surtout la facilité d’agir « à la Verrès » en faisant argent de
tout, pour le plus grand dommage du gouvernement impérial
comme du pauvre peuple.
Après la manifestation d’impuissance de la Chine contre
l’étranger pendant la guerre franco-chinoise du Tonkin, l’esprit
i mandarinal » sentit germer en lui l’idée de la nécessité, tout
au moins stratégique et défensive, des chemins de fer, et, l’intérêt
privé s’en mêlant, Lihoung tchang, le fameux vice-roi du
Petchili, le maître diplomate, autorisa la construction d’une
ligne entre Tientsin et les houillères de Kaîping, qui sont en
partie sa propriété.
Vint ensuite, après la guerre sino-japonaise, autre démonstration
de l’impotence chinoise, la concession de la ligne de
Tientsin à Peking; puis celle de Peking à Hankoou, ensuite
celle de Nanking à Foutcheou. Enfin et surtout, en 1896, l’autorisation
donnée à la Russie de continuer son transsibérien à
travers la Mandchourie, avec droit pour le « tsar blanc », de
protéger la ligne et les stations par des escadrons de Cosaques :
cette convention Cassini, appelée ainsi d’après l’ambassadeur
de Russie en Chine qui l’a négociée, peut être considérée
comme une reconnaissance tacite du protectorat russe : on
doit lui présager d’immenses conséquences.
Stimulées par 1’ « énorme » succès, de nature très substantielle,
remporté par les Russes dans une zone qu’ils considèrent
comme définitivement à eux, les autres nations arrachèrent
aussitôt à la faiblesse de la Chine des concessions soit politiques
seulement, soit politico-financières. Allemagne dans le
Chantoung, France en Kouangsi et en Yunnan, Angleterre,
Belgique, qui voulut, ou qui put, eut sa part.
Déjà le réseau futur se dessine dans ses grands traits A--
ligne de Peking à Tientsin, bondée de voyageurs et le long de
laquelle des trains dits express parcourent 127 kilomètres en
près de 4 heures, soit 32 kilomètres à l’heure ; ligne de Peking
en Mandchourie, avec rattachement au Transsibérien et embranchements
divers, notamment vers la Corée; ligne de Peking à
Ningp’o p a r Nanking, avec embranchements dans le Chantoung;
ligne de Peking à Canton par Hankoou plus ou moins parallèle,
à l’ouest, à celle de Péking à Ningp’o; ligne de Peking à
Singan fou (avec prolongement ultérieur vers l’Europe par la
Dzoungarie); lignes du Yunnan, soit du Tonkin, soit de
Birmanie/vers Yunnan sen et la vallée supérieure du Yangtze
kiang, etc., etc. Au total, à peu près 9 000 kilomètres de voies
rapides, concédés par la Chine depuis 1896 à la * race audacieuse
de Japet ».
Là-dessus » la Russie en compte 1 535 en Mandchourie;
l’Angleterre et l’Allemagne, tantôt en association et tantôt
séparément, environ 3 000, dans le nord et dans les provinces
maritimes situées entre le Petchili et Changhaï; les États-Unis
1 000 entre Hankoou et Canton; la France seule environ 1 100,
tant dans le Kouangtoung et le Kouangsi que le Yunnan, et en
association 2 250 qui se décomposent ainsi : Grand Central
entre Peking et Hankoou ; les deux tiers du capital sont faits
par la France, un tiers par la Belgique; la moitié du matériel
doit être demandée aux usines françaises, le personnel d’exploitation
sera français. — Ligne de Tchingting fou à Taïwan,
affluent du Grand Central, 250 kilomètres, destinée à desservir
le fameux bassin houiller de Pingting, concédée au groupe
français de la banque russo-chinoise. — Ligne de Singan fou à
Kaïfoung, autre affluent du Grand Central, 750 kilomètres, concédée
à un syndicat dans lequel les intérêts français et les intérêts
belges sont à part égale. Enfin il est probable que dans la
ligne américaine, un tiers du capital sera fait par le marché
français ».
Quelques-unes de ces lignes avancent très rapidement :
celle de Peking à Hankoou ne tardera guère à être livrée, comme
à être prolongée sur Canton, distance d’environ t 400 kilomètres,
avec ascension et descente du col de Tchiling, dans les
Nan king, par une double rampe d’un développement d’une
dizaine de kilomètres.
Ce qu’on observe sur ces lignes nouvelles confirme l’expérience
faite sur le * chemin de fer joujou » : voyageurs, les
Chinois usent de la voie ferrée autant qu’ils le peuvent;
ouvriers, sous la surveillance d’ingénieurs et de contremaîtres
européens, ils font merveille dans les ateliers de construction
de Toung chan près Kaîping, et le matériel roulant qui sort
de cette usine est d’excellente qualité; si bien qu’on s’est
décidé à compléter l’établissement par une fabrique de locomotives,
« probablement la première de ce genre en Asie, sinon
qu’on a, par mesure d’expérience, monté depuis quelques
années un petit nombre de locomotives au Japon, avec des
pièces importées ».
On a constaté que ce qui sort ici des mains chinoises
est d’un travail presque achevé, et comme dit M. A. Fauvel,
ancien officier des douanes chinoises, * d’un dessin, d’une exécution
simples et solides, en dépit de leur bon marché. La
construction des navires au Japon, comme celle des chemins de
fer en Chine, amène des réflexions qui ne sont pas tout à fait
agréables pour nous. On se demande ce que nous pourrons