réciproquement d’avoir fait sur leurs terres des changements
imprudents qui ont détourné de la route indiquée la théorie des
esprits bienveillants.
Il importe donc, et il importe essentiellement de se nantir,
soi et les siens, d’un sage interprète des indices mystérieux de
la nature, sachant déterminer les conditions favorables des
vents et des eaux et transformer en avantages les influences
funestes. Il suffit parfois de planter un arbre ou de bâtir sur
une éminence une tour à toitures latérales et à clochetons,
pour que toute la contrée environnante soit placée sous une
heureuse conjonction des éléments.
Le nord, d’où proviennent les vents polaires, est aussi le
côté des mauvais génies, tandis que les bons sont appelés par
le souffle du midi. En général, les courbes sinueuses des
rivières, les contours mollement arrondis des collines favorisent
la prospérité de la contrée, tandis que les brusques tournants,
les roches verticales mettent en danger la population
des alentours.
Il faut également redouter la ligne droite, qui est celle des
esprits méchants : tout doit se mouvoir en douces sinuosités
comme » les vents et les eaux ». C’est pour cela que les toitures
des maisons chinoises sont toujours relevées à leurs
extrémités : ainsi les mauvaises influences, étant détournées de
la maison, vont se perdre dans l’espace, à des distances inoffensives.
’ U arrive maintes fois que les prescriptions du feng-choui
s’accordent avec les règles de l’hygiène : les Chinois de Hongkong
approuvèrent fort les médecins anglais d’avoir fait élever
un rideau d’arbres entre une caserne et des terrains insalubres,
et reconnurent que la plantation s’était faite conformément
aux préceptes « des vents et des eaux ».
En envisageant le feng-choui en dehors de Ce qu’il a d’enfantin,
en même temps que de fantaisiste, on peut dire qu’il
constitue les rudiments de la science naturelle en Chine :
d’après les professeurs, il comprend l’étude de l’ordre général
des choses, de leurs proportions numériques, de leur vie
intime, de leur forme extérieure.
Quand l’ingénieur européen vient brutalement éventrer le
sol par ses tranchées rectilignes ou construire des ponts biais
sur les torrents, percer obliquement les montagnes, poser
d’inflexibles rails d’acier à travers les allées de tombeaux, le
peuple ne peut se défendre d’une véritable terreur. La grande
opposition faite par les Chinois aux étrangers qui-ont entre
Religion des Chinois.
p r e m i e r °
nris la construction de chemins de fer dans te royaume du
Milieu ne provient pas seulement de la crainte qu a 1e gouvernement
de voir tes Européens s’établir peu à peu en maîtres
dans l’intérieur du pays, elle s’explique aussi par le respect
traditionnel des indigènes pour la Terre qui tes a faits ce qu ils
sont- on n e leur a pas laissé 1e temps de s’accommoder aux
nmcédés irrespectueux des ingénieurs étrangers qui ne se soutient
nue de courbes, pentes, distances majorées, passages
opportuns des rivières, lieux convenables pour tes tunnels.
De tous tes génies de puissance mondiale, plus que cela
cosmique, révérés en Chine, 1e dragon est celui dont on parle
le plus. Mais tout le monde ne s’en fait pas la même idée. Les
d6ST u te a n u I s renseignements de Wells Williams, il n’y aurait
ou’un seul « dragon authentique », ainsi décrit par les auteurs
les mieux renseignés : il a les cornes du cerf, tes yeux du lapin,
tes oreilles de la vache, 1e cou du serpent, 1e ventre du crapaud,
tes écailles de la carpe, les griffes du faucon, les pattes du
tigre; de chaque côté de sa gueule il porte moustache et sa
barbe renferme une perte rare ; son souffle se transforme tantôt
en eau, tantôt en feu, et sa voix est comme le bruit des cymbales.
Dragon volant, quoiqu’il n’ait pas dalles, et crocodile,
non pas raide, cuirassé, mais qui se déroute aussi aisément
qu’un serpent, sa tête est plus ou moins humaine et ses quatre
pattes ont chacune cinq griffes. « Il ne paraît jamais en
entier, dit Matignon, aux mortels assez heureux pour 1 apercevoir;
sa tête, sa queue ou une partie de son corps sont toujours
cachés dans les nuages. Il personnifie tout ce que les
mots « haut », « s’élever », peuvent représenter de sens et
d’idées : ainsi, par exempte, les montagnes, les grands
arbres, l ’Empereur, fils du ciel, la puissance : il est essentiellement
polymorphe. » ,
Comme le « bon Fridolin et 1e méchant Thierry » il y a le
bon dragon, et surtout ■ méchant, qui préside aux grands
désastres, aux inondations des fleuves, aux tremblements de
terre, aux pluies violentes, aussi bien qu’aux sécheresses de
longue durée, aux ravages de la foudre; aux typhons, aux
épidémies meurtrières. ' . . .
Il est partout, et se trouve bien partout, mais il aime surtout
l’eau, et de préférence tes rencontres de fleuves ou de
rivières, les « becs d’Ambès ».
Il ne vit pas seulement dans l’air, dans le au , sur terre,
mais encore sous terre, et, dit aussi Matignon, « ce sont les
sinuosités de son corps qui font les ondulations du terrain
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