elle a été, pour ainsi dire, assommée par les Dounganes, puis
par les Chinois, ceux-ci comme ceux-là ayant exterminé tout ce
qu ils ont pu de la population. Aussi y a-t-il ruines sur ruines
entre ses hautes murailles de dix kilomètres de tour, et l’activité
commerciale du pays a-t-elle émigré pour une grande part
vers Donkir, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest, sur la
frontière même du pays de Koukou nor. C’est à ce Donkir que
descendent les Tibétains orientaux, les Si-Fan ou Fantze,
pour l’achat de leurs denrées et pour la vente de la rhubarbe,
des cuirs, des laines, des animaux, des minerais ; c’est là que
s organisent les caravanes pour la périlleuse traversée des
hauts plateaux. Toutes les races de la Chine occidentale sont
représentées dans la population de Donkir, mais les échanges
ne s’y font pas toujours d’une manière pacifique : les marchands
sont armés, et les moindres disputes menacent de se
changer en batailles.
Le pays de Sining est une région sacrée pour les bouddhistes
tibétains et mongols : c’est là que naquit le réformateur
Tsonkhapa, et quelques-uns des couvents de la contrée
ont une réputation de sainteté particulière.
La lamaserie de Kounboum est située au sud de Sining,
sur une terrasse boisée, non loin de la vallée profonde dans
laquelle coule le Fleuve Jaune; quatre mille lamas vivaient
dans ce monastère avant le passage d’insurgés mahométans,
puis de barbares Si-Fan, qui le ravagèrent en 1872 et en 1874;
maintenant il n’y a plus que deux mille moines. L’université
de Kounboum comprend quatre écoles, consacrées à l’étude
des mystères, des cérémonies, des prières, et à l’art de guérir
les « quatre cent quarante » maladies de l’homme. Un des
principaux remèdes est la feuille d’un arbre sacré, espèce de
sureau, qui croît devant le portail du grand temple et dont les
feuilles, disent les fidèles, représentent la figure du Bouddha
et divers caractères du saint alphabet tibétain. Hue crut voir
ce prodige, et Szechenyi, après avoir inutilement cherché lors
d’une première visite, réussit à découvrir le lendemain une
feuille sur laquelle on avait tracé les contours d’un informe
Bouddha. Lors des grandes fêtes, une foule prodigieuse de
pèlerins, Tibétains, Mongols et Chinois, se réunit dans les
temples pour contempler les statues et les décorations élégantes,
toutes en beurre, qui représentent des quadrupèdes,
des oiseaux et des fleurs, et que l’on détruit soudain après une
splendide illumination nocturne.
Au nord de Sining fou, au nord-ouest de Lantcheou, au
pied du versant * désertique des Nan chan » on signale quelques
villes importantes.
Liantcheou aurait peut-être une centaine de mille habitants
à 70 kilomètres à l’ouest de la Grande Muraille, à
1 565 mètres environ d’altitude. Place commerçante, peu de
cités en Chine sont plus propres et mieux entretenues; mais la
partie comprise dans la dernière enceinte est la seule qui présente
cet aspect d’activité et de bien-être. La moitié de la
ville, contenue entre la première et la deuxième muraille, n est
qu’un amas de ruines. Du haut des remparts on est frappé de
la multitude de petites forteresses qui s’élèvent partout, au
bord des ruisseaux, dans les vallées, aux sommets des collines.
Ces fortifications d’origine récente sont les demeures
des paysans revenus dans le pays depuis l’insurrection des
Dounganes : ils prennent leurs précautions contre de nouveaux
désastres, espérant qu’en s’enfermant dans leurs réduits us
pourront voir, sans danger pour eux, s’écouler le flot des
envahisseurs. L’excellent charbon de terre des montagnes voisines
commence à être exploité par les industries locales.
Kansou, Kantcheou, qu’on dote de 20 000 âmes, a^ son site
à 1464 mètres, sur une des rivières qui composent l’Az Sind.
De toutes les villes de la contrée, c’est une de .celles qui se
sont le mieux relevées du désastre de la guerre civile, et ses
maisons neuves brillent au milieu de campagnes verdoyantes.
C’est la i cité des peupliers » : il y en a partout; « on se croirait
dans un parc » : parc à peupliers, donc ni touffu, ni
solennel.
Soutcheou, à un peu moins de 1150 mètres, aurait également
20 000 âmes; elle borde un ru qui court vers le Che ho ou
« Rivière Noire », dit aussi Tacha ho ou « grand ru de la Boue ».
Ce fut jadis la ville gardienne de l’Empire contre les Mongols;
mais en 1872, après sa reprise sur les Chinois, il n’y restait
plus une seule maison : les murs se dressaient au milieu d un
immense champ de ruines, d’autant plus tristes à voir que pas
un arbre, pas un arbuste n’avait encore germé sur les décom-
bres. C’est immédiatement à l’ouest, de l’autre côté de la rivière
de Boue, que s’ouvre, à l’origine même de la Grande Muraille,
dans un étroit défilé, la fameuse Kiayou kouan ou la « Porte
du Jade », ainsi nommée parce qu’elle donne accès à la route
du Khotan, cette région où les marchands chinois allaient
recueillir la précieuse matière. Mais la porte n’indique point,
comme on le croit généralement, la limite du désert, car sur
les deux bords du chemin se voient encore des arbustes et