36113 en août, mois de ses eaux les plus hautes; en moyenne
annuelle c’est 18458 mètres qui passent entre ses rives devant
ce vrai centre commercial de la Chine.
Comme le bassin du Yangtze à Haükoou, au-dessus du
confluent du Haü, ne représente que les onze treizièmes du
bassin total, si l’on veut bien supposer que la proportion des
pluies et de l’écoulement reste en aval ce qu’elle est en amont,
il s’ensuit que le fleuve central du « Milieu » apporte moyennement
à la mer chinoise 21214 mètres cubes par seconde : six
fois plus que le Nil, dix fois plus que le Rhône.
Trois fleuves seulement le dépassent en cela : deux dans
le Nouveau Monde, l’Amazone et le Rio de la Plata ; un dans
l’ancien monde, le Congo.
Les calculs de Blakiston, qui donnent 14 158 mètres cubes
de portée moyenne au Yangtze à Itchang, au lieu du départ de
la navigation régulière par bateaux à vapeur, confirment à peu
près les mesures de Guppy.
Comme longueur de cours, on est encore dans le doute
sur le rang à attribuer au Ta kiang, et il en sera de même tant
qu’on n’aura pas reconnu dans le détail sa vallée supérieure
en Setchouen, en Yunnan et sur le plateau natal, en Tibet.
Les estimations, disons les hypothèses diverses, lui donnent
de 4 800 à 5200 kilomètres, et même 5 680.
En s’en tenant à une longueur de 5 300 kilomètres, le Yangtze
kiang est le fleuve le plus long de l’Asie, si toutefois on ne
fait pas partir l’Ob des sources de son grand affluent l’Irtîch,
et l’Yeniseï des origines de la Selenga, tête de la merveilleuse
rivière qui sort du lac Baïkal. En Afrique, il le céderait au
Nil; en Amérique, au Missouri-Mississippi, et peut-être aussi à
l’Amazone.
Ainsi, 5 300 kilomètres ou cinq fois la longueur de la Loire,
1775000 kilomètres carrés ou vingt-trois fois environ le bassin
de la Seine ; ou encore près des 45 centièmes de la Chine proprement
dite, avec un nombre d’hommes évalué à plus de
200 millions d’habitants avant la terrible guerre civile qui
dévasta ses provinces; ce n’est pas dans la région traversée
par le fleuve Bleu que se fonda l’État, mais c’est là qu’il a
trouvé ses principales ressources et qu’il a pu développer sa
puissance pour devenir l’Empire par excellence de l’Asie orientale.
En comparant les deux grands fleuves du Royaume C entral,