vages Miaotze de la contrée, qui sont encore bien loin de s’être
accommodés de la « paix chinoise ».
D’ailleurs le « Grand Fleuve » n’offre pas en
m aval du confluent du Min un courant absolument
l e s tranquille; il forme aussi quelques rapides où la
g r a n d e s navigation est périlleuse, et surtout, à 100 kilog
o r g e s mètres environ à l’est de Soui fou, le rapide de
Tsenyao, dont la dénivellation n’est pas inférieure
à 3 mètres. Mais tous les voyageurs sont d’accord sur
le courage, le sang-froid, la dextérité des nautoniers chinois,
notamment de ceux qui remontent ou descendent la « Grande
Eau » dans les passages dangereux du Setchouen ; ils valent
les Indiens du Nord-Ouest de la Puissance du Canada sur leurs
légers canots d’écorce.
D’après les mesures de Blakiston, la pente totale du
Yangtze, en aval de Pingchan, sur une longueur développée de
2 939 kilomètres, serait d’environ 455 mètres, ce qui donne une
moyenne de 15 à 16 centimètres par kilomètre, déclivité bien
inférieure à celle du Rhône en aval de Lyon, mais très inégalement
répartie. Pingchan, à quinze lieues en amont de l’embouchure
du Min, est considéré comme le terme extrême de
la navigation continue du fleuve pour les embarcations légères
de faible tirant d’eau.
En aval de Soui fou, à Tchangtchong ou Tchoungting, qui
est la métropole commerciale du Setchouen, conflue à gauche le
notable Kialing kiang, à peu près de même longueur que le
Min, en un cours plus ou moins parallèle : il vient des Tsing
ling ou » Montagnes Bleues », crête d’entre Hoang ho et
Yangtze. Plus bas, sur la rive opposée, le Ou kiang ou Kian
kiang, plus long que Kialing et que Min, amène en tribut la
majeure partie des eaux du Koeïtcheou.
Tchoungking est le lieu où s’arrête la navigation des
grandes jonques. Un Anglais persévérant, Archibald Little, y
a fait monter en 1898, au printemps, en bonnes eaux, un
vapeur de peu de tirant : effort méritoire qui lui coûta dix-
huit jours d’efforts, mais demi-succès seulement, en ce que
cette montée est tellement pénible, de rapide en rapide, que
jusqu’à maintenant, elle n’est réellement pas pratique dans
le sens d’amont et qu’elle serait dangereuse dans le sens
d’aval.
Il y a tout lieu de le regretter, car en amont de Tchoungking
le Yangtze se laisse naviguer aisément pendant plusieurs
centaines de kilomètres. Toutefois le dernier mot n’est pas
encore dit; déjà Little a trouvé des imitateurs.
Le fleuve, coulant maintenant vers le nord-est, suit la
même direction que les arêtes de rochers de ses deux rives;
mais de distance en distance ces chaînes rocheuses, formées
de calcaires gris, présentent des brèches dans lesquelles se
précipite le courant par de brusques sinuosités. Des châteaux
forts, des camps retranchés, dans lesquels se réfugie la population
des campagnes environnantes pendant les guerres
civiles, s’élèvent au sommet de ces promontoires, tandis qu’à
leur base s’ouvrent des carrières où l’on exploite des couches
parallèles de charbon et de carbonate de chaux, çà et la même
du minerai de fer. Sur les plages, des orpailleurs recueillent
aussi quelques parcelles d’or, mais en si faible quantité qu’ils
peuvent à peine, malgré leur sobriété, subvenir à leur misérable
existence.
Dans toute cette contrée du bassin à laquelle Blakiston a
donné le nom de Cross Ranges, ou « Rangées Transversales »,
d’anciennes plages se voient à une assez grande hauteur
au-dessus du niveau actuel des crues du Yangtze. Il est évident
que le fleuve coulait autrefois à une altitude beaucoup plus
considérable : le seuil des rapides qui interrompent le cours du
fleuve entre les provinces du Setchouen et du Houpë devait être
à cette époque plus élevé qu’il ne l’est actuellement.
C’est ici, dans la région d e s , dernières percées, que les
paysages les plus pittoresques et les plus variés se succèdent
sur les bords du Ta kiang ou » Grand Fleuve ». Non loin de
l’entrée supérieure des cluses, un prisme quadrangulaire de
60 mètres de hauteur, reposant, sur un socle de même élévation,
domine un petit village, groupant ses maisonnettes à l’ombre
de quelques arbres. Comme un énorme édifice, le rocher de
grès est composé .d’assises horizontales. Sur celle de ses faces
qui regarde le fleuve est appliquée une pagode à neuf étages
dont le pavillon supérieur donne accès sur la plate-forme du
bloc : cette pagode, bâtie, dit-on, par les missionnaires bouddhistes
du ive siècle, est le Chipoutchaï ou la « Maison de la
Pierre précieuse ».
Plus bas, le fleuve entre en une gôrge dont les parois verticales
se dressent à 200 mètres de hauteur. En quelques
endroits, les deux rives ne sont qu’à 140 mètres l’une de
l’autre, et l’on y pénètre comme dans une crevasse des montagnes.
La plupart de ces défilés étant orientés dans la direction
de l’ouest à l’est, le soleil n’en éclaire jamais les profon