bares », des bredouilleurs « qui ne savent pas s’exprimer en
langage policé ».
On les appelle aussi Laka (anciennement Lokoueï). Ils
seraient venus du Chensi où, d’après les chroniques chinoises,'
ils habitaient au xn8 siècle avant notre ère.
Les Chinois confondent sous cette dénomination « flottante
» de Lolo, nombre de tribus qui sont, dans l’ensemble,
fort distinctes des populations de souche tibétaine, comme les
Si-Fan et les Mantze. Edkins y voit des branches de la famille
barmane; leur écriture rappellerait celle des talapoins de
Pegou et d’Ava. Thorel les divise en Lolo i blancs », parents
des Laotiens, et en Lolo « noirs », qu’il croit être autochtones;
à vrai dire, ces » noirs » sont, à peine plus foncés que ces
» blancs ». D’autres surnoms les divisent : les Lolo noirs
s’appellent aussi les Lolo crus ; et les Lolo blancs, les Lolo cuits
ou les mûrs; ceux-ci habitent le Yunnan, ceux-là le Setchouen
du sud-ouest. Chaque tribu nie sa parenté avec les tribus voisines,
ce qui s’explique fort bien par l’hostilité naturelle qui
se crée entre groupes différents.
Généralement supérieurs de taille aux Chinois, comme
aussi plus maigres et de traits plus marqués, plus agréables, du
moins au goût européen, le docteur Thorel nous les décrit
ainsi, spécialement les Lolo noirs : haute stature, épaules
larges, tronc non carré, taille accusée, membres bien articulés
et proportionnés, jambes droites, à mollets développés; teint
bistre, mais moins que celui des Hindous ; physionomie expressive,
énergique sans dureté; traits accentués, face ovale couronnée
d’un front assez large, peu fuyant, à bosses frontales
marquées; yeux horizontaux, bien qu’un peu bridés à l’angle
interne; nez un peu large, souvent droit, parfois busqué;
pommettes saillantes sans exagération ; bouche moyenne, lèvres
peu épaisses, dents blanches et régulières ainsi un assez
beau type d’homme. D’après M. de Yaulserre, les plus grands,
les plus forts de tous ceux qui portent le nom de Lolo, ce sont
ceux qui vivent dans le Lang chan ou Taleang chan, c la Montagne
des hauts sommets », qui a plusieurs pics argentés par
la neige éternelle. Eux-mêmes appellent ces monts, gardiens
de leur indépendance et cause probable de leur vigueur, de
leur souplesse, les Lao lin ou les * Vieilles forêts ». Le Leang
chan, disent les Chinois, est le « nid des Lolo ». A noter que s’il
est beaucoup de beaux Lolo, il y en a aussi de terriblement
« avortés », goitreux et crétins sous la pâle lumière dans les
vallées profondes.
Ils parlent un idiome monosyllabique moins nasalisé que
le chinois, et ils ont une écriture à eux ; des Chinois prétendent
que ce serait tout simplement par à peu près « l’écriture chinoise
sous la forme dite koïteou » ; mais les voyageurs étrangers
s’accordent à dire que les caractères sont purement phonétiques
et syllabiques. Colborne Baber reproduit ce syllabaire,
qui se trouve ressembler de la manière la plus étonnante à
celui des Veï de la côte africaine de Liberia.
Dans la ville de Ningyuen un certain nombre de Lolo sont
devenus tout à fait chinois par les moeurs, ils ont passé leurs
examens pour devenir fonctionnaires ; mais dans les montagnes
environnantes les tribus ont gardé leur indépendance première,
et les Chinois prennent grand soin de les éviter en contournant
leur pays, soit au nord, soit au sud. Depuis des siècles de
luttes, les colons n’ont pas réussi à refouler ces barbares, et
seulement un petit nombre de chefs ont consenti à recevoir
de l’empereur leur investiture; des stations militaires, établies
de distance en distance le long de leur frontière, n’empêchent
pas les Lolo de descendre fréquemment de leurs montagnes
pour s’emparer par force des objets dont ils ont besoin.
i Mon pouvoir est au sud et mon nom est respecté dans
toute la Chine », lit-on à l’entrée du yamen d’un de leurs tonsé
ou « chefs et seigneurs ».
Tandis que, dans le nord de la province, une race de
métis s’est formée entre les Chinois et leurs voisins Si-Fan et
Mantze, on ne constate encore que fort peu de croisements,
dans la partie méridionale du Setchouen, entre les barbares
Lolo et leurs voisins civilisés.
La religion des Lolo est d’un caractère assez | démocratique,
le prêtre de la tribu étant élu chaque année à nouveau
par les pères de famille assemblés, qui choisissent l’homme le
plus puissant, car ils croient surtout à la chance. Si une mort
quelconque, d’homme ou d’animal, a lieu dans la maison du
prêtre, on le remplace aussitôt. Les missionnaires catholiques
ont fait beaucoup de prosélytes chez les Lolo, qui se convertissent
par haine des Chinois, pour se distinguer d’eux (Monod).
Ainsi la région occidentale du Yangtze chinois
appartient encore à des races non chinoises,
ni à des Tibétains ou autres « barbares » en grande
c h i n o i s partie non assimilés.:
Mais à l’est d es montagnes qui commandent la
rive droite du Min, la scène change brusquement,
et des « sauvages » on passe aux « policés » ; on entre dans le