missionnaire Bouvet vogua sur le Pe kiang, et, en 1722, Gaubil
en dressa la carte, d’après ses observations astronomiques De
toutes les routes historiques de l’Empire, celle du Pe kiang est
la plus importante, puisque sans elle toute la région du midi
resterait séparée du Royaume Central. Depuis que des bateaux
a vapeur longent le littoral, emportant voyageurs et marchandises,
la navigation du Pe kiang a beaucoup diminué, mais le
commerce entre les deux versants des monts a toujours une
valeur considérable.
En aval de la jonction du « fleuve de l’Ouest » et du « fleuve
du Nord », le courant se divise : on dirait que les deux cours
d eau s entre-croisent à angle droit. Tandis que le flot principal
s écoule au sud pour se déverser dans la mer à l’ouest de l’île
un autre bras se dirige à l’est et va rejoindre le lacis des
innombrables rivières qui serpentent dans les terres alluviales
de Canton. A l’est, une autre grande rivière vient également se
ramifier au labyrinthe fluvial du bas Si kiang : c’est le Toung
kiang ou le « fleuve Oriental », dont les sources naissent au
nord-est, sur les frontières du Kiangsi et du Fo'kien. C’est
aussi une voie de navigation fréquentée, très importante pour
le transport des sucres, du riz et autres denrées agricoles.
Quant aux rivières du delta, navigables dans tout leur
vaste reseau, grâce au flot de marée, elles forment une des
régions du monde les mieux pourvues de canaux naturels. Sur
plus de 8 000 kilomètres carrés, le sol est coupé dans tous les
sens par des voies navigables qui servent au transport des
hommes et des marchandises et rendent la construction de
routes presque mutile : c’est un pays de canots et de canotiers.
, I 0n comprend donc très bien que la population de la contrée
soit devenue amphibie, pour ainsi dire, vivant aussi bien
sur 1 eau que sur la terre ferme. Non seulement le petit commerce
se fait par les rivières, d’escale en escale, mais aussi de
grandes foires ont lieu à diverses époques dans le delta et
Ion a vu des cités temporaires de bateaux se former en des
parages ordinairement solitaires. Diverses industries autres
que la peche sont pratiquées par des familles errant sur l’eau1
ï f - a,gr,1CU !Jrs mème résident en des côte de leur champ. barques mouillées à
Il est donc tout naturel que cette région soit devenue un
centre par excellence du commerce de l’Empire, et qu’aux
époques troublées, la piraterie ait établi ses repaires dans
inextricable dédale des canaux du bas Si kiang. Là, des barques
armées pouvaient attendre le passage des jonques, en se
cachant derrière chaque pointe de sable ou chaque fourré de
roseaux.
Ge n’est pas sans peine que les vaisseaux de guerre
européens ont débarrassé cette région des pirates qui l’infestaient;
et dès qu’il y a le moindre trouble à l’intérieur, dès que
pour une cause ou une autre, la surveillance, l’action de l’Europe
se ralentit et que le gouvernement cesse un peu d’appesantir
sa main sur contrevenants et délinquants, les « boucaniers
et frères de la côte » reparaissent.
La cité de Canton s’est élevée presque à égale distance des
deux têtes de delta que forment à l’ouest le Si kiang et le Pe
kiang, à Test les ramifications du Toung kiang : de cet endroit
les jonques peuvent se rendre par le plus court chemin dans
les deux estuaires. Celui de Test, le plus large et le plus profond,
a reçu plus spécialement le nom de « rivière de
Canton », de Tchou kiang ou de « fleuve des Perles », appellation
que l’on croit dérivée de celle d’un fort, Haï tcheou ou la
« Perle de la Mer » : c’est la Dutch Folly, « la Folie Hollandaise
» des anciennes cartes.
Les grands navires, les « transatlantiques » ne peuvent
remonter la rivière de Canton jusque devant la cité. Les
jonques et les bateaux à vapeur ordinaires doivent s’arrêter à
15 kilomètres en aval, au mouillage de Hoangpou (Whampoa);
les forts bâtiments de guerre, même soutenus par le flot de
marée, qui dépasse 2 mètres dans ces parages, restent encore
bien en aval, car l’entrée du fleuve est obstruée par une barre,
où l’eau a seulement 4 mètres de profondeur lors du reflux. La
limite du Tchou kiang et de l’estuaire est bien marquée par
des escarpements rocheux qui de part et d’autre resserrent
l’embouchure, et dont les promontoires armés de forts ont
été comparés par les Chinois à une gueule de tigre . o cra le
nom de Houmen, que les marins d’Europe ont traduit par
l’appellation de Bocca Tigris. . , ,
Des changements continuels ont lieu dans la profondeur et
la forme des bancs, ainsi que dans le tracé des rivages. Dans
l’ensemble, la terre ferme empiète sur la mer; là où de nouvelles
plages se déposent au devant de l’ancien littoral, les
riverains s’empressent de les endiguer et de semer des joncs
dans la vase. Ces plantes, qui poussent avec vigueur, fournissent
la fibre dont on a besoin pour la fabrication des nattes,
consolident le sol, l’exhaussent et le conquièrent au domaine
de l’eau douce, qui le dessale peu à peu ; en quelques années,
il est devenu propre à la culture, et le mandarin se présente
pour mesurer les champs et les inscrire au cadastre.