borner à celle de quelques fleurs ou de légumes croissant
dans un panier à l’avant de leur barque.
Obligés de vivre sur l’eau, ils rament de port en port ou
mouillent l’ancre dans les criques, exposés à la pluie, au vent
a la tempête; heureusement ils sont devenus presque amphibies,
sachant nager depuis leur tendre enfance : les nourrissons
sont munis d’une courge ou d’une planchette pour flotter
en cas de chute. Ils ont même leurs temples mobiles, et des
prêtres taoïstes, condamnés comme eux à vivre sur l’eau, célèbrent
leurs mariages et font des cérémonies en l’honneur des
« Neuf Rois » ; ni la religion bouddhiste ni les rites confuciens
n ont pénétré dans ces villages flottants.
Ces anciens possesseurs du sol doivent végéter dans
1 ignorance, puisque leurs enfants ne sont pas autorisés à se
présenter aux examens publics : trois générations doivent se
passer avant que les descendants de ces bateliers, tolérés dans
les villes ou les villages en qualité de barbiers ou porteurs de
palanquins, puissent être définitivement accueillis comme des
égaux.
Un grand nombre de compradores ou intermédiaires
entre les négociants européens et les Chinois appartiennent à
la classe méprisée; si riches qu’ils deviennent, il leur est
interdit d’acheter une propriété sur la terre ferme. La coutume
a été plus forte que les décrets de l’empereur Yung-tching oro-
clamés en 1730.
Comme l’on peut s’y attendre, des termes de mépris désignent
ces parias, mais aucun nom ethnologique ne les distingue
des autres gens du Fo'kien; l’appellation de Tankia, qu’on
leur donne le plus souvent, n ’est qu’une insulte. Dans les montagnes
qui s élèvent à l’ouest de Foutcheou, des aborigènes
portent encore le nom de Min, qui est celui de la rivière principale
du versant et qui s’applique aussi à l’ancien royaume
devenu maintenant la province de Fo'kien.
Tandis que les abris sont rares sur les côtes
basses qui se prolongent au nord de la baie de
v il l e s Hangtcheou, les ports de cabotage se succèdent
e t l ie u x nombreux au sud de Ningp'o, dans le Tchekiang
r em a rq u a b l e s méridional.
Très découpée, la rive gauche offre aux
marins des havres sûrs, même de véritables fjords, tels que la
longue baie de Nimrod, où ils peuvent se réfugier, lors des
coups de vent, redoutables dans la mer de Formose.
A l’extrémité de chaque baie, on voit les barques se grouper
devant les maisonnettes de pêcheurs et dans chaque détroit
les jonques se glisser entre les écueils. Sur cette côte, dont
Chipou est le port le plus actif, presque tout le commerce est
laissé aux marins chinois. On y pêche des huîtres fort appréciées
: celles de la baie de Taïtcheou n’ont pas moins d’un
demi-mètre de longueur.
Entre la baie de Nimrod au nord, celle de Taïtcheou au
sud, la baie de San Môn ou « des Trois Portes », » des Trois
Districts », d’après une autre traduction, a pris une certaine
célébrité, depuis qu’elle a été vainement réclamée à la Chine
par l’Italie, qui se réservait évidemment in petto d’imiter les
autres grandes puissances en s’attribuant un droit « primordial
» sur le Tchekiang, au nord du Fo’kien que se sont fait
reconnaître les Japonais, au midi du Yangtze auquel prétendaient
les Anglais comme à leur part de Chine, d’ailleurs la
meilleure de toutes.
Elle a de précieuses qualités : elle est vaste, avec 25 kilomètres
d’ouverture et 40 de pénétration ; on y entre par des passes
profondes; on y mouille par 48 ou 20 mètres, et il y a 7 à
8 mètres d’eau dans les anses et havres de son pourtour déchiqueté,
en une région populeuse connue par l’excellence de son
thé ; la basse mer y découvre de grandes étendues au nord et à
l’ouest : au sud les rivages se dressent en falaises ; et derrière
ces falaises des monts. Un édit de 1898 l’a ouverte au commerce
général.
Wentcheou est un port du Tchekiang méridional que le
gouvernement laisse libre aux échanges directs avec l’étranger.
Cette ville, située à l’extrémité d’un estuaire où se déverse
une rivière navigable, et parcourue dans tous les sens de
canaux naturels et artificiels, est encore une cité de 80 000 âmes,
voire de 170 000 (contradiction habituelle en Chine) ; mais elle
a grandement perdu de son importance : des ruines de palais,
de portes sculptées, d’arcs de triomphe, témoignent de sa
décadence; néanmoins elle est restée Tune des plus propres
de l’Empire. .
Ainsi que le disent les natifs, le « fengchoui » n est plus
favorable à la prospérité locale; mais en réalité les causes de
ruine sont dans les habitants eux-mêmes. Il n’est probablement
pas de cité chinoise où l’habitude de fumer l’opium soit
plus répandue; les trois cinquièmes des habitants sont des
fumeurs incorrigibles, aux joues creuses, au regard atone, aux
membres débiles. Les couvents sont nombreux et la plupart