des jonques de dimensions moins réduites ; à quelque
400 kilomètres en aval de Souifou, à partir de Tchongking,
flottent les grandes jonques, celles qui ont en moyenne 25 à
30 tonnes de jauge, au maximum 48, et aussi les chaloupes à
vap eu r, à côté des sampans (mot à mot : trois planches)
barques minimes, non pontées. On peut donc qualifier le
grand fleuve de réellement accessible jusqu’à Tchongking, à
2 350 kilomètres de la mer : là-dessus 1 750 praticables sans
difficultés, sans qu’on ait à lutter contre le moindre rapide;
tandis que de Tchongking à Itchang il y en a soixante, c plus
même, dit Bonin, puisque j ’ai parfois compté pour un seul
plusieurs rapides voisins reliés par le même nom. Cela fait
en moyenne un par 10 kilomètres, mais il ne faut pas s’illusionner
sur les difficultés réelles de la navigation : la plupart
de ces seuils sont recouverts aux moyennes eaux à partir
du commencement de mai, et il n’y en a en réalité que deux
ou trois véritablement dangereux et difficiles. Le principal,
le rapide de Yeh, présente une vitesse approximative de douze
noeuds en plein courant, précisément la vitesse mesurée, aussi
en plein courant, par Doudard de Lagrée au grand rapide
de Préapatang ou Préatrapang, sur le Mékong, entre Sambor
et Stungtreng; or, on sait que depuis longtemps nos vapeurs
franchissent ce dernier obstacle régulièrement et sans accident...
En somme, un vapeur ne calant que t m. 50 avec
machine pouvant développer une vitesse supérieure à 15 noeuds,
remonte sans dangers jusqu’à Tchongking. » De Tchongking
à Soui fou, le fleuve ne se brise qu’à six « rebouilles » un
peu sérieux.
A Soui fou débouche, sur la rive gauche, une
rivière de beau débit, de longueur raisonnable,
de bassin très fécond, très peuplé, un cours d’eau
lB fort utile au commerce, mais dont les Chinois se
xm sont exagéré l’importance jusqu’à lui donner le
, rang de branche initiale de leur précieux Yangtze.
On l’appelle Min ou Ouan kiang, Ouen kiang. Son cours est de
750 kilomètres.
Le Min part des monts homonymes, les monts Min chan,
prolongement d’une chaîne du Tibet oriental, pas bien loin de
la rive droite du Hoang ho supérieur ; il s’en va vers le sud-
sud-est, assez parallèlement au Pechoui et au Kin ho, et il arrose
de ses canaux la merveilleuse campagne de la capitale du
Setchouen, Tchingtou fou.
Au point de vue hydrographique il est incontestable que
le Min est l'affluent du Kincha kiang, car il lui est très inférieur
par la masse liquide, par la longueur du cours, et la vallée
qu’il parcourt n’est par sa direction qu’un sillon latéral de la
grande dépression médiane dans laquelle coulent les eaux du
Yangtze.
Cependant la plupart des auteurs chinois ont considéré
le Min comme la branche maîtresse du fleuve : la cause en est
due sans doute à la communauté de civilisation qui existait
entre les habitants de la vallée du Min et ceux du bas Yangtze
kiang. La grande rivière venue des hautes régions qu’habitaient
des populations sauvages et redoutées paraissait aux Chinois
policés provenir d’une sorte de monde à part; pour eux, le
Kiang, le « Fleuve » par excellence, devait couler en entier
dans le domaine de la civilisation.
Dans le Yukoung, qui est le plus ancien document géographique
de la Chine, le Min est indiqué déjà comme formant le
cours supérieur du Grand Fleuve. Marco Polo, qui résida dans
la vallée du Min, donne également à cette rivière le nom de
1 Kian ».
Sur les plus anciennes cartes, tout le cours supérieur du
Kincha kiang est supprimé, et le Hoang ho, le fleuve dont la
vallée avait été colonisée en premier lieu, est tracé comme
ayant une importance beaucoup plus considérable. Depuis
l’époque du célèbre voyageur, le Min a changé de lit dans la
plaine où se trouve Tchingtou fou, il coulait alors au milieu
de la ville, large d’un demi-mille et très profond, tandis que de
nos jours il ne traverse même plus Tchingtou et se divise en
plusieurs bras, dont le plus rapproché de l’enceinte n’a pas
100 mètres de largeur : les canaux d’irrigation creusés dans la
plaine environnante, jardin du Royaume Fleuri, ont fini par y
modifier la direction des cours d’eau.
Pendant les crues, le Min est navigable jusqu’à Tchingtou,
mais d’ordinaire, les bateaux ne peuvent remonter au delà de
Sintsin hien, où se réunissent en un seul courant tous les
canaux artificiels et naturels du bassin de la capitale : c’est là
que commence, à 3 260 kilomètres de la mer, cette ligne de
navigation non interrompue qui traverse de l’ouest à l’est toute
la Chine proprement dite. Un dixième de cette ligne de navigation
est formé par le courant du Min, tandis qu’en amont du
confluent le Kincha kiang, censé navigable pour les barques,
ne l’est réellement pas tout du long, mais seulement dans les
intervalles entre les rapides ; et de fait o n y < batelle » fort peu,
à cause de ces ébranlements de l’eau, et sans doute aussi en
vertu de la terreur qu’inspirent aux trafiquants chinois les sau