sage, et l’évolution du riz ne demande que quatre mois au
plus : tous avantages très précieux.
Parmi les différentes variétés de cette plante, dont chacune
a ses procédés plus ou moins spéciaux de culture, il est un riz
de montagnes et collines qu’on cultive sur les escarpements en
terrasses et auquel suffit l’eau du ciel : c’est le riz rouge à gros
grains « qu’on sert sur l’autel des dieux, parce qu’il est plus
rare, mais qu’on ne sert pas sur la table des hommes, parce
qu’il est gluant et de médiocre apparence ». La grande espèce,
celle qui se cultive en vastes champs mouillés, dans la plaine,
c’est le riz blanc, à grains fins, notre riz de Cochinchine.
Au bord du Hoang ho, le froment, le millet, le sorgho,
sont les céréales les plus communes; en outre, chaque famille
d’agriculteurs, dans le bassin du fleuve Jaune comme dans les
autres parties de l’Empire, entretient soigneusement, près de sa
maisonnette, un jardin de légumes où se rencontrent, suivant
les climats, toutes les espèces de l’Europe et d’autres encore.
Nulle part les marchés ne sont mieux approvisionnés de fruits
et de légumes, car, à égalité de température moyenne, la Chine
nourrit plus de végétaux que l’Europe sous les lignes isothermiques
correspondantes. Grâce à la somme des chaleurs de
l’été, le cotonnier, le sorgho à sucre, l’arachide, la patate douce,
le nelumbo, croissent dans les régions tempérées de l’Extrême
Orient, tandis qu’on a vainement cherché à les introduire dans
la culture française.
Mais voilà bien le malheur! Pour soumettre ainsi partout
le sol au jardinage, il a fallu, nous l’avons dit et répété, sacrifier
uniformément les forêts, surtout dans les régions du nord
et du centre, beaucoup plus dépouillées de leurs sylves que le
midi de l’Empire.
Dans la « Fleur du Milieu », là où les populations se pressent
en multitudes, l’arbre sauvage prendrait trop de place, on
l’a remplacé par la plante cultivée; pour la fabrication des
cercueils, les Chinois sont déjà obligés d’importer du bois de
l’étranger, même de l’Amérique du Nord. Le seul combustible
consiste en herbes sèches, en chaumes, en racines, en débris
végétaux que l’on emploie avec une singulière économie ;
quelques poignées de brandilles suffisent pour la préparation
du repas. Pendant les froids de l’hiver, on ne fait point de
feu; on ajoute seulement des pantalons fourrés, une pelisse ou
deux ou trois jaquettes à ses autres vêtements.
La grande végétation n’est représentée dans les campagnes
de la Chine orientale, du moins au nord du Yangtze, que par
des bosquets de bambous, des vergers, des rangées d’arbres le
long des champs, et çà et là par des massifs de verdure autour
des pagodes et surtout des tombeaux. C’est ainsi que les villes
et les villages s’entourent de vastes étendues de terrains enlevées
à l’agriculture : les campagnes se couvriraient de monuments
funéraires, si, par un antique usage ayant force de loi,
la charrue n’était impitoyablement passée sur tous les cimetières
à l’avènement de chaque nouvelle dynastie. Seuls les
souverains mandchoux, voulant se rendre populaires, à l’aurore
de leur dynastie, permirent de respecter les tombeaux et les
arbres qui les ombragent, et c’est ainsi que la végétation
spontanée et la faune sauvage ont pu se maintenir dans les
bouquets d’ârbres sacrés.
Les prairies manquent en Chine comme les forêts. Le te rrain
a trop de valeur pour qu’on puisse l’utiliser indirectement
à la nourriture de l’homme par l’élève des animaux de
boucherie, car le sol qui nourrit un million de boeufs fournirait
des céréales et des légumes en suffisance pour douze
millions d’hommes.
Voici tout de même des milliers d’années que les * Cent
Familles » ont su associer à leur travail celui du cheval et du
boeuf.D
’après la tradition, l’empereur mythique Fo hi, que l’on
dit avoir vécu il y a plus de cinquante-trois siècles, aurait le
premier apprivoisé les 1 six animaux » devenus domestiques
par excellence, le cheval, le boeuf, le porc, le chien, le mouton,
la poule. Il paraît cependant que le cheval et le chien ne furent
longtemps représentés que par un petit nombre d’individus, et
d’ailleurs le cheval dégénère rapidement dans les provinces du
Midi.
Par leurs relations avec le monde animal, les Chinois contrastent
avec les Mongols, chasseurs nomades et pasteurs de
brebis : ils n’ont ni troupeaux à garder, ni vastes espaces à
parcourir, et par conséquent ni le chien ni le cheval ne leur
sont indispensables, et pour sarcler le sol ils n’ont besoin
que de leurs bras. Les grands animaux domestiques, boeufs,
buffles et chevaux, ne sont guère employés que pour les transports;
ils sont toujours parfaitement soignés : on les revêt
d’étoffes pour les préserver du froid, et dans les mauvais chemins
on protège leurs pieds par des chaussures en paille.
Les préceptes du bouddhisme, et l’attachement naturel du
paysan pour ses compagnons de travail, ne lui permettent d’en
manger la chair qu’avec répugnance; même le code pénal édicté
une punition sévère contre ceux qui abattent un de leurs ani