Ainsi donc ce pays, île jadis, le Chantoung restait une
île au point de vue de la navigation, avant que la révolte des
Taïping et la négligence publique et privée eussent oblitéré la
« rivière des Transports » ; tandis que pour le commerce par
terre il fait partie du continent.
Cette double facilité des échanges a complété les avantages
qu’assurent au Chantoung l’excellence de son climat, la fertilité
de ses campagnes, la richesse minière de ses assises, et la
population y est devenue très dense ; le long des routes et des
rivières, les villes et les villages se succèdent à de courts
intervalles, et du haut de mainte colline tout l’espace compris
par le cercle de l’horizon apparaît comme une immense cité
entremêlée de jardins.
La partie spécialement péninsulaire du
ii Chantoung, son orient, tombe sur la mer Jaune
r iv e s par des rives accores, hautes, à l’est, au nord,
e t m o n t s au sud ; pas au nord-ouest, sur le golfe de Pe-
d u tchili ; de ce côté les alluvions ont éloigné l’Océan
chanto ung du pied de la montagne.
Sur le littoral du nord, deux ports : Tche-
fou, qui a été profond et l’est de moins en moins; Weïhaï weï
où les Anglais se sont installés pour surveiller et commander
l’entrée du golfe de Tchili : commander à moitié seulement,
et pas même, puisque les Russes sont établis à Port Arthur,
à cette même entrée, à 160 kilomètres au nord-ouest, au bout
du chemin de fer qui réunit leur Europe à leur Asie.
Sur le littoral du sud, nombre de golfes, de baies, d’anses
tendent aussi à l’encombrement par les alluvions et les sables.
La plus grande baie, assez profonde encore, et surtout admirablement
située, celle de Kiaotcheou, a « fasciné » les Allemands,
qui s’en sont faits maîtres. A son nord et à son nord-
ouest, des terres basses qui s’allongent de la mer Jaune (au
sud) au golfe de Petchili (au nord) séparent très nettement du
massif continental du Chantoung le massif qui couvre la presqu’île
et qu’assez exactement on a pu comparer à une tête de
chameau. Ainsi en Tunisie, la dépression de Grombalia divise
très bien du golfe de Hammamet (au sud) et du golfe de Tunis
(au nord), la presqu’île montagneuse du Cap Bon du continent
de l’ex-Régence.
Le massif qui charge la péninsule, la « tète de chameau »,
faite surtout de roches archaïques, et les monts qui forment
l’ossature de la région continentale de la province peuvent être
considérés dans leur ensemble comme les restes] d’un plateau
découpé dans tous les sens par de petites rivières au)régime
torrentiel.
Dans la région spécialement péninsulaire, au]nord, une
rangée de hauteurs est très rapprochée du littoral, et les
marins qui contournent la Péninsule les voient se succéder
de l’est à l’ouest, presque toutes de la même forme ct|de la
même grandeur : ce sont des cônes réguliers, aux pentes
douces, que Macartney et ses compagnons, les comparant aux
chapeaux pointus que portent les officiers chinois, désignèrent,
dans leurs journaux de bord, par les noms de « bonnets de
mandarins ». Aucun de ces cônes ne dépasse beaucoup
1000 mètres, mais le long du littoral du sud, les sommets de
la chaîne bordière sont un peu plus hauts : le plus élevé de
tous, dans le massif isolé du Laou ehan, qui domine, à Test, la
baie de Kiaotcheou, dresse ses pitons à 1 100, 1 200, ou même
1 300 mètres.
La curieuse dépression qui relie entre monts la]baie de
Kiaotcheou au golfe de Petchili est moins une vallée, une
plaine, qu’une région faiblement, doucement ondulée, avec
lac beaucoup plus proche de la mer Jaune, largement ouverte,
que du golfe qui en est la grande indentation. Avec toutes
ses appartenances et dépendances, anciennes eaux comblées,
Richthofen lui suppose 6 000 kilomètres carrés. Le lac ci-dessus,
le Peïma hou, soit lac du Cheval Blanc, très peu profond
maintenant, y donne naissance à un affluent du golfe, jadis
relié au moyen d’un canal de navigation à un tributaire de la
baie accaparée par les Allemands..
Ce canal d’entre deux mers, livré au commerce vers Tan
1200, nous dit la tradition, est aujourd’hui obstrué, abandonné,
réduit à quelques flaques d’eau et à un chenal sec franchi par
d’antiques ponts de pierre ; mais il n’importe guère : canal de
nouveau creusé, routes, chemins de fer, quel que soit le mode
de communication choisi, il y a ici un col bas et un transit
facile, entre deux mers.
Les montagnes continentales du Chantoung couvrent un
espace beaucoup plus considérable que les montagnes péninsulaires,
et c’est grâce à elles que les terres hautes occupent
ici 82 000 kilomètres carrés (à peu près Taire du Massif Central
de la France), « y compris les régions de collines de leur
pourtour et les terres basses de leurs dépressions ». Ces
82 000 hectares répondent aux 56/100 de la province des
« Monts Orientaux »; les 44 autres centièmes appartiennent
à la grande plaine chinoise.