roi, l’an 827 avant l’ère vulgaire, donc avant même la fondation
de Rome.
De même qu’elle a porté plusieurs noms dans le décours
de sa tragique histoire, on la nomme présentement de diverses
façons, grâce à la fécondité du style administratif et manda-
rinique : outre Peking, Pékin, Beïtzin; Chountien, c’est aussi
Kingtou, Kingtcheng.
Le grand rectangle de Peking s’élève au milieu d’une
plaine, à 37 mètres d’altitude seulement, à une faible distance
au sud-est de hautes collines, derniers contreforts des montagnes
qui tombent au sud, du plateau de la Mongolie par
une descente préeipitielle.
Ce voisinage des steppes du nord et de l’ouest, à si faible
éloignement de la mer, est, à n’en pas douter, un grand malheur
pour l’Empire.
Extérieurement, la proximité des grandes plaines dont ces
monts sont le rebord l’exposa de tout temps aux incursions
des nomades, qui ne se sont pas fait faute de profiter des
occasions et de la facilité.
Et dans l’ère présente, avons-nous déjà dit, elle sert les
desseins de la Russie qui, le transsibérien et le transmongol
finis, tiendra dans sa main la capitale du Grand et Pur Empire.
De même la proximité de la mer a mis Peking à portée des
sévices, justices ou injustices des puissances maritimes : un
débarquement et la marche d’un corps d’armée à travers une
plaine, et la « Cour du Nord » est perdue, comme on Ta vu lors
de l’expédition anglo-française de 1860 et de la guerre européenne
de 1900.
Intérieurement, dans un pays resté jusqu’à ce jour sans
grandes routes « impériales », sans chemins de fer, avec
toutes sortes de difficultés de parcours, hautes montagnes,
grandes rivières, coulées, marais dans la plaine, Peking n’a
jamais pu transmettre ses volontés aux autres extrémités de
la Chine qu’après des semaines, des mois de délais, qui eussent
été diminués de moitié si la capitale avait été quelque part
ailleurs sur le bas ou le moyen Yangtze kiang, dans les provinces
les plus riches de toutes, en Kiangsou, en Nganhoel,
en Houpé, en Hounan : à Hankoou, par exemple.
A ce point de vue, deux des anciennes capitales de l’Empire,
Singan et Nanking, étaient bien mieux situées, quoiqu’excentriques
aussi : Nanking par rapport à l’ouest, Singan
par rapport à l’ouest et au nord.
Mais l’excentricité de Peking est tout à fait extraordinaire.
C’est à peu près celle de Saint-Pétersbourg, rejetée au nordouest
de l’immense Empire. La capitale des « Jaunes » est
non moins au nord-est du « Milieu, » la Mandchourie à part,
qui n’est point dans la Chine proprement dite, parmi les dix-
huit provinces, et qui est un pays de nouvelle colonisation,
ayant déjà passé, semble-t-il, dans d’autres mains que celles
du « Fils du Ciel ». Et de même Saint-Pétersbourg est moins
« exorbitant » dans l’ensemble de toutes les Russies depuis
l’annexion du Grand duché de Finlande.
Située tout près du 40® degré de latitude nord, sous 39°
54' 50", la métropole chinoise est, en latitude, à près de
22 degrés au nord de l’extrémité méridionale de l’île d’Haïnan,
son territoire le plus avancé au midi, tandis qu’il n’y a guère
qu’un degré, un seul, jusqu’à la frontière septentrionale de
l’Empire. En longitude, elle est trois fois plus près du parallèle
le plus oriental que du parallèle le plus occidental de la
« Fleur du Milieu. » Et s’il n’y a pas beaucoup plus de 100 kilomètres
entre ses palais et les frontières des Mandchoux, il faut
en parcourir 2 500 en droite ligne pour atteindre les bornes
sud-occidentales de la province de Yunnan!
Néanmoins l’existence, la grandeur, la primauté de Peking
s’expliquent fort bien.
La capitale de la Chine moderne occupe un lieu de croisement
de grandes voies historiques et « économiques ». Ainsi
qu’il a été dit plus haut, elle s’est développée à Tune des extrémités
mêmes de la Chine ; comme tant d’autres « cités mères »
qui ont surgi au côté dangereux, près du point faible de telle
ou telle nation. Paris, centre de résistance de la vieille France
non encore méditerranéenne et africaine, s’est établie (comme
Peking) dans la région septentrionale du pays, au point de
convergence des routes qui viennent des ports où débarquait
l’Anglais, et des frontières que menace l’Allemand. De même
Londres s’est installée, comme sur le bossoir d’un navire
amarré en face du continent d ’Europe; Vienne s’est constituée
et fortifiée à l’aboutissant occidental et septentrional de la
chevauchée des Hongrois et des Turcs d’autrefois; de même
encore Saint-Pétersbourg tient tète à l’Europe.
Il ne faut donc pas s’étonner que Peking se soit élevée à la
jonction de routes venant de la Mongolie et de la Manchourie,
puisque c’est de là que toujours descendirent les ennemis les
plus redoutables du Royaume du Milieu, tandis que la Chine
est mieux garée de l’ouest, où ne vivent que de rares et pacifiques
montagnards; et du sud, par de multiples parapets de
monts malaisés à franchir. C’est à ce point ultra-sensible que
dut se bâtir la « Cour du Nord », comme point d’appui de
tout l’organisme politique de l’Empire.