De la Mandchourie au nord-nord-est, sous les latitudes de
la France et des Pays-Bas, jusqu’à la tropicale Indo-Chine au
sud-sud-ouest, le Chanyan alin, le Dousse alin, le Khingan, le
Kenteï, le Tannou ola et l’Ektag Altaï, le Thian chaû, le
Tsoung ling, l’Himalaya, les monts sauvages que traversent les
fleuves de la péninsule Transgangétique, toutes les hautes
saillies du relief continental se succèdent en demi-cercle
autour de ce quart du continent d’Asie qui est devenu l’empire
des Chinois.
Sans doute la voisine de la Mandchourie, la presqu île de
Corée se nomme réellement Tchaosien ou * la Sérénité du
Matin », c’est-à-dire le Côté de l’Aurore, et un archipel, le
Japon, a pris le nom de « Pays du Soleil Levant » ; mais, relativement
à l’ensemble de l’Ancien Monde, la Chine aussi regarde
vers l’Orient; sa pente générale, indiquée par le cours des
fleuves, est tournée vers l’océan Pacifique. La Chine et le Japon
ont reçu à bon droit des Occidentaux le nom d’Extrême Orient,
qui s’étend aussi à l’Indo-Chine, aux Philippines et à • l’égrè-
nement » des îles de la Sonde.
Si beau qu’il soit, l’Extrême Orient n’est pas
n parfait. Il y a du » contre » à son désavantage,
v e x t r é m e comme du « pour » à son profit, quand on le
o r ie n t compare impartialement aux pays de sa « contrecomparé
histoire », à l’ensemble des régions qu on peut
a appeler « l’Extrême Occident », c’est-à-dire à
v e x t r ê m e l’ensemble de presqu’îles ! et d’îles qui se détaoc
c id en t chent nettement de la masse continentale au
bout de l’interminable plaine russe, continuant
elle-même la plaine sibérienne à l’ouest : ensemble péninsulaire
auquel on peut joindre l’Asie antérieure ou Asie Occidentale,
qui a tan t contribué à la civilisation de l'Europe, et probablement
quelque peu, sinon beaucoup, à la civilisation de l’Asie.
Entre cet Occident et cet Orient, le contraste le plus frappant
est celui que présentent les rivages maritimes. Du côté
de l’Asie Mineure et de l’Europe, les terres sont découpées en
de nombreuses presqu’îles se ramifiant en articulations secondaires
dans les eaux de la Méditerranée et dans celles de
l’océan Atlantique; en outre, de grandes îles et des archipels
prolongent les péninsules ou sont parsemés au devant des
côtes ; tellement que l’Europe a pu être comparée par Cari Ritter
et d’autres éminents géographes à un corps organisé bien
pourvu de membres. Le continent semble se mouvoir, pour
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ainsi dire, s’agiter en dehors de la lourde masse de l’Ancien
Monde.
Il s’en faut que la nature ait doué la Chine de cette étonnante
variété de contours.
Du septentrion au midi, des côtes de la Mandchourie russe
à celles de la Cochinchine, une seule péninsule d’étendue considérable,
la Corée, se détache du tronc continental, et un
seul golfe méritant à peu près le nom de mer pénètre dans l’intérieur
des terres : c’est le Hoang haï, notre Mer Jaune, continuée
par le golfe du Petchili, comme celui-ci par le golfe de
Liaotoung.
Il convient d’ajouter que deux vastes îles, Formose, Haïnan,
et le magnifique archipel du Japon animent les eaux du Pacifique
au large de la côte chinoise.
Mais que sont donc cette presqu’île et ces îles de l’Orient
asiatique, les Philippines et la « Sonde » à part, en comparaison
des Cyclades et des Sporades, de la Grèce et de l’Italie,
de la péninsule Ibérique, de l’Armorique, des îles Britanniques,
de la Scandinavie, et, à vrai dire, de toute l’Europe elle-
même vaste péninsule où pénètre partout le souffle de la mer
apportant ses pluies et son atmosphère tiède?
La haute civilisation à laquelle le peuple chinois s’est élevé
ne s’explique donc pas par la richesse de son territoire en articulations
extérieures : elle est due principalement à ses fleuves.
Si l’ensemble d elà Chine proprement dite est d’un pourtour
peu dentelé, les grands cours d’eau navigables qui l’arrosent
et la divisent en îles et en presqu’îles intérieures par leurs
ramifications et leurs canaux, lui donnent quelques-uns des
avantages que possède l’Europe pour la facilité des communications
: le Hoang ho, notre Fleuve Jaune, le Yangtze kiang,
notre Fleuve Bleu, ont remplacé la mer Egée, la mer Tyrrhé-
nienne, et l’on peut dire jusqu’à un certain point la Méditerranée
pour le transport des denrées, des hommes et ont servi,
comme notre « mer entre les terres », au rapprochement, à la
civilisation réciproque des peuples. Et, dès une haute antiquité,
un réseau touffu de canaux de navigation a sillonné
l’orient du pays, les grandes plaines, « l’immense polder », et
relié le nord de la Chine à son centre, et, à un degré moindre,
à son midi.
Jadis, par un autre et magnifique privilège, la Chine possédait
le plus vaste territoire de culture qui existât en un seul
tenant sous un climat tempéré; l’Amérique du Nord et
l’Europe, qui ont actuellement une aussi grande surface de
terres en rapport, étaient encore à une époque récente cou-
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