chées « par ordre de toute la ville », il ne reste plus qu’à s’y
conformer. Des assemblées publiques se réunissent, décident
l’expulsion du magistrat et lui envoient une députation de
notables chargés de lui signifier avec courtoisie l’invitation au
départ. Un palanquin, accompagné d’une brillante escorte,
attend le personnage banni, qui s’incline cérémonieusement,
et n’a d’autre moyen de se réhabiliter un peu qu’en obéissant
d’une parfaite grâce, et alors ni l’obéissance, ni la courtoisie de
la foule ne lui font défaut. Au contraire, pour peu que la
population soit satisfaite de la conduite d’un mandarin qui
s’éloigne, elle lui remet des adresses de félicitation, et lui
demande ses bottes pour les suspendre en souvenir à la porte
de la ville.
En réalité, les Chinois jouissent de libertés traditionnelles
qui manquent à la plupart des nations de l’Europe occidentale.
Ils peuvent voyager librement dans toutes les parties de l’Empire,
sans rencontrer de gendarme qui leur demande des
papiers; ils exercent la profession qui leur convient, sans
patentes, permis ou autorisations de qui que ce soit; le droit
de publication et d’affichage est généralement respecté, et les
réunions populaires se tiennent publiquement sans qu’il soit
nécessaire d’en avertir la police ; même dans la remuante cité
de Canton, le gouvernement n’a jamais essayé de fermer les
portes du Mingloun tang ou « palais de la Libre Discussion » ;
toutefois il ne néglige pas d’y envoyer des orateurs qui prennent
part aux débats et cherchent à leur donner une tournure
favorable aux intérêts des mandarins.
Le principe fondamental de l’État, que la société tout
entière doit reposer sur la famille, a maintenu de siècle en siècle
l’ancienne autonomie communale.
Dans chaque village, tous les chefs de famille prennent
part à l’élection de leur représentant, choisi presque toujours
parmi les cultivateurs : il remplit à la fois les fonctions de
maire, en veillant à l’accomplissement des lois; celles de
notaire et de teneur des registres, en rédigeant les contrats de
vente ou d’échange; celles de percepteur en touchant l’argent
des impôts ; celles de juge de paix en conciliant les différends
entre les familles; celles d’intendant des cultures et d’agent
voyer, en signalant ceux qui laissent leurs terres en friche ou
pratiquent de mauvaises méthodes agricoles ; celles même de
grand maître des cérémonies, en indiquant les emplacements
convenables pour les tombeaux. Ses fonctions sont gratuites,
mais il se fait assister dans son travail par d’autres employés,
gardes champêtres, arpenteurs ou écrivains, que nomment
également les chefs de famille de la communauté, sans aucune
intervention du gouvernement.
Dans les grandes villes, dans les petites, les groupes familiaux
se constituent de la même manière : tous les kiatchang
ou c chefs de maison » d’un quartier, au nombre de soixante
à cent, forment un Conseil municipal, qui nomme son maire
ou paotching, sauf validation de l’élection par le mandarin du
lieu, et désigne tous les autres officiers municipaux chargés
de veiller aux intérêts communaux et à l’ordre public, de régler
les dépenses et les contributions votées par le Conseil, de prendre
même des mesures militaires en cas de besoin, et d’organiser les
corps francs pour la défense. Pour les intérêts communs de quartier
à quartier, les maires nomment parmi eux des représentants
de district : à tous les degrés de la hiérarchie gouvernementale,
les élus du pouvoir trouvent devant eux dans les villes
chinoises les délégués des familles et des groupes de familles.
Quant aux villes tartares, enfermées dans leurs enceintes,
elles ne dépendent que du gouvernement,
j -, ‘ ^ n y a Pas un seul employé de l’État dans les communes,
dit Grunzel : toute l’administration s’y fait par les élus du
peuple. Dans les autres divisions administratives, les hien ou
hsien, les tcheou, les fou, à la tête desquelles se trouvent des
fonctionnaires de l’État, les représentants élus par le pays
forment une sorte de Conseil des notables et servent d’intermédiaires
entre les assemblées populaires et le représentant de
1 Etat. On les consulte dans toutes les circonstances où il faut
prendre des mesures nouvelles en matière administrative. »
Ainsi les antiques institutions civiles de la
vu Chine ont pu se maintenir pour les < Cent
f o r c e s familles ».
m i l i t a i r e s il n’en est pas de même de l’organisation
militaire.
Sous peine d’invasion et de démembrement,
le Royaume Central est obligé maintenant de refondre les armées
qui lui suffisaient jadis contre les ennemis du dehors et les
rebelles de l’intérieur. De cuisantes épreuves lui ont appris que
la force est du côté de la science, non du côté des traditions
vénérables, et que la balistique des Occidentaux a toujours
raison des droits antiques.
Instruit par l’expérience dès avant le milieu du siècle dernier
par la guerre dite anglo-chinoise, et plus durement encore
par la guerre anglo-franco-chinoise, le gouvernement du